Sauf surprise, le Premier ministre devrait suivre les grandes lignes des recommandations de la mission parlementaire sur le tabac, qui s’est prononcée mardi pour une interdiction totale de la cigarette dans tous les lieux publics au plus tard au 1er septembre 2007 et sans délai supplémentaire pour les tabacs, cafés, hôtels et restaurants.
Le président de la mission d’information sur le tabac et député PS de Loire Atlantique Claude Evin sera reçu vendredi matin à Matignon, a indiqué son entourage.
En raison, officiellement, de l’encombrement du calendrier législatif, les députés se sont prononcés pour un recours au décret, malgré la forte demande d’une loi, émanant de la gauche. Ils ont aussi opté pour la possibilité, très encadrée, de créer des fumoirs « hermétiquement clos ».
Le Premier ministre, qui part pour les Antilles mercredi, pourrait faire connaître sa décision dimanche au Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro ou lors d’un éventuel déplacement en début de semaine. « La décision est quasiment arrêtée », a-t-on déclaré jeudi à Matignon.
Alors que Jacques Chirac a fait de la lutte contre le cancer l’un des grands chantiers de son quinquennat, l’interdiction est politiquement peu risquée, si l’on en croit les sondages selon lesquels 70 à 80% des Français y sont favorables.
Les esprits ont été préparés avec la loi Evin de 1991, qui a restreint fortement les possibilités de fumer, au travail notamment, et fait des espaces fumeurs des exceptions à la règle. L’interdiction totale s’inscrit donc dans un long processus accompagné d’une prise de conscience collective.
Plusieurs pays européens ont montré l’exemple en bannissant la cigarette des lieux publics (Irlande, Norvège, le Royaume-Uni s’apprêtant à les rejoindre) et les pouvoirs publics soulignent que 10% des décès, environ 66.000 par an, sont liés au tabac et 5.000 à 6.000 au tabagisme passif.
Pour le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, « les esprits sont mûrs » et la question n’est « plus de savoir s’il faut interdire, mais quand et comment ».
Mais le fiasco du CPE au printemps a conduit le Premier ministre à jouer la prudence. Il doit gérer la grogne des cafetiers, restaurateurs et débitants de tabac qui exigent délais et mesures d’accompagnement pour amortir les effets de cette mesure de santé publique. Faute de quoi, a prévenu la Confédération des buralistes, ceux-ci sont prêts à « descendre dans la rue » comme en 2003 contre la hausse du prix du tabac.
Ne souhaitant pas s’aliéner cette catégorie de la population à sept mois de la présidentielle, le gouvernement entend faire un geste. Pour déminer le terrain, Renaud Dutreil (Commerce) a annoncé jeudi de nouvelles aides financières aux buralistes.
L’association Alliance contre le tabac dénonce, elle, les atermoiements du gouvernement, craignant qu’il cède au « lobby » du tabac.
M. de Villepin a toutefois souligné lundi que les Français ne comprendraient pas que « nous ne prenions pas de décision à la suite » des conclusions de la mission.
Source: Frédéric Dumoulin (AFP)