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Les chiraquiens cherchent leur place au sein de la majorité

Écartés des postes à responsabilité, les anciens fidèles de Jacques Chirac et Dominique de Villepin veulent s’organiser pour faire entendre leur «spécificité».

Ils disaient : «Nicolas Sarkozy finira par sessouffler.» Ils pensaient : «Il fera perdre son camp.» Ils assuraient : «Les Français n’éliront jamais un libéral, atlantiste, communautariste.»

C’était il y a quelques mois, quand les fidèles de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin, réticents au style, à la méthode, et aux idées du président de l’UMP, espéraient encore que ce dernier ne fût pas le seul candidat de leur famille politique à l’élection présidentielle.

Des mois qui paraissent des siècles. Nicolas Sarkozy élu, très peu des affidés du président sortant ont tiré leur épingle du jeu. Très proche de Jacques Chirac, l’ancien ministre de l’outre-mer, François Baroin, pourtant longtemps décrit comme «sarko-compatible», n’a pas été reconduit au gouvernement.

Réélu sans peine dans l’Aube, il est redevenu simple député. Fidèle parmi les fidèles, l’ex-ministre des relations avec le parlement, Henri Cuq, qui continue de voir régulièrement Jacques Chirac, a été élu député (Yvelines), de même que l’ancien ministre de la recherche, François Goulard (Morbihan), qui avait soutenu François Bayrou au premier tour de la présidentielle.

Battu aux législatives, à Lyon, l’ancien ministre délégué à l’égalité des chances, Azouz Begag, a été moins bien loti. Auteur d’un livre à charge contre Nicolas Sarkozy, il est parti «prendre l’air à l’étranger», selon un de ses anciens collègues ministres.

À tous ceux-là, Nicolas Sarkozy n’a rien proposé. À d’autres, il a fait espérer des postes, avant de se raviser. L’ancien secrétaire général de la présidence de la République, Frédéric Salat-Baroux, qui vient de rejoindre un cabinet d’avocats américain, était persuadé de devenir ministre.

«Son nom était sur la liste du gouvernement jusqu’à la veille au soir», jure un gradé de l’Élysée. Même déconvenue pour l’ancienne porte-parole du «Château», Catherine Colonna, qui s’est d’abord vu promettre la 8e circonscription de Paris, finalement attribuée à l’avocat Arno Klarsfeld, avant que son nom ne soit cité pour les postes de secrétaire d’État puis d’ambassadeur de France à Rome. Elle n’a rien obtenu.

Seuls «rescapés» de la chiraquie, au gouvernement, Alain Juppé a dû démissionner de son poste après sa défaite aux législatives, tandis que Michèle Alliot-Marie a toutes les peines du monde à exister au ministère de l’intérieur.

«L’administration prend ses ordres à l’Élysée, elle n’a aucune marge de manœuvre», reconnaît un conseiller du chef de l’État. La ministre pourrait en outre se voir rattraper par l’affaire Clearstream, pour laquelle Dominique de Villepin sera entendu vendredi 27 juillet par les juges. «Les chiraquiens en Sarkozie, c’est comme les dix petits nègres, s’amuse un ancien conseiller de Matignon. Au tour de qui de disparaître ?»

Dans les couloirs de l’Assemblée, ceux qui persistent à défendre le bilan de Chirac et Villepin, ont le blues. «C’est morose», souffle l’un d’eux. «On se sent mis de côté», indique un autre. «Je suis orphelin de Jacques Chirac», confie le député du Finistère, Jacques Le Guen.

S’ils trouvent «normal» de ne «pas être aux avant-postes», les chiraco-villepinistes aimeraient trouver un moyen de faire entendre leur «spécificité», et réfléchissent à une éventuelle organisation pour la rentrée. Une douzaine de députés devaient ainsi se retrouver pour dîner, mardi, dans un restaurant proche de l’Assemblée nationale, à l’initiative de deux d’entre eux, Jacques Le Guen et Hervé Mariton.

«On garde un contact étroit», reconnaît le député de l’Hérault, Jean-Pierre Grand, pour qui la réforme des institutions à venir pourrait être l’occasion de faire valoir leurs «idées», soit une «fidélité à la Ve République».

Le très chiraquien club du 4-novembre se réunira également à la rentrée. «Pas question d’entrer en opposition avec Sarkozy», tempère son président, le député Jean Uebersclag. Orphelins de leurs mentors, les anciens fidèles préfèrent rester discrets. «Pour le moment, nous n’avons aucune raison de faire la mauvaise tête», avance ainsi Henri Cuq.

«On joue le jeu, on vote les textes, ajoute le député de l’Essonne, Georges Tron. Mais si demain, les réformes ne vont plus dans le bon sens, nous le dirons.» Reste que ces velléités d’exister laissent sceptiques, au Palais Bourbon et ailleurs. «Les chiraco-villepinistes n’ont pas réussi a s’organiser quand Chirac et Villepin étaient au pouvoir, ce n’est pas maintenant qu’ils vont y arriver», croit un ancien conseiller de Matignon.

«Les chiraquiens n’existent plus, tranche un très proche du chef de l’État. C’est fini. Ils ont fait leur temps, n’ont plus de raison d’être politique.» «Il y a une nouvelle donne politique, admet Hervé Mariton. À nous d’en devenir des acteurs à part entière.»

Source: Solenn de Royer (La Croix)

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