Alors que Dominique de Villepin doit s’exprimer vendredi 1er septembre au soir devant les Jeunes Populaires réunis à Marseille, voici les principaux extraits de son discours de l’année dernière, le jour de l’hospitalisation au Val de Grâce du Président Jacques Chirac.
Cher président, Cher Nicolas, Chers amis,
Il y a un certain nombre d’années que j’ai eu vingt ans, mais se retrouver parmi vous, c’est certainement la garantie de savoir pourquoi l’on se bat : pour vous, pour la France, pour tous nos compatriotes qui veulent regarder l’avenir en face. C’est une grande joie pour moi d’être ici, à La Baule, à l’occasion de ces universités d’été, et vous comprendrez qu’avant toute chose, je veuille vous dire que j’ai eu, ce matin, le président de la République au téléphone, en bonne forme, et je voudrais dire, à lui qui nous montre le chemin, en notre nom à tous, notre affection et notre fidélité, pour lui souhaiter un rétablissement rapide. (…) Ce n’est pas de la politique des petites phrases, ce n’est pas de la politique des rivalités, des rumeurs, des chicayas, des divisions dont je veux vous parler cet après-midi, mais c’est bien de ce qui est au cœur de votre combat : l’engagement, la rencontre, l’échange, le partage.
L’engagement est au cœur de notre histoire, il est au cœur de notre tradition politique, et vous comprendrez que je vous dise, compte tenu de ma sensibilité, qu’il est au coeur de notre message gaulliste, dans la lignée de ces héros, porteurs de gloire, tout comme dans la lignée de ces soldats, de ces militants de l’ombre. Nous voulons avancer, forts des vertus de fidélité, d’exigence, portés par un même amour d’une terre et d’un peuple, la France et les Français, qui nous rassemble.
L’échange et le partage, voilà bien notre règle, pour avancer ensemble dans l’unité, pour défricher, pour innover, pour penser l’avenir, pour penser la politique dans un monde qui change et qui change vite. (…) La tâche, nous le savons, est immense ; elle exige volonté et rassemblement, cette volonté, ce rassemblement, que nous exprimons ensemble, aujourd’hui. Mais qu’est-ce que l’engagement ? Qu’est-ce que l’engagement au début de ce XXIème siècle ? Qu’est-ce que l’engagement quand on a aujourd’hui vingt ans dans notre pays ? C’est d’abord – et je veux vous le dire avec force – un combat pour l’autre, un combat pour l’ouverture vers celui qui n’a pas toujours la chance que l’on a soi-même, vers celui qui rencontre plus de difficultés, plus de souffrances. Oui, soyons fidèles à cet héritage d’une France généreuse et fraternelle, une France qui sait se rassembler dans l’épreuve. (…) L’engagement, aujourd’hui, c’est un combat aussi pour la démocratie, pour nos valeurs de liberté, pour nos valeurs de justice, pour nos valeurs d’égalité des chances, qu’il nous appartient de faire vivre partout, à l’école, au travail, dans le vie de tous les jours. Et puis, l’engagement, c’est un combat pour la France. Et j’étais heureux, tout à l’heure, d’entendre les jeunes de Marseille chanter notre hymne national, repris en chœur par toute la salle.
Mais je voudrais vous apporter mon propre témoignage. J’avais une dizaine d’années quand, pour la première fois, mes parents m’ont conduit tout près de notre village familial, à Oradour-sur-Glane. Là, j’ai découvert l’horreur, le mépris de la vie humaine, la douleur, la barbarie, l’irréparable d’un village martyr, sacrifié par la barbarie nazie. Et puis, à vingt ans, j’ai découvert, revenant en Afrique où j’étais né, l’ambition de servir, de servir cette cause, ce qui m’a conduit à choisir la fonction publique et la diplomatie, servir ceux qui souffrent le plus. Et puis, à vingt-sept ans, j’ai fait une rencontre : Jacques Chirac, et je lui ai voué ma fidélité. Car, je vous le dis, chacun trouve, au hasard de son chemin, au hasard des rencontres, chacun découvre ses fidélités, fidélité de hasard ou fidélité essentielle, du cœur, de l’esprit. J’ai été conquis par l’humanité de Jacques Chirac. J’ai été conquis par sa détermination et son sang-froid au service de la France ; j’ai été conquis par sa capacité, dans les pires épreuves, à tenir la barre de notre pays. Aujourd’hui, nous avons besoin de vous, j’ai besoin de vous, car il nous appartient – parce que c’est le premier devoir de la politique quand on s’engage, – de regarder la vérité des choses en face. Oui, la situation de notre pays est difficile. (…) Face à cela, bien sûr il serait facile, commode, de céder à la tentation du découragement. Ce n’est pas notre famille politique, ce n’est pas l’esprit qui est le nôtre.
