Les partisans de Nicolas Sarkozy attendaient cet instant pour savourer leur revanche ; l’entourage de Dominique de Villepin veut y voir un ultime obstacle à franchir. L’audition annoncée du premier ministre, jeudi 21 décembre, constituera le point d’orgue d’une affaire qui, depuis deux ans, a lourdement contribué à la dégradation des relations entre les deux principales figures du gouvernement.
Elle devrait surtout permettre aux deux juges chargés de l’enquête, Jean-Marie d’Huy et Henri Pons, de poser à M. de Villepin les questions que suscite son apparition dans plusieurs épisodes décisifs de ce qui constitue aujourd’hui une manipulation avérée.
En marge d’une visite qu’il effectuait à Rungis (Val-de-Marne), mardi 19 décembre, le chef du gouvernement a assuré qu’il se préparait « très sereinement » à son audition, répétant une nouvelle fois qu’il était « très heureux de pouvoir apporter (son) témoignage dans un dossier où beaucoup de mensonges et de calomnies ont été portés et dont (il a) eu à souffrir au fil des dernières années« .
Autorisée par le conseil des ministres du 6 décembre – en vertu de la procédure particulière prévue pour l’audition des membres du gouvernement -, la convocation du premier ministre a entraîné l’installation d’un dispositif spécial au pôle financier du tribunal de Paris : une pièce voisine du cabinet des juges devait y être aménagée afin d’abriter un système de transmission cryptée permettant à M. de Villepin d’être alerté en cas d’urgence.
Les magistrats, pour leur part, semblaient s’être préparés à un entretien susceptible de se prolonger jusque dans la soirée. Interrogée elle aussi en qualité de témoin, le 10 novembre, la ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie, avait été interrogée durant onze heures. Prédécesseur de M. de Villepin à Matignon, Jean-Pierre Raffarin, avait également dû répondre à de nombreuses questions, le 19 octobre – dont la plupart, il est vrai, portaient sur la connaissance que pouvait avoir eue M. de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, puis de l’intérieur, des dessous de l’affaire Clearstream.
Survenant après de longues semaines d’investigations visiblement orientées vers le chef du gouvernement, Matignon avait accueilli avec soulagement l’annonce de sa convocation comme simple témoin. L’entourage du premier ministre a mené campagne, depuis lors, sur le thème de l’inexistence de charges à son encontre. « Je suis comme tout citoyen qui, dans une affaire, doit apporter son témoignage », a même déclaré M. de Villepin, le 14 décembre sur TF1.
Source: Gérard Davet et Hervé Gattegno (Le Monde)