Dominique de Villepin estime avoir marqué des points, jeudi, lors de son interrogatoire dans l’affaire Clearstream. Pendant huit heures, l’ex-Premier ministre a repris une bonne part des arguments développés dans sa note d’environ 80 pages remise la veille aux juges d’Huy et Pons ainsi qu’aux différents avocats du dossier.
« Courtois », selon Me Olivier d’Antin, son défenseur, l’échange entre Villepin et les juges n’en a pas moins été sportif, selon plusieurs sources informées. Sur le fond, Dominique de Villepin a catégoriquement démenti la plupart des déclarations de Jean-Louis Gergorin et du général Rondot, selon lesquels il aurait joué un rôle majeur dans le volet politico-judiciaire de cette affaire. Ainsi affirme-t-il n’avoir confié à Rondot qu’une « mission d’évaluation de cette affaire Clearstream », en janvier 2004, « pour éclairer des aspects internationaux qui le préoccupaient comme ministre des Affaires étrangères ». Quant aux notes embarrassantes du général, elles ne font, selon lui, que reprendre les dires de Gergorin. « Tout ne tient, dans cette fable, que par ce que raconte Jean-Louis Gergorin », assène Villepin, qui fut pourtant son ami. A l’en croire, Gergorin était obsédé par Clearstream et faisait le siège de son bureau, mais le ministre le renvoyait le plus souvent vers ses « collaborateurs ». Et c’est à l’insu de Villepin qu’il aurait remis un terminal BlackBerry à sa secrétaire particulière.
Selon l’ancien Premier ministre, Gergorin harcelait également Rondot. « Jean-Louis Gergorin se pare d’une légitimité qui n’est pas la sienne, ajoute-t-il, et se sert de moi pour accroître le poids de ses dires auprès du général Rondot ». Autre saillie, à propos d’un rendez-vous secret que Gergorin situe en février 2004, que conteste farouchement Villepin, et où le dirigeant d’EADS « aurait été en quelque sorte investi d’une mission que (je) lui aurais confiée: On assiste là à quelque chose qui ressemble davantage au mystère de l’Immaculée Conception qu’à la réalité de la vie ministérielle »…
Dominique de Villepin l’assure, il n’a pas entendu le nom de Sarkozy lors de la fameuse réunion du 9 janvier 2004, au Quai d’Orsay, avec Gergorin et Rondot, car il a été « amené à répondre à plusieurs reprises au téléphone ». A fortiori, il n’a jamais demandé d’enquête sur Nicolas Sarkozy. « Quand j’ai quelque chose à dire, je ne me cache derrière personne, et puisqu’on me reproche d’avoir voulu nuire à Nicolas Sarkozy, il peut en témoigner lui-même, je ne suis pas quelqu’un qui se dérobe devant la difficulté. »
Selon lui, l’apparition des noms Nagy et Bocsa dans les listings Clearstream « par opposition aux noms propres des autres hommes politiques indique bien que Nicolas Sarkozy ne pouvait pas être une cible particulière » pour les comploteurs. « Il est à tout le moins indirectement visé, et certainement pas pour des raisons politiques, assène Villepin. C’est d’ailleurs lui-même qui a indiqué, en juillet 2004, qu’il était visé, alors que les responsables politiques s’interrogeaient sur une mention qui pouvait éventuellement concerner son père. »
Pour Villepin, la machination ne procède que d’un règlement de comptes dans le milieu de l’aéronautique. « On peut résumer les choses en disant que là où le général Rondot est scripteur, Jean-Louis Gergorin est prescripteur, et qu’il n’a nul besoin d’un inspirateur pour lui suggérer un scénario », lâche-t-il.
L’ex-Premier ministre retrouvera les juges début octobre pour poursuivre cet interrogatoire, puis sera certainement confronté à Gergorin. Par ailleurs, le financier François Gontier, qui est partie civile, a été entendu, à sa demande, le 10 septembre par les juges d’Huy et Pons. Il a fait état de plusieurs interventions troublantes de Villepin en faveur d’Imad Lahoud, le faussaire présumé des listings Clearstream, que l’ex-Premier ministre dit ne pas connaître. François Gontier a également promis aux juges de leur remettre un ordinateur ayant appartenu à Lahoud et qu’il aurait récupéré lui-même au Liban…
Source: Michel Delean (Le Journal du Dimanche)