Interrogé mercredi sur France Inter puis sur Canal +, Dominique de Villepin a très nettement haussé le ton.
Inspiré par l’Aigle napoléonien, qui « sait tomber avec hauteur », l’ancien premier ministre aiguise ses griffes contre Nicolas Sarkozy, puisant dans sa « rage » de justice les ressorts d’une renaissance politique.
Le silence de l’ancien Premier ministre, d’abord fruit de sa volonté de réserve puis du choc de sa mise en examen dans l’affaire Clearstream, a laissé place à un discours tranchant et opportunément ciselé pour briser l’unanimisme qui prévaut dans la majorité depuis l’élection de Nicolas Sarkozy.
Le retour du « vrai Villepin », veulent croire ses amis. De là à imaginer un courant « villepiniste » au sein de l’UMP? Dominique de Villepin s’affirme pour l’heure dans le rôle du franc-tireur aux côtés d’une opposition de gauche quasi atone.
« J’entends dire ce que je pense », a prévenu l’ancien chef du gouvernement, qui multiplie les interventions dans les médias depuis fin août à l’occasion de la parution de son nouvel ouvrage sur Napoléon, « Le Soleil noir de la puissance ».
Ce passionné qui aime à disséquer le pouvoir en presque chirurgien se pose en « conscience » de la majorité – et de Nicolas Sarkozy? – face à « l’esprit de cour » qui menace selon lui l’action du chef de l’Etat, rival d’antan.
Mercredi, sur France Inter, Dominique de Villepin a durci le trait en tançant les « béni-oui-oui » et les « cire-pompes ».
« Ce n’est pas quand vous êtes entouré de béni-oui-oui, de cire-pompes et de courtisans que vous faites avancer un pays« , a-t-il dit à, invoquant l’exemple du « Bourgeois gentilhomme », personnage fat, entiché de noblesse, créé par Molière.
L’ancien Premier ministre a défini « l’esprit de cour » comme « un virus dangereux ». « La cour, c’est cette incapacité à se remplir de l’objectif pour exprimer le contentement permanent de celui qui le fait et le mettre en scène », a-t-il ajouté, en invitant « à voir et revoir » Le Bourgeois gentilhomme de Molière. « Le Bourgeois gentilhomme, c’est toujours celui qui se met en scène. C’est forcément celui vers lequel les regards se tournent ». « On confond parfois le pouvoir et la gloire », a-t-il souligné.
Dominique de Villepin s’est dit « sidéré » et « inquiet » par la lecture du livre de Yasmina Reza sur Nicolas Sarkozy. « Le pouvoir n’est pas fait pour être ainsi consacré, il est fait pour rendre des comptes », a-t-il dit. « L’homme de pouvoir en France est toujours mis dans la position d’être flatté », a-t-il observé, en souhaitant que « les amis de Nicolas Sarkozy soient capables de lui dire les choses, de lui donner un autre son de cloche ».
Dominique de Villepin a souligné que le pays était « confronté à une conjoncture économique difficile » avec une croissance située par « les experts à 1,8%, peut-être 1,9% ». « Le commerce extérieur atteint les chiffres les plus mauvais et l’investissement n’est pas glorieux », a-t-il dit.
« Avançons les yeux ouverts », a-t-il lancé.
« Je suis celui qui remplit le rôle de conscience et d’aiguillon d’une majorité qui ne doit pas s’endormir sur ses lauriers », a-t-il expliqué, rappelant les « courtisans » à la réalité d’ »une conjoncture économique difficile » et d’un commerce extérieur qui « atteint les chiffres les plus mauvais ».
Déjà lundi, sur Europe 1, Dominique de Villepin, ancien ministre des Affaires étrangères, avait souhaité que le nouvel exécutif « fasse mieux » sur plusieurs dossiers diplomatiques, critiquant sans détour les « interprétations éminemment discutables » de Nicolas Sarkozy sur l’Afrique et s’alarmant d’une possible « caution » donnée à l’administration Bush en Irak.
L’ancien Premier ministre, qui fut secrétaire général de la présidence de la République de 1995 à 2002, s’est attaqué également à l’omniscience et l’omniprésence médiatiques de l’entourage élyséen. Claude Guéant, a-t-il ainsi estimé, n’a « pas de légitimité politique » à s’exprimer publiquement.
