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Brûle ce que tu as adoré, adore ce que tu as brûlé

Dans les multiples déclarations de jeunes entendues ces jours-ci à la radio ou la télévision, lors des manifestations anti-CPE, revient un leitmotiv surprenant : « Je préfère un CDD de six mois à un CPE » ! Le CDD a longtemps été la bête noire des syndicats et du législateur. On se souvient du rapport Auroux qui qualifiait intérimaires et titulaires de CDD de « ventre mou » des salariés ou, plus récemment, de la levée de boucliers contre le contrat de mission suggéré par la commission de Virville.

Tout est changé. Les gens ont la mémoire courte, le CDD autrefois symbole de la précarité devient, si l’on en croit les slogans, l’objet de toutes les convoitises parce que plus protecteur que le CNE et le CPE. Ce n’est pas complètement faux. Question de calculs, comme le prouve l’arrêt du 1er décembre 2005 commenté dans cette revue. Il s’agit ici d’un contrat emploi-jeunes : le jeune en question a été embauché pour une durée déterminée de quarante mois et licencié pour faute grave alors qu’il aborde le quinzième. Il s’avise alors d’une irrégularité dans le libellé de son contrat : il n’y apparaît pas expressément qu’il s’agit d’un emploi-jeunes. Il devient, de ce fait, envisageable de faire requalifier son contrat en contrat de droit commun. Mais de quelle nature ? CDI ou CDD ? Pas besoin de calculette pour comprendre où est son intérêt : s’il peut faire requalifier son contrat en CDD de quarante mois, c’est vingt-six mois de salaire que lui doit l’employeur. Hélas, hélas, hélas, la sanction de l’irrégularité n’a jamais été la requalification du contrat incriminé en un autre contrat encore plus irrégulier. Un CDD mal ficelé, qu’il fasse ou non partie du dispositif d’aide à la réinsertion, est requalifié, nous dit la loi, en un contrat à durée indéterminée. Notre jeune homme en CDI de droit commun ne percevra que les dommages et intérêts correspondant à son préjudice. L’histoire n’en donne pas le montant mais tout porte à croire qu’ils sont inférieurs à vingt-six mois de salaire. Mais si le calcul conforte, en l’espèce, les partisans du CDD, notre jeune manifestante qui préfère un CDD de six mois à un CPE n’a pas bien fait ses comptes : tout ce qu’elle peut espérer, avec son CDD, c’est sa rémunération sur six mois augmentée de 10 % pour les congés payés et 10 % au titre de l’indemnité de fin de contrat. Pas de chômage si c’est son premier contrat puisque, maintenant, le seuil d’accès aux allocations est de sept mois. Avec le CPE, coup de dé : ou elle ne reste pas plus de six mois et là, les avantages sont comparables au CDD, toujours 10 % pour les congés payés, une indemnité de fin de contrat égale à 8 % des salaires au lieu de 10, mais le retard est comblé par le droit de percevoir 16,40 € par jour, pendant les deux premiers mois de chômage. Ou elle tient plus longtemps et la balance penche en faveur du CPE. Moralité : n’adorons ni ne brûlons, gardons le choix !

par Marie hautetfort

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