Trop de nos compatriotes peuvent avoir aujourd’hui le sentiment que rien ne change, l’impression d’une impuissance publique, l’impression d’une complexité des choses qui rend impossible, inefficace toute action, le sentiment que les divisions l’emportent, que les inégalités s’accroissent, le sentiment que l’avenir sera plus sombre pour les prochaines générations. Mais je veux vous le dire : nous ne sommes pas condamnés au déclin, ce n’est pas notre histoire, ce n’est pas le destin de la France. Non, la France n’a pas décroché et nous avons des atouts considérables. (…) C’est par la volonté, c’est par l’énergie, c’est par la lucidité que nous parviendrons, ensemble, à avancer. Car il y a une formidable vitalité française. (…)
La France a des atouts, notre majorité a des atouts, d’abord parce que nous sommes divers et que la diversité, nous le savons, est une force. Plusieurs sensibilités, plusieurs tempéraments, des itinéraires différents, mais nous sommes unis, unis pour une même ambition : pour la France. (…) Le Gouvernement est engagé dans une action difficile et nous la menons tous ensemble. L’UMP ouvre la voie des propositions, prépare un projet pour ce pays, et tous ensemble, c’est bien le même combat, le même objectif : assurer au bout du chemin la victoire de la France, chacun au service du pays, chacun fidèle au cap fixé par le Président de la République. Tout au long de ces dernières années, j’ai été aux côtés de Jacques Chirac et je peux vous dire combien il est attaché à la réussite de la France, à la défense de ses intérêts, à la défense de nos positions en Europe et dans le monde, à la préparation de l’avenir. Tout au long de ces années, j’ai beaucoup appris à ses côtés : que la vérité d’un homme est dans son courage, dans ses choix, contre les habitudes, contre les fatalités, contre la résignation. J’étais avec lui au métro Saint Michel, au moment où le terrorisme a si horriblement frappé notre pays ; j’étais avec lui au moment où il a repris l’initiative en Bosnie, en donnant l’ordre de reprendre le pont de Verbania, quand tout le monde avait cédé ; j’étais à ses côtés au moment de la crise irakienne, quand c’est la voix de la France qui a défendu la voie de la raison, de la paix et de la justice.
En rassemblant tous nos atouts, nous voulons vous proposer aujourd’hui une grande ambition pour la France. Cette ambition, c’est la modernisation de notre pays. Et pour cela, il nous appartient, parce que c’est le premier devoir de la politique, de faire des choix. Mon premier choix, c’est la responsabilité, faire en sorte que chacun joue son rôle, occupe sa place, que chacun ait sa chance, que chacun respecte ses droits et ses devoirs. C’est tout le sens de la bataille pour l’emploi que nous avons engagée, pour l’activité qui est notre priorité pour ceux qui ont un emploi, pour ceux qui veulent en trouver un. (…) Mon deuxième choix, c’est le pragmatisme, cela veut dire apporter rapidement des réponses concrètes à nos concitoyens, une réponse immédiate lorsqu’il y a une difficulté qui se présente. (…) Notre troisième choix, c’est l’avenir. Nous n’avons pas de temps à perdre. L’avenir ne se joue pas demain, il se joue aujourd’hui. Et pour renforcer la compétitivité de notre pays, pour récompenser le travail, pour valoriser l’effort, nous avons décidé d’engager sans attendre une réforme fiscale de grande ampleur, puisqu’el
le conduira à rendre à ceux qui travaillent 3,5 milliards aux revenus moyens de notre pays. Cette réforme s’appliquera sur les revenus de 2006, dès le 1er janvier 2007, pour accompagner l’action gouvernementale. Je serai naturellement amené à proposer, dans les prochaines semaines, un grand programme de modernisation de l’État. Nous avons des économies encore à faire, nous avons des adaptations à décider, nous avons une exigence de bonne gestion à affirmer. Mais tout ceci doit se situer dans une véritable vision d’avenir, non pas au coup par coup, non pas à coups de rabot, mais à coup de volonté, d’énergie et d’ambition.
Car vous le savez, les Français sont attachés à un État à sa place et qui fait son travail, à un État fort, à un État capable d’apporter des réponses, à des services publics toujours meilleurs. Et nous devons nous engager dans cette voie.
Cet effort de modernisation nous permettra d’aborder avec confiance les défis de l’Europe et les défis du monde. Nous savons que les destins des peuples sont de plus en plus liés. Défis de l’Europe : bien que la situation paraisse aujourd’hui bloquée, la France veut jouer le rôle qu’elle a toujours joué en tête de la construction européenne. (…) Enfin, nous devons poser courageusement la question des frontières de l’Europe, du respect de son ambition, du respect de sa vocation et de son identité, sachant que le président de la République, à travers la réforme constitutionnelle, a conféré au peuple français le choix ultime pour toute nouvelle adhésion.
Et puis il y a les défis du monde, un monde en proie au désordre, un monde en proie à la fragilité, et qui a besoin, plus que jamais, de générosité, de solidarité et de vision. (…) Nous sommes sans cesse rappelés à la fragilité du monde, ce qui doit nous conduire à davantage d’aide, davantage de coopération, davantage de gouvernance mondiale. Vous le savez, la France, à travers l’engagement constant du président de la République n’a cessé de porter, haut et fort, ce combat pour l’avenir, pour la justice, pour l’environnement, pour la diversité culturelle.
Vous le voyez, plus que jamais votre mobilisation est indispensable, la mobilisation de toute l’UMP. Car l’un des grands enjeux aujourd’hui, l’un de nos grands défis, c’est la défense de notre démocratie. Il s’agit de passer d’une démocratie souvent bloquée à une démocratie éclairée par la contribution de chacun, partis politiques, associations, citoyens. Chacun doit être capable d’apporter sa contribution et sa proposition.
Et puis, ayons l’humilité de tirer les leçons du passé. Tirons les leçons du 21 avril, tirons les leçons du 29 mai dernier, avec toujours le souci de répondre aux attentes et aux préoccupations de nos compatriotes, avec le souci d’être chaque jour mieux compris par eux. Nous devons avancer avec la volonté de réconcilier et l’équilibre et le mouvement, le dynamisme économique et la solidarité. C’est l’objectif que je réaffirme solennellement devant vous. L’objectif d’une croissance sociale, c’est-à-dire, d’une croissance pour tous, au service de tous.
Aujourd’hui, dans le combat du Gouvernement, dans la capacité à convaincre chaque Français, j’ai besoin de vous, de votre énergie, de votre enthousiasme. J’ai besoin de vos rêves pour que la France reste la France, toujours plus grande !
Je vous remercie.