Le gouvernement est prêt à rendre sa copie. Le projet de décret instituant l’Observatoire de la laïcité, voulu par Jacques Chirac, doit être signé dans les tout prochains jours par Dominique de Villepin et les ministres concernés.
Plusieurs noms sont évoqués pour prendre la présidence de cette structure, dont celui du ministre délégué aux anciens combattants : le chiraquien Hamlaoui Mekachera devrait alors quitter le gouvernement prématurément. En tout état de cause, celui ou celle qui sera nommé(e) à cette fonction hautement symbolique sera un (ou une) proche du chef de l’État.
Grand défenseur de la laïcité, Jacques Chirac – qui a axé les principales déclarations de ses derniers mois à l’Élysée sur la défense des valeurs républicaines et de l’identité française – tenait absolument à installer cet observatoire avant la fin de la législature. Le chef de l’État avait promis sa création dès 2003, dans la foulée de la commission Stasi sur la laïcité.
Dans son discours télévisé du 18 décembre 2003, où il annonçait sa décision de faire voter une loi interdisant le port ostentatoire de signes religieux à l’école, Jacques Chirac avait évoqué la création d’une structure « chargée d’alerter les Français et les pouvoirs publics sur les risques de dérive ou d’atteinte » au principe de la séparation des Églises et de l’État. Pas de pouvoir d’initiative ni de décision
En novembre dernier, le chef de l’État avait réitéré cette promesse devant le congrès des maires de France, plaidant longuement pour une « réaffirmation » des valeurs républicaines, à cinq mois de l’élection présidentielle. « La société française est traversée de tensions, s’était-il inquiété. La montée de l’individualisme, les antagonismes, le risque de communautarisme. »
Si « ces tensions ne sont pas le signe d’un affaiblissement de nos valeurs, poursuivait-il, elles appellent en revanche une réaffirmation forte ». Tout en se félicitant de ce que la loi de 2004 avait « permis de pacifier les tensions qui traversent l’école », le chef de l’État avait appelé à la « vigilance » pour les hôpitaux, les services publics ou les équipements sportifs.
Contrairement à ce que souhaitait d’abord l’Élysée, l’observatoire, qui sera placé auprès du premier ministre, n’aura pas de pouvoir d’initiative ni de décision, mais plutôt un rôle d’information et de conseil. Il aura moins de moyens et de prérogatives que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), par exemple. Le projet de décret indique que l’observatoire « assiste le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité dans les services publics ».
À ce titre, lit-on encore, « il réunit les données, produit et fait produire les analyses, études et recherches permettant d’éclairer les pouvoirs publics sur la laïcité ». L’observatoire peut « saisir le premier ministre de toute demande tendant à la réalisation d’études ou de recherches dans le domaine de la laïcité ». Il peut également « proposer au premier ministre toute mesure qui lui paraît permettre une meilleure mise en œuvre de ce principe, notamment pour assurer l’information des agents publics et des usagers des services publics ». Il pourra en outre « être consulté par le premier ministre ou les ministres sur des projets de textes législatifs ou réglementaires ».
Une réunion interministérielle a permis mardi 20 mars de rendre les derniers arbitrages. Sur un sujet aussi sensible, les représentants des ministres concernés (intérieur, affaires étrangères, éducation nationale, enseignement supérieur, justice, santé, fonction publique, outre-mer) sont tombés d’accord pour circonscrire les missions et le champ d’intervention de l’observatoire aux seuls services publics (hôpital, prison, etc.). Dans un premier temps, l’Élysée avait évoqué la possibilité d’étendre sa compétence au monde de l’entreprise. En revanche, rien n’interdira à l’observatoire de se prononcer sur des problèmes liés à la construction de cimetières ou de lieux de culte, par exemple.
L’Observatoire de la laïcité, qui devra remettre un rapport annuel au premier ministre, sera composé de 22 membres, dont sept hauts fonctionnaires, deux députés et deux sénateurs, et « dix personnalités désignées en raison de leurs compétences et de leur expérience », précise le décret. Des personnalités représentatives de diverses sensibilités religieuses pourraient ainsi être sollicitées. Les membres seront nommés pour une durée de quatre ans.
Le chef de l’État avait également promis en 2003 la rédaction d’un « code de la laïcité réunissant tous les principes et les règles relatifs à la laïcité ». C’est chose faite : le 29 janvier, la présidente du Haut Conseil à l’intégration (HCI), Blandine Kriegel, a remis au premier ministre une « charte de laïcité » dans les services publics qui « impose à tout agent public un devoir strict de neutralité » et reconnaît aux usagers « le droit d’exprimer leurs convictions religieuses dans les limites du respect de la neutralité du service public ». Cette charte sera affichée prochainement dans tous les services publics.
Source: Solenn de Royer (La Croix)