Dominique de Villepin a affirmé mercredi que sa posture était d’essence sarkozienne. « Je suis dans une majorité dans un pays où il n’y a plus d’opposition. Et dans cette majorité j’estime que nous devons porter la critique », a-t-il dit. « Ma référence, c’est Nicolas Sarkozy », a-t-il ironisé, rappelant avoir été « dans un gouvernement où Nicolas Sarkozy n’a pas arrêté d’expliquer qu’il fallait animer le débat, qu’il y ait des grandes voix, des consciences capables de porter le débat et de nous permettre d’aller plus d’animer le débat. Nicolas Sarkozy avait raison ». « Je suis celui qui remplit le rôle de conscience et d’aiguillon d’une majorité qui ne doit pas s’endormir sur ses lauriers », a-t-il conclu.
Convoqué de nouveau par les juges le 13 septembre pour s’expliquer sur le dossier Clearstream, qu’il présente comme une « construction » politique destinée à lui nuire, Dominique de Villepin sait que son combat judiciaire hypothèque pour l’heure tout scénario politique personnel.
Avec toujours à l’esprit l’exemple de Napoléon.
« Napoléon possède le génie de la conquête mais pas celui de la conservation. Le premier nécessite l’alliance de l’instinct, du courage et de la volonté. Le second, une réelle capacité d’écoute et de questionnement sans laquelle la politique s’abîme dans l’habitude et l’artifice entretenus par l’adulation intéressée des courtisans », écrit-il.
Toujours sur France Inter, Dominique de Villepin a déclaré mercredi que « Nicolas Sarkozy » n’avait « pas été victime d’une machination politique dans le dossier Clearstream » qui selon lui, aurait été « reconstruit » pour défendre cette thèse.
« Il n’y a pas de dimension politique dans ce dossier. Nicolas Sarkozy n’est pas victime d’une machination politique. Ce dossier a été reconstruit pour défendre cette thèse politique, ce qui est aujourd’hui la source de l’injustice qui m’est faite« , a résumé l’ancien Premier ministre.
M. de Villepin, mis en examen le 27 juillet dans ce dossier pour « complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol et abus de confiance, complicité d’usage de faux », doit à nouveau être entendu le 13 septembre par les juges d’instruction. « J’apporterai le 13 septembre tous les éléments aux magistrats qui montreront que cette affaire n’est pas une affaire politique. Je prouverai que je ne suis pas dans ce dossier » a-t-il affirmé.
« Je veux savoir par quel tour de passe-passe et par quelle manipulation cette thèse politique d’un Nicolas Sarkozy qui aurait été visé dans cette affaire pour des raisons politiques s’est imposée, parce que c’est la grande clef. Tout cela s’est passé insidieusement, à coup de violations du secret de l’instruction« , a poursuivi l’ancien Premier ministre, en s’étonnant que l’enquête judiciaire sur la violation de l’instruction dans le dossier Clearstream ait été récemment close. « J’apporterai des éléments qui, à mon sens, devraient permettre de rouvrir cette instruction », a-t-il affirmé.
« Il n’y a pas une mais quatre affaires Clearstream », a expliqué l’ancien Premier ministre citant l’affaire des « frégates de Taiwan », celle de l’entreprise luxembourgeoise Clearstream, celle des rivalités industrielles dans le monde de l’armement et enfin l’affaire politique.
« Comment est-on passé d’un dossier international et industriel à un dossier politique qui aujourd’hui se réduit à une pseudo-rivalité entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy ? », s’est-il interrogé. « Ce tour de passe-passe explique comment à un moment donné, on a pu faire pression sur le cours de la justice« , a-t-il ajouté estimant qu’au coeur de ce dossier il y avait la peur : « Comment un homme politique a pu être saisi par la peur et imaginer qu’on lui en veut au point de vouloir se faire justice lui-même. C’est la source pour moi aujourd’hui d’une très grande injustice. C’est pour cela que je souhaite réparation« , a-t-il conclu.
Interrogé mercredi soir sur Canal + sur les cent premiers jours du président de la République Nicolas Sarkozy, Dominique de Villeipn a reconnu « beaucoup d’énergie, beaucoup de volonté ».
« Je pose une question: est-ce que si on se contente d’appliquer toutes les promesses de Nicolas Sarkozy, la France ira mieux? Et je dis: c’est pas sûr », a lancé l’ex-chef de gouvernement.
« Il faut donc prendre d’autres mesures », a-t-il préconisé. « Faisons en sorte, puisque l’état de confiance est là, que notre économie puisse repartir sur de nouvelles bases. Ca i
mplique aujourd’hui des dispositions fortes ».
Un peu plus tard, il a déclaré: « mon horizon, ce n’est pas Nicolas Sarkozy, mon horizon, c’est la France« .
Sources: Reuters (Sophie Louet), Agence France Presse