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Dominique de Villepin au JDD: "La vérité n'est pas à droite ou à gauche"

Dans une interview pour le JDD.fr, Dominique de Villepin revient sur les principales mesures évoquées au sommet social de mercredi et sur la singularité de sa candidature.

L’ancien Premier ministre appelle notamment au rassemblement au-delà des clivages politiques. Pour lui, « le président de la République ne doit être celui d’un parti mais doit être au-dessus de toute force politique », car « la vérité n’est pas à droite ou à gauche ».

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Dominique de Villepin : « Je suis dans une phase de métamorphose »

Dominique de Villepin poursuit la série d’entretiens hebdomadaires du JDD.fr. Le candidat, à 2,5% d’intentions de vote dans les récents sondages, veut « casser le jeu politicien ». Taclant la politique de l’exécutif, l’ancien Premier ministre a commenté le sommet social, regrettant que « des priorités majeures, comme le chômage des jeunes, [soient] restées sans réponse ».

Que pensez-vous des mesures qui ont été annoncées à l’issue du sommet social organisé mercredi à l’Elysée?

Il y a de bonnes pistes dans ce qu’a annoncé le gouvernement, qui auraient mérité d’être évoquées dès 2008, notamment le soutien au chômage partiel ou la réforme de la formation. Mais des priorités majeures restent sans réponse. Je pense notamment au chômage des jeunes qui appelle plus de détermination et c’est pourquoi j’ai proposé que les entreprises s’accordent sur un nombre de jeunes représentatif de l’ensemble de la population dans les effectifs, en emploi ou en formation.

Autre mesure évoquée par Nicolas Sarkozy : la TVA sociale…

Je suis favorable à ce dispositif. C’est une bonne solution pour alléger le coût du travail et permettre de regagner de la compétitivité. Mais il ya deux conditions : la TVA sociale doit obéir aux exigences de justice sociale – on ne peut pas demander plus aux ménages sans contreparties – et être créée au bon moment.

Quand?

Je ne crois pas que le chef de l’Etat imagine sérieusement pouvoir mettre en place toutes ces mesures avant la présidentielle.

Nicolas Sarkozy semble déterminé à appliquer la taxe sur les transactions financières, quitte à le faire seul. Qu’en pensez-vous?

Faire un 100 mètres avec un boulet au pied alors que les autres n’en ont pas, c’est absurde. Je vois bien ce qu’il veut faire : il espère, par l’exemple, un effet d’entraînement. Si Londres et Berlin acceptent d’imposer leurs transactions financières, je dis « bravo ». Mais on voit bien que la City n’est pas prête.

Selon lui, l’Allemagne emboîterait le pas à la France…

Ce n’est pas vrai. L’Allemagne fait des sourires mais son gouvernement est totalement divisé. Au vu de son calendrier électoral [le mandat d'Angela Merkel dure jusqu'en 2013, Ndlr] et du nôtre, il y a assez peu de chances que Paris et Berlin se calent. Pour cette raison, l’annonce de Nicolas Sarkozy est avant tout électorale.

A qui doit-on, selon vous, imputer la perte du triple A de la France?

Les responsabilités sont anciennes et partagées. Mais la situation s’est considérablement détériorée depuis 2007. Quand j’ai quitté Matignon, la dette s’élevait à 63% du PIB et nous avions réduit de 50 milliards d’euros notre endettement sur deux ans. Ça fait rêver aujourd’hui. Elle s’élève désormais à 86%, soit 500 milliards d’euros de dette supplémentaire. Et cette dégradation a débuté avant la crise financière. Dès l’été 2007, la loi Tepa a fait augmenter de 5% notre dette souveraine. François Fillon a ouvert les cordons de la bourse!

Est-ce le Premier ministre ou le président de la République qui doit endosser la responsabilité?

Votre question pointe l’une des erreurs du quinquennat, institutionnelle : Nicolas Sarkozy a été un « hyperprésident » et François Fillon, un Premier ministre faible. Or le chef de l’Etat ne peut pas « gouverner », c’est-à-dire diriger ses ministres. Il n’a pas le temps, ni les moyens de le faire. Il doit indiquer la direction à suivre, représenter la France sur la scène internationale et arbitrer les grandes décisions. Depuis 2007, l’exécutif a été incapable de définir des priorités.

