En refusant de saisir la Cour de justice de la République, l’ex-premier ministre parie sur une instruction rapide du dossier.
Ses propos ont sonné à la fois comme une promesse, un changement d’humeur, et un revirement tactique. Interviewé lundi soir sur TF1, Dominique de Villepin a annoncé qu’il ne « saisirait pas la Cour de justice de la République » (CJR) mais se comporterait face aux juges de l’affaire Clearstream « comme n’importe quel citoyen, comme un citoyen ordinaire ». Un engagement à travers lequel l’ancien premier ministre laisse également deviner les grandes lignes de sa stratégie de défense.
Bien qu’il ait « agi dans le cadre de ses fonctions » (ministre des Affaires étrangères puis de l’Intérieur), l’ancien premier ministre a ajouté n’avoir demandé que de simples « vérifications » en donnant instructions à Jean-Louis Gergorin de transmettre les faux listings de Clearstream au juge Van Ruymbeke. « À aucun moment je n’ai demandé quelque chose d’autre », a-t-il déclaré à l’antenne. Ne livrant pas d’explications sur les notes du général Rondot consignant les nombreux rendez-vous qui se seraient tenus au plus haut niveau sur ce dossier courant 2004.
« On me fait un procès d’intention politique, à partir d’éléments que l’on suppose que j’ai connus, que l’on suppose que j’ai eus en main et que je n’ai pas eus en main », a-t-il ajouté, les magistrats instructeurs le soupçonnant d’avoir pris part à une opération de déstabilisation visant Nicolas Sarkozy.
Le choix de la simplicité
Mis en examen le 27 juillet dernier pour « complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol et d’abus de confiance, complicité d’usage de faux », l’ancien premier ministre avait refusé ce jour-là de s’expliquer face aux juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons, écourtant de facto un interrogatoire attendu de longue date.
Le positionnement de Dominique de Villepin laissait alors penser qu’il entendait contester la compétence des juges, préférant se tourner vers la CJR, seule habilitée à juger les crimes et délits d’un ministre dans l’exercice de ses fonctions.
Au final, M. de Villepin semble avoir fait le choix de la simplicité, en acceptant de « répondre à toutes les questions » qui lui seront posées. Rendez-vous a donc été pris le 13 septembre prochain avec les magistrats du pôle financier, contre lesquels le bras de fer n’aura pas lieu. « Je n’ai rien à cacher, a-t-il déclaré avant-hier soir. Mais je veux surtout que la justice puisse agir rapidement. »
De fait, en renonçant à demander devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris la saisine de la CJR, l’ancien premier ministre fait clairement l’économie d’une procédure susceptible de traîner en longueur et lourde d’un point de vue symbolique.
Par ailleurs, Dominique de Villepin veut croire que le mode de fonctionnement du circuit judiciaire « traditionnel » peut multiplier ses chances de gagner, la dénonciation calomnieuse figurant parmi l’un des délits les plus délicats à qualifier juridiquement. Une occasion supplémentaire pour lui d’en finir avec l’affaire Clearstream, dont il espère pouvoir sortir blanchi, pourquoi pas grâce à un non-lieu.
Source: Anne-Charlotte de Langhe (Le Figaro)