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Corps électoral spécial de la Nouvelle-Calédonie: discours de Dominique de Villepin devant le Congrès réuni à Versailles

Monsieur le président du Congrès, Monsieur le président du Sénat, Mesdames et messieurs les députés, Mesdames et messieurs les sénateurs,

J’ai l’honneur, au nom du président de la République, de soumettre à votre approbation le projet de loi constitutionnelle relatif au corps électoral spécial de la Nouvelle-Calédonie adopté dans les mêmes termes par les deux Assemblées, conformément à l’article 89 de la Constitution. Je veux saluer le travail remarquable des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, et en particulier de leurs rapporteurs, Didier Quentin et Jean-Jacques Hyest, qui ont permis à chacun de bien comprendre les enjeux politiques et institutionnels de ce projet.

Au sein de l’Outre-Mer, la Nouvelle-Calédonie occupe une place particulière.

Son histoire a été trop longtemps marquée par les divisions, l’incompréhension et les injustices.

C’est pourtant une terre qui dispose d’atouts exceptionnels pour construire l’avenir de chacun, une terre où cohabitent depuis plus d’un siècle des communautés différentes, riches de leur histoire respective et de ce qu’elles ont su bâtir au prix d’efforts dignes de respect.

Ces communautés, nous le savons tous, n’ont pas toujours réussi à trouver une voie commune pour construire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Nous avons en mémoire les violences et les déchirements qu’elle a connus au cours des années 80. C’est grâce au courage et à l’esprit de responsabilité d’un petit nombre d’hommes et de femmes que tout semblait pourtant opposer que ce territoire a pu retrouver le chemin de la paix civile, du dialogue et du partage des responsabilités.

D’un côté, les partisans de la République ont accepté que la question de l’indépendance soit posée à nouveau, au terme d’une longue période de réconciliation, de transition et de mise en place d’institutions permettant un véritable partage des responsabilités sur le territoire.

De l’autre, les partisans de l’indépendance ont accepté la participation de l’ensemble des Calédoniens à la détermination d’un avenir commun.

Ensemble, les Néo-Calédoniens ont su reconnaître que la force ou la violence ne pouvaient pas constituer une solution durable. Ensemble, ils ont admis la nécessité de définir les contours d’une citoyenneté calédonienne ouverte aux citoyens français résidant en Nouvelle Calédonie et justifiant d’attaches suffisantes avec elle pour participer à la définition de son destin. Chacun a su faire une part de chemin vers l’autre. La République aussi.

En 1988 et en 1998, elle a accepté des solutions différentes de celles qui prévalent ailleurs en France. Le peuple français tout entier a approuvé cette démarche lors du référendum de septembre 1988 sur les accords de Matignon. Le Congrès a suivi la même voie lors de la révision constitutionnelle de 1998 qui a inscrit les accords de Nouméa au sein de notre Constitution. C’est cet esprit qui doit nous animer aujourd’hui.

Un esprit de responsabilité, visant à faire travailler ensemble les différentes communautés.

Un esprit de solidarité entre tous les peuples qui vivent en Nouvelle-Calédonie, une solidarité dont l’Etat est le garant impartial.

Un esprit de pragmatisme aussi, qui nous a conduit à admettre des dérogations au droit commun de la République.

Je sais combien cet aspect des accords a été difficile à accepter pour beaucoup d’entre nous, pour tous ceux qui sont attachés à l’égalité républicaine. Et pourtant, c’est cette exception qui, je veux le dire avec force, a permis de préserver la paix en Nouvelle-Calédonie. Ce que nous avons collectivement accepté, ce n’est pas une brèche ouverte dans l’unité et l’égalité territoriale. C’est un aménagement encadré et limité dans le temps de nos règles républicaines pour garantir la paix et poursuivre la démarche engagée en 1988. Je souhaite, et nous sommes une grande majorité à le souhaiter, que cette démarche permette de construire l’avenir de la Nouvelle Calédonie au sein de la République. C’est possible si nous poursuivons le chemin engagé depuis les accords de Matignon.

Nous avons accepté, dès cette date, de restreindre le corps électoral calédonien pour les élections aux assemblées locales et pour les éventuels référendums sur le maintien du territoire au sein de la République. Ces restrictions, elles figurent à l’article 77 de la Constitution. La notion de citoyenneté calédonienne qui les fonde y est déjà inscrite. Le principe d’un corps électoral spécial est explicitement intégré à notre loi fondamentale. Toutes ces questions ont été traitées il y a 9 ans par ce congrès du Parlement.

Le projet de loi dont vous êtes aujourd’hui saisis précise l’interprétation qu’il convient de donner à la notion de corps électoral spécial, à la suite de la décision du Conseil Constitutionnel de 1999. Cette décision concerne exclusivement la période transitoire qui couvrira les élections provinciales et territoriales de 2009 et le cas échéant de 2014.

Ces dispositions sont donc strictement limitées dans le temps et dans leur objet. Tous ceux qui ont suivi avec attention l’histoire de la Nouvelle Calédonie, qui savent le poids du passé, tous ceux qui ont mesuré l’ampleur des sacrifices consentis de part et d’autre pour construire l’avenir, tous ceux qui connaissent la valeur de la parole donnée doivent aujourd’hui prendre leurs responsabilités.

Aujourd’hui il nous appartient en effet de tenir la parole donnée à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie.

Une parole donnée depuis 1998 à tous les niveaux, par le président de la République, par le Premier ministre et le ministre de l’outre-mer.

Une parole donnée également par les deux assemblées constituées à l’époque de deux majorités différentes, et confirmée à nouveau au début de cette législature.

Cette parole, ce n’est donc pas celle d’une majorité, d’un parti ou d’un homme : c’est celle de la France.

Aujourd’hui, l’occasion nous est donnée de respecter cette parole et d’appliquer cet engagement si important pour l’avenir de la Nouvelle Calédonie.

Mesdames, Messieurs, Grâce à ses territoires d’Outre-mer, la France est une nation ouverte sur les cinq continents. Sans ces territoires, sans la Nouvelle-Calédonie, la France n’est pas la France. Alors pour faire en sorte que cette diversité soit une chance, un atout, nous avons besoin de cohésion. Nous avons besoin de nous rassembler. Nous avons besoin d’ouverture, de générosité, de compréhension.

Je vous remercie.

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