Dominique de Villepin, qui soigne sa stature internationale aux Etats-Unis, a plaidé vendredi à Harvard pour l’émergence d’une « véritable gouvernance mondiale », passant notamment selon lui par « un partenariat d’égal à égal » entre les Etats-Unis et l’Europe.
Le Premier ministre français, qui a rencontré jeudi à New York le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et l’ex-président américain Bill Clinton, reconverti dans l’aide au développement, était invité à prendre la parole en anglais dans cette prestigieuse université proche de Boston (nord-est), sur le thème « Les Etats-Unis et l’Europe face à un ordre mondial en mutation ».
Il a ainsi estimé que le règlement collectif des crises au Moyen Orient constituait « une urgence absolue dont dépend l’équilibre mondial ». Ces différentes crises -Irak, Iran, Liban, conflit israélo-palestinien- « ont leur logique propre mais elle sont liées ». « Nous devons donc les traiter séparément » mais « simultanément« .
« La diplomatie ne peut plus être fondée seulement sur le ‘hard power’ et sur la force. Elle ne peut pas non plus être fondée seulement sur le ‘soft power’, le pouvoir d’influencer et de convaincre. La diplomatie doit désormais s’appuyer sur le ‘building power’, la bonne volonté, l’imagination et la solidarité », a déclaré le Premier ministre français.
Sur l’Irak, M. de Villepin a ainsi réaffirmé que si la situation est « trop dégradée pour espérer une issue immédiate », il fallait opter au plus vite pour un « calendrier » de retrait des troupes étrangères, qui devrait intervenir, selon lui, « d’ici un an ».
« C’est la condition pour que les Irakiens sentent que leur avenir est entre leurs mains et s’engagent sur la voie d’un retour à la souveraineté nationale », a-t-il dit.
Fixer un calendrier, telle est également à ses yeux une issue possible au conflit israélo-palestinien. M. de Villepin a plaidé pour « un horizon fixe pour la création de l’Etat palestinien », avec une date qui « doit être assez rapprochée« .
Pour renforcer le multilatéralisme, il s’est aussi déclaré favorable à la création, à terme, d’une « véritable armée » des Nations unies.
Celui qui a porté, en 2003 à la tribune de l’ONU, le « non » de la France à l’intervention militaire américaine contre Bagdad, n’a pas manqué d’adresser quelques messages destinés tout spécialement à la Maison Blanche, invitée à « mieux prendre en compte la réalité du monde« .
« Aucun pays ne peut aujourd’hui imposer seul un nouvel ordre mondial », a-t-il dit, en réclamant la création d’une d’une « véritable gouvernance mondiale« .
Si les Etats-Unis reste « la première puissance » mondiale, M. de Villepin a affirmé que « la guerre en Irak a brisé l’image de l’Amérique » et « détérioré celle de l’Occident tout entier« .
Pour autant, à ses yeux, « l’Europe est le seul allié global » de Washington. « Ce qui nous rapproche est plus fort que ce qui nous divise. Nous partageons les valeurs fondamentales: la démocratie, les droits de l’Homme, une même conception de la place de l’individu dans la société (…) A nous de construire un partenariat d’égal à égal« , a-t-il dit.
« Il est temps aujourd’hui que les Etats-Unis et l’Europe regagnent ensemble le respect et l’admiration des autres peuples« , a-t-il estimé. Face au désordre mondial, « la seule voie possible, c’est la coopération ».
Conscient d’être devenu il y a quatre ans la bête noire des conservateurs américains, M. de Villepin a lancé: « à titre personnel, je veux vous dire, moi qui ai habité aux Etats-Unis, moi qui aime votre pays, que l’Amérique reste un rêve pour beaucoup de peuples dans le monde« .
Après cette visite de deux jours aux Etats-Unis, où il ne sera pas passé par Washington, M. de Villepin devait regagner Paris samedi.
Source: Frédéric Dumoulin (Agence France Presse)