Dans une missive adressée le 17 septembre aux juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons, chargés de démêler l’affaire Clearstream, Dominique de Villepin s’emporte contre les récentes déclarations effectuées devant les magistrats par le président de l’entreprise Duc, François Gontier, un industriel partie civile dans le dossier.
Imah Lahoud, quant à lui, relate qu’un avocat d’une des parties civiles aurait « fortement » encouragé un journaliste du Canard Enchaîné à publier le témoignage de Mr. Gontier, mettant en cause Dominique de Villepin.
On se demande quelle partie civile aurait bien pu faire cela…
M. Gontier, le 10 septembre, avait notamment indiqué aux magistrats « qu’il (M. de Villepin) est intervenu à différentes reprises personnellement pour Imad Lahoud », cet informaticien suspecté d’avoir falsifié les listings informatiques émanant de Clearstream, et d’y avoir introduit les noms de personnalités, dont celui de M. Sarkozy. M. de Villepin, soupçonné par les juges d’avoir joué un rôle dans la manipulation, a toujours nié connaître Imad Lahoud.
Or M. Gontier expliquait, le 10 septembre, que M. de Villepin avait « obtenu une place au lycée français (de Beyrouth) pour la fille Zoé (la nièce d’Imad Lahoud) », en septembre 2004. Par ailleurs, il assurait, toujours devant les juges, que « suite à la demande et à l’intervention de M. de Villepin », Anne-Gabrielle Heilbronner, l’épouse d’Imad Lahoud, avait pu intégrer le cabinet de Philippe Douste-Blazy, alors ministre des affaires étrangères. « Ces deux faits-là, expliquait l’industriel, je les ai vérifiés avec certitude. »
Dans le dossier d’instruction, il était déjà fait état d’une intervention de M. de Villepin, confirmée par le général Rondot, pour faire libérer Imad Lahoud, placé en garde à vue dans une affaire différente. Pour les juges, qui veulent prouver que M. de Villepin connaissait M. Lahoud, la déclaration de M. Gontier revêt une réelle importance. D’autant que celui-ci assure pouvoir fournir à la justice un ordinateur ayant appartenu à Imad Lahoud.
M. de Villepin, mis en examen pour « complicité de dénonciation calomnieuse », a accès au dossier d’instruction. Résolu à se défendre, il a donc fait parvenir aux juges une lettre dans laquelle il conteste vigoureusement la version défendue par M. Gontier. « Je tiens à nouveau à vous confirmer que je ne connais pas l’intéressé (Imad Lahoud) et que je ne l’ai jamais rencontré. » Concernant l’intervention auprès du lycée franco-libanais de Beyrouth que lui prête M. Gontier, l’ancien premier ministre s’inscrit en faux : « Vous pourrez vérifier dans les archives du quai d’Orsay que je ne suis jamais intervenu en faveur de M. Lahoud, écrit-il. Des recherches effectuées ce jour au sein des archives de mon cabinet pour la période 2003-2004 confirment bien qu’aucune intervention n’a été effectuée dans ce domaine auprès des services ou institutions culturelles ou scolaires à Beyrouth. » Joint par Le Monde, Jean-Pierre Villain, le directeur général de la mission laïque au Liban, qui gère plusieurs lycées franco-libanais à Beyrouth, confirme n’avoir « jamais été contacté par qui que ce soit » quant à l’éventuelle inscription de la nièce d’Imad Lahoud en septembre 2004.
Pour ce qui est de Mme Lahoud-Heilbronner, inspecteur des finances au cabinet de M. Douste-Blazy alors au quai d’Orsay, M. de Villepin proteste : « M. Douste-Blazy m’a assuré ce jour qu’il n’avait reçu aucune intervention de mon cabinet, et a fortiori de moi-même. » Selon M. de Villepin, c’est Pierre Vimont, son ancien directeur de cabinet au quai d’Orsay, aujourd’hui ambassadeur à Washington, qui a embauché Mme Lahoud-Heilbronner, sur les recommandations d’Eric Woerth, ministre du budget.
Deux jours avant cette lettre de M. de Villepin, Imad Lahoud avait lui aussi écrit aux juges. Pour assurer que Dominique de Villepin n’était « jamais intervenu » en sa faveur.
Il en a profité pour relater la teneur d’une conversation qu’il avait, selon lui, eue avec un journaliste du Canard enchaîné. Ce dernier lui aurait assuré que l’avocat d’une partie civile dans le dossier Clearstream avait confié à l’un de ses collègues de l’hebdomadaire satirique le procès-verbal d’audition de François Gontier. Cet avocat, à en croire M. Lahoud, aurait « fortement » encouragé le journaliste à en publier des « extraits croustillants ».
Source: Gérard Davet (Le Monde)