Dans ces circonstances difficiles pour lui, nous réaffirmons naturellement notre soutien, notre confiance et notre fidélité à Dominique de Villepin.
Voici les déclarations faites ce matin par l’ancien Premier Ministre:
« J’ai été reçu ce matin par messieurs d’Huy et Pons qui m’ont confirmé leur décision. Cette décision me permettra, comme je l’ai souhaité, de prendre connaissance de l’intégralité du dossier.
« Je tiens à redire ce matin, qu’à aucun moment je n’ai demandé d’enquête sur des personnalités politiques, qu’à aucun moment je n’ai participé à une manoeuvre politique.
« J’ai agi pour faire face à des menaces internationales, j’ai agi pour faire face à des menaces concernant nos intérêts économiques. C’est strictement dans ce cadre que j’ai agi. C’était mon devoir comme ministre.
« Je ne vous cache pas que ces mises en cause sont douloureuses pour moi et ma famille, mais je me battrai pour que dans le cadre de l’instruction la vérité puisse enfin apparaître. Je répondrai naturellement à l’ensemble des questions qui me seront posées ».
« Complicité de dénonciation calomnieuse », « complicité d’usage de faux », « recel d’abus de confiance » et « recel de vol » : ces quatre chefs de mise en examen dans le dossier Clearstream ont été signifiés, vendredi 27 juillet, à l’ancien premier ministre, Dominique de Villepin, qui a été convoqué à 10 heures par les juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons. Comme c’est le cas pour tous les autres prévenus de cette affaire, les juges pourraient assortir cette mise en examen d’un strict contrôle judiciaire et interdire à M. de Villepin de rencontrer un certain nombre de personnalités.
Tout juste rentré de Polynésie, où il a passé quelques jours de vacances, l’ancien premier ministre avait l’intention de faire valoir ses droits à la défense en demandant aux juges un délai pour examiner le dossier avant de répondre à la cinquantaine de questions précises que ceux-ci souhaitent lui poser. « Dominique de Villepin est déterminé à fournir les explications qu’on lui demande, mais il a besoin, comme n’importe quel justiciable, de connaître précisément ce qui lui est reproché », a déclaré au Monde l’un de ses avocats, Me Olivier d’Antin.
Les conseils de M. de Villepin semblent avoir provisoirement renoncé à contester la compétence des juges, alors qu’ils avaient, dans un premier temps, estimé que les fonctions ministérielles exercées par leur client justifiaient la saisine de la Cour de justice de la République. Mais ce motif étant d’ordre public, il peut être soulevé à tout moment de la procédure.
Parmi les procès-verbaux qui ont retenu, en priorité, l’attention de Mes Olivier d’Antin et Luc Brossolet figurent les dernières déclarations de Jean-Louis Gergorin, ancien vice-président d’EADS. Entendu à deux reprises, mercredi 18 juillet et vendredi 20 juillet, il a en effet mis en cause M. de Villepin, affirmant qu’il avait agi sur ses ordres. Il a notamment confirmé la note du général Rondot selon laquelle l’ancien premier ministre avait lui-même suggéré à M. Gergorin de prendre l’initiative de « balancer Nicolas Sarkozy » en rencontrant, puis en lui adressant des courriers anonymes, le juge Renaud Van Ruymbeke. « Cette note est en substance exacte », a-t-il observé.
Devant les juges, l’ancien dirigeant d’EADS a également répété qu’à l’appui de sa demande « d’informer ou de saisir un juge », M. de Villepin avait précisé que c’était une « instruction du président de la République », Jacques Chirac. « La référence à cette instruction était accompagnée de la part de Dominique de Villepin d’une demande de secret le plus absolu par rapport à tout tiers, y compris le général Rondot », a ajouté M. Gergorin.
« Pourquoi MM. Chirac et de Villepin n’ont-ils pas officiellement dénoncé ces faits à l’autorité judiciaire (…) et vous ont-ils, au contraire, donné pour instruction d’entreprendre une démarche secrète auprès d’un juge ? », ont demandé MM. d’Huy et Pons à Jean-Louis Gergorin. « Ma perception était que Dominique de Villepin – et sans doute le président de la République, car j’étais et je reste convaincu qu’il ne faisait rien sans en référer au président – avaient une conviction : d’une part, de la réalité de l’implication d’un certain nombre de personnalités politiques, y compris Nicolas Sarkozy (…), d’autre part, de la capacité de ces mêmes personnalités d’être informées immédiatement par leurs amis au sein des services de renseignement de toute investigation les concernant et donc de réagir en criant à la manipulation politique », a répondu M. Gergorin.
Les conseils de M. de Villepin ne sont pas les seuls à s’intéresser de près à ces propos. Ils ont aussi fait l’objet d’un examen attentif à l’Elysée. « Très offensif », selon ses proches, M. Sarkozy reste convaincu de l’implication de son prédécesseur dans cette affaire. « Il est persuadé que Gergorin dit la vérité sur les instructions de Chirac », confie l’un de ses interlocuteurs, d’autant que, à la liste des personnalités déjà connues figurant sur les faux listings de Clearstream vient s’ajouter son fidèle lieutenant, Brice Hortefeux. Le nom du ministre de l’immigration et de l’identité nationale est en effet apparu, le 18 juillet, sur des fichiers appartenant à M. Gergorin et remis par ses soins aux juges avec sa clé USB. « J’ai été informé vendredi que mon nom apparaissait avec un numéro de compte richement doté et créditeur et j’ai immédiatement décidé de me constituer partie civile », déclare M. Hortefeux.
La semaine dernière, Nicolas Sarkozy s’était agacé des hasards du calendrier judiciaire qui ont fait coïncider l’audition de Jacques Chirac par le juge Alain Philibeaux dans le cadre du dossier des emplois contestés du RPR, et celle de M. Gergorin. Car la première a fait passer au second plan la seconde. « Les cons, ils n’ont pas regardé où il fallait ! « , a t-il lancé devant l’un de ses interlocuteurs à propos de la presse qui rendait compte trop largement, à son goût, des propos de M. Chirac, alors que, selon M. Sarkozy, « la seule information importante est dans la déposition de Gergorin ». Celle-ci devait figurer au cœur des questions que les juges d’Huy et Pons entendaient poser à M. de Villepin.
L’enjeu pour lui était de connaître, au-delà de sa mise en examen annoncée, les conditions du contrôle judiciaire que les juges peuvent lui imposer – et notamment celle de sa liberté d’aller et venir hors du territoire national – dont dépend sa reconversion professionnelle.
Source: Gérard Davet et Pascale Robert-Diard (Le Monde)