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Les premières dames de France (1/6): Yvonne de Gaulle, l'ombre du grand homme

Pour la nation tout entière, elle sera d’abord «Tante Yvonne», un affectueux sobriquet pour la discrétissime épouse du Général. Une femme comme une image d’Epinal, une icône, voire la caricature d’une France d’autrefois.

Effacée, réservée, «muette». Fervente paroissienne, éduquée dans une famille de notables du nord de la France, Yvonne de Gaulle n’a jamais accepté ni audience, ni interview, ni portrait. Ce n’eût pas été convenable. De 1958 à 1969, dans les années de Gaulle, l’heure n’était pas à la politique-spectacle, ni aux conseillers en «com», et encore moins à l’irruption des personnalités et de leur famille dans les revues que l’on n’appelait pas encore «people».

Yvonne de Gaulle a traversé des pages d’histoire de France en tenant la main de son mari. A Londres, à Colombey-les-Deux-Eglises, à l’Elysée ou au Petit-Clamart, le 22 août 1962, quand l’OAS a tenté de supprimer dans sa DS officielle l’homme qui avait donné l’indépendance à l’Algérie.

Compagne attentionnée jusqu’au dernier souffle de Charles de Gaulle, elle se préoccupa beaucoup de sa santé dans les années difficiles qui suivirent l’élection de 1965. Elle le savait vieux et usé et peu à l’écoute de son corps.

En mai 1968, Yvonne de Gaulle a eu vraiment peur des débordements parisiens. Sa biographe, la journaliste Geneviève Moll, raconte qu’alors qu’on la conduisait à un magasin, un automobiliste l’avait insultée à un feu rouge tandis que des vendeuses l’avaient carrément prise à partie. Ces incidents n’auraient pas été étrangers au départ précipité du chef de l’Etat vers Baden-Baden le 29 mai. Quelques jours plus tôt, elle avait déjà vu son mari désemparé et incapable de reprendre le contrôle du pays après son intervention télévisée ratée.

La fin des événements et le retour à l’ordre ne rassureront pas Yvonne de Gaulle sur le sort de son époux. Pour elle, cette période troublée où les insultes de la rue avaient fusé contre le Général n’avait fait qu’abîmer l’image de l’homme du 18 juin 1940. Aussi, quand il quitte le pouvoir l’année suivante, elle en tire un véritable soulagement.

Malgré ses longues années passées au Palais, la frêle Yvonne de Gaulle n’y a laissé que peu de traces. Alain Peyrefitte raconta néanmoins qu’elle se plaisait beaucoup plus à La Boisserie. De l’Elysée, elle dit un jour au président américain Dwight Eisenhower : «Tout le monde y est chez soi, sauf nous !» On ne prendra pas cet aveu comme l’expression d’un véritable bien-être.

Source: Le Figaro Magazine

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