Face à la crise, vous appelez à un gouvernement d’union nationale. Seriez-vous prêt à sceller un contrat de gouvernement avec l’UMP?

Il ne s’agit pas de définir un contrat avec l’UMP. Le président de la République ne doit être celui d’un parti. Il doit être au-dessus de toute force politique. Ce qui est absurde dans le système français c’est que, sur certains dossiers, nous sommes tous d’accord. Le grand enjeu de cette élection est de casser le jeu politicien. La vérité n’est pas à droite ou à gauche.

François Bayrou souhaite, comme vous, transcender les partis, et appelle à « une majorité centrale ». Vous êtes donc sur la même ligne politique?

Ne nous trompons pas, la logique partisane, elle peut-être de droite, de gauche, mais aussi du centre. Si vous demandez aux partisans du MoDem, je suis convaincu qu’ils vous diront que la logique de François Bayrou, ses idées, sont centristes. D’ailleurs, son slogan est « ni droite ni gauche »…

Un rapprochement avec François Bayrou est donc inenvisageable?

Après le 6 mai, nous devrons tous être capables de travailler ensemble. Faire de la politique politicienne, je ne trouve pas cela opportun, laissons les Français décider.

Vous plafonnez à 2,5% dans les sondages et votre popularité ne décolle pas. Comment l’expliquez-vous?

Nous ne sommes qu’au début de la campagne. C’est un long travail, et à un moment vous crevez le plafond de verre. Je me souviens de Jacques Chirac multipliant les déplacements dans la solitude. Cette phase est indispensable. Je ne suis pas inquiet, c’est naturel. On m’a longtemps vu comme un homme de mission. Or la fonction présidentielle implique une incarnation, c’est donc un autre travail. Je suis dans une phase de métamorphose, et c’est cela l’histoire de la conquête du pouvoir.

Vous qui ne vous êtes jamais frotté au suffrage universel, que vous inspirent vos débuts de candidat en campagne?

J’ai commencé plus tard que Chirac, mais j’aime ça. C’est extraordinairement intéressant. Plus que d’autres, je connais les contraintes de la vie de bureau, car cela a longtemps été mon quotidien. Il faut donc savoir ouvrir les fenêtres, écouter. C’est même la partie la plus stimulante de la vie politique. C’est plus sympa de serrer des mains sur des marchés que de prendre des décisions une fois seul dans son bureau.

Quelle offre proposez-vous aux Français?

Le devoir démocratique est d’offrir aux Français une alternative. La politique menée ces dernières années n’a pas donné les résultats espérés. Si Nicolas Sarkozy avait réussi, je ne serais pas candidat. Je veux proposer autre chose. Je l’ai dit très crûment et très franchement au chef de l’Etat : en politique il faut savoir reconnaître ses erreurs! Quand on dirige un pays, faire un bilan à mi-mandat doit être une évidence. Il aurait dû rendre des comptes aux Français. Et quand on garde son chef de gouvernement, c’est que l’on est très content de son action. J’en conclus que Nicolas Sarkozy et François Fillon assument pleinement ce quinquennat, et ce sans reconnaître une seule erreur.

Donc vous serez quoi qu’il arrive présent au premier tour pour proposer cette alternative?

Au premier, et j’espère au second. Une campagne électorale, c’est fait pour convaincre. Je ne m’appuie pas sur un calcul ou un jeu politicien, ce serait trop facile. Certains ont d’ailleurs cru que j’étais négociable, comme tous les autres, mais non.

On vous a donc demandé de retirer votre candidature?

Bien sûr, mais je crois qu’ils ont compris… Tout a été fait pour me dissuader de revenir en politique. Mais quand vous avez des convictions chevillées au corps, une expérience nationale et internationale, votre devoir est de dire les choses.

