Dominique de Villepin a décidé de se pourvoir en cassation contre la décision de la Cour d’appel de Paris, qui a maintenu vendredi le principe d’une caution, la réduisant cependant à 50.000 euros, au lieu de 200.000 euros, a-t-il indiqué vendredi dans un communiqué.
L’ancien Premier ministre considère que l’arrêt de la chambre de l’instruction constitue « une première étape » mais que son « combat ne s’arrêtera que le jour où la vérité entière sera connue dans l’affaire Clearstream et où justice (lui) aura été rendue ».
Dominique de Villepin a, par ailleurs, adressé une lettre à Nicolas Sarkozy ce vendredi, lettre dont il est venu présenter le contenu vendredi soir sur l’antenne d’Europe 1. L’ancien Premier ministre conteste principalement le fait que le nouveau président de la République ait jamais été mis en cause personnellement dans le dossier Clearstream.
Selon son avocat, M. de Villepin conteste le principe même d’un cautionnement. « J’ai décidé de me pourvoir en cassation pour qu’il soit reconnu n’y a pas lieu à cautionnement », ajoute-t-il dans son communiqué.
Dominique de Villepin a été mis en examen le 27 juillet dernier pour « complicité de dénonciation calomnieuse », « complicité d’usage de faux », « recel de vol » et « recel d’abus de confiance » dans l’affaire Clearstream.
Le jour de sa mise en examen, M. de Villepin avait contesté le montant du cautionnement, jugé « inutilement vexatoire » par ses avocats, et « rare » par une source judiciaire.
A titre de comparaison, l’ancien vice-président d’EADS Jean-Louis Gergorin et le mathématicien Imad Lahoud ont dû verser chacun une caution de 80.000 euros.
Le parquet général avait de son côté estimé qu’elle n’était pas nécessaire.
L’arrêt rendu vendredi maintient l’interdiction imposée à M. de Villepin -et qu’il ne conteste pas- de rencontrer Jacques Chirac et les principaux personnages du dossier Clearstream, notamment Jean-Louis Gergorin, Imad Lahoud, et le général Philippe Rondot, selon une source judiciaire.
L’affrontement entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy sur l’affaire Clearstream a par ailleurs pris un nouveau tour vendredi avec l’envoi par le premier d’une lettre au second dans laquelle il insiste sur la « nécessité » d’éviter « toute confusion entre (ses) prérogatives présidentielles » et son « statut de partie civile » dans ce dossier.
Nicolas Sarkozy avait pris les Français à témoin jeudi soir sur TF1 et France-2, soulignant que son nom avait été « sali » dans l’affaire Clearstream et qu’il avait été « partie civile deux ans avant de devenir président de la République ». Il répondait ainsi à Dominique de Villepin, qui s’était interrogé au cours des dernières semaines sur la compatibilité entre les statuts de partie civile et chef de l’Etat.
A son tour, Dominique de Villepin a pris sa plume vendredi pour enfoncer le clou sur ce terrain.
« Contrairement à ce que la question posée par (la journaliste de France-2) Arlette Chabot pouvait laisser entendre, je n’ai jamais exprimé le souhait que vous retiriez votre plainte qui est de plein droit », écrit M. de Villepin. Il a souligné la « bizarrerie juridique d’un président de la République, président du Conseil supérieur de la magistrature qui serait en même temps partie civile ».
L’ex-chef de gouvernement veut « insister dans ce contexte sur la nécessité d’une très grande vigilance pour éviter toute confusion entre vos prérogatives présidentielles aujourd’hui ou ministérielles hier et votre statut de partie civile ».
Dominique de Villepin n’est « pas sûr » que les déclarations de M. Sarkozy jeudi soir « aient permis de sortir de cette confusion ». L’ancien Premier ministre réaffirme n’avoir « jamais participé de près ou de loin à une quelconque opération de dénonciation calomnieuse ».
M. de Villepin explique avoir « noté l’insistance » avec laquelle Nicolas Sarkozy a fait valoir « combien (son) nom avait été ‘sali ». Pourtant, observe l’ancien Premier ministre, le dossier d’instruction « ne comporte aucun élément de mise en cause de votre personne ni sur le plan médiatique ni sur le plan judiciaire ».
De surcroit, « comme vous le savez, ce n’est pas votre nom qui figure sur les listings, mais des éléments patronymiques qui expliquent que la presse, comme la classe politique, a pensé qu’il pouvait s’agir de votre père », poursuit Dominique de Villepin. « C’est vous-même qui avez indiqué que vous étiez visé », lance-t-il, en se demandant « devant quel juge » Nicolas Sarkozy « a eu à (se) justifier ».
« Que je sache, les commissions rogatoires lancées par le juge Van Ruymbeke correspondent à un travail de vérification confidentiel pour lequel vous n’avez été à aucun moment sollicité. Mais peut-être que tous les éléments ne figurent pas au dossier des juges d’Huy et Pons et dans ce cas, je suis certain que vous ne manquerez pas de les leur faire parvenir », ironise-t-il.
M. de Villepin, qui proteste de son innocence, a sonné depuis août dernier la contre-offensive dans les médias. Il souligne qu’il ne s’agit pas « d’une affaire politique », mais « industrielle » trouvant selon lui son origine les rivalités industrielles entre EADS et Airbus et celles opposant plus largement les géants de l’armement français.
Dans une note aux juges la semaine dernière, il avait accusé le président d’avoir « privatisé » à son profit le dossier, dont il avait été informé « tôt ».
Ce soir sur Europe 1, Dominique de Villepin a réaffirmé que le dossier Clearstream ne mettait pas en cause Nicolas Sarkozy: « selon le dossier que j’ai pu consulter, à aucun moment il n’a été mis en cause ni juridiquement ni médiatiquement. Je ne lui fais pas de procès d’intention mais s’il a été sali, très bien, je veux savoir comment, s’il a été entendu par les juges, très bien, je veux savoir comment » a martelé Dominique de Villepin.
Dominique de Villepin a rappelé sur Europe 1 qu’il ne demandait pas à Nicolas Sarkozy de retirer sa plainte. Mais il a mis en doute le statut du président de la République dans ce dossier. « Il y a une bizarrerie juridique » a expliqué Dominique de Villepin. « Qui s’exprimait hier à la télévision ? Le chef de l’Etat ou la partie civile ? Est-ce que ce double statut n’impressionne pas la justice et la police judiciaire ? » s’est-il interrogé.
M. de Villepin doit être à nouveau entendu par les juges le 11 octobre.
Sources: Associated Press, Agence France Presse et Europe 1