Après l’affaire Clearstream et une période de « détente », vous semblez repartir au combat contre Nicolas Sarkozy…

Je lui ai tendu la main quand il était complètement marginalisé, après 1995. C’est bien la preuve qu’il n’y a aucune animosité historique entre nous. Nous nous connaissons bien et nous avons montré que nous étions capables de travailler dans la même direction. C’est vrai que nous avons traversé une période difficile – surtout pour moi – à travers Clearstream. Mais la justice a fait son travail et a reconnu mon innocence. La page est tournée. J’ai accepté – et ce n’était pas forcément agréable – d’aller le rencontrer à l’Elysée, car c’était mon devoir. Quand le président me demande mon avis sur la situation en Tunisie ou en Libye, il est normal que je lui en fasse part.

Ne craigniez-vous pas de devenir, aux yeux de l’opinion publique, le candidat de l’anti-sarkozysme?

J’ai montré que je m’en étais libéré. Certes, j’ai été le premier – avant même les socialistes – à dire que la politique engagée ne pouvait pas marcher, mais c’est uniquement parce que mon expérience m’a appris que, quand la méthode est mauvaise, on ne peut pas attendre les résultats espérés.

Quel sentiment vous anime aujourd’hui vis-à-vis de Nicolas Sarkozy?

Un sentiment républicain, uniquement. Je fais partie des rares – peut-être même le seul – qui peuvent dire au chef de l’Etat ce qu’ils pensent, sans complaisance. Et même avec une certaine dureté car pour qu’il entende les choses, il faut les lui dire avec gravité.

Source: JDD.fr (Propos recueillis par Benjamin Bonneau et Gaël Vaillant)

5 Commentaires

  1. jany

    DDV explique avec calme, sans la moindre agressivité, comment il voit le futur Président. C’est un éclairage de taille.

    Beaucoup s’interrogent sur la place de DDV dans l’échiquier politique actuel.

    Il va falloir le répéter souvent, car les français ou plutôt les médias, se réfèrent encore beaucoup aux clan, aux partis, droite, gauche, centre, etc…Mais les mentalités changent, on entend timidement parler d’union nationale.

    Sacrée revanche pour DDV avec cette proposition pour lutter pour l’emploi des jeunes! Le CPE ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

  2. Miss Nicopéia

    « Ni à droite, ni à gauche » : paroles d’une PROFONDE SAGESSE !!!

  3. charles

    DDV « Je pense notamment au chômage des jeunes qui appelle plus de détermination et c’est pourquoi j’ai proposé que les entreprises s’accordent sur un nombre de jeunes représentatif de l’ensemble de la population dans les effectifs, en emploi ou en formation »

    2012/France/Ministère Education/écoles nombreuses/Bac et Bac plus, etc..
    et jeunes.. pas formés.

    Oui, dans ce domaine (et les autres) « Ni à droite, ni à gauche ».

  4. Kristel

    Bonne interview de Dominique de Villepin avec beaucoup de franchise et de lucidité.
    Mais les mentalités ne changent pas et n’auront pas assez évolué d’ici trois mois. C’est très grave pour le pays si on ne sort pas de ce « jeu politicien ». De plus, les médias entretiennent le clivage gauche/droite.

    Ce sommet social était une « mauvaise farce ». Le magicien NS ne va pas trouver des solutions « miracle ». Gros problème, le chômage !!
    A la radio, plusieurs patrons de PME (ou des artisans) lancent des appels pour recruter du personnel car ils ne trouvent personne !! (principalement dans des secteurs qu’on a méprisés pendant des années)
    Cherchez l’erreur !!
    Ce n’est pas là à trois mois des Présidentielles que l’on va régler cette situation.

  5. Sonatine

    La présidentielle ……………. on avance les yeux bandés jusqu’en mai prochain,
    combien de propositions faites par DDV sont reprises allègrement bien entendu par
    l’ump et le ps qui hélas vont conserver leur monopole de grands partis et qui auront bien profité de ses idées pour présenter leur programme aux électeurs et cela marchera sans aucun doute « comme d’habitude » !

    Le bipartisme a de beaux jours devant lui en France, cause nationale du vote absurde.

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