Print Shortlink

François Baroin sur Clearstream: "Une fois cette parenthèse terminée, il n'est pas douteux que Dominique de Villepin revienne dans le débat national"

François Baroin, député-maire de Troyes et ancien ministre de l’Intérieur, était ce mercredi l’invité du Talk Orange-Le Figaro. Interviewé par Anne Fulda, il a affirmé sa conviction que Dominique de Villepin reviendra de plein pied dans le débat politique national, dès la fin de la « parenthèse » du procès Clearstream.

Anne Fulda: Bonsoir et bienvenue au Talk Orange-Le Figaro. Nous recevons ce soir François Baroin, député-maire de Troyes et ancien ministre de l’Intérieur. Bonsoir, François Baroin.

François Baroin: Bonsoir.

On a envie de dire que cette fois ça y est, ce n’est pas «habemus Papam», mais presque ; le premier secrétaire du PS est enfin nommé après moult péripéties et déchirements. Nous allons écouter tout de suite Vincent Peillon. C’était ce matin (passage vidé). Alors ça va être effectivement compliqué au Parti socialiste, est-ce une nouvelle cohabitation, un dyarchie qui s’installe ?

Je dirai que c’est vraiment leur problème. Mais enfin quand on entend Peillon, alors que la décision a déjà été prononcée puisque ça c’était ce matin, pourquoi reste-t-il au PS ? Qu’il parte avec ses bagages. Qu’il crée une nouvelle structure avec Ségolène Royal. Comment peut-on rester ? Comment peut-on être sincère ? Comment peut-on présenter aux Français un visage d’unité, qui sera absolument nécessaire pour eux dans les prochaines batailles électorales, après tout ce qu’ils se sont envoyés dans la figure. Vous pourriez nous dire qu’à droite on n’était pas en reste. On a connu Balladur-Chirac. Je n’ai pas le souvenir…

Chirac-Sarkozy, Sarkozy-Villepin.

Chirac-Sarkozy finalement ça ne s’est pas passé comme ça parce qu’il n’y a pas eu d’affrontements. On a eu des divisions à droite. On a eu des querelles terribles. Ça a été parfois violent. Mais je n’ai pas le souvenir qu’on soit aller jusqu’à ce stade extrême de violence, de haine, d’insultes. C’est absolument hallucinant. Je ne vais pas verser des larmes de crocodile parce que je suis assez sincère dans ce que je dis, je pense que le Parti socialiste doit se refaire une santé. Je pense que Martine Aubry a un rôle historique pour la gauche, et donc pour les débats démocratiques qu’on va avoir devant nous. Si on essaie de comprendre ce qui s’est passé, en dehors de Ségolène Royal qui, même si elle fait un score honorable, est quand même une perdante. Elle divise plus son camp qu’elle ne le rassemble, c’est un constat d’évidence. Ils ont raté deux occasions. Une première fois avec son lâcher du mur de Berlin, ne pas comprendre que la chute du communisme allait avoir des déclinaisons sur le socialisme. Ils n’ont pas fait cette révolution intellectuelle qui était indispensable. Et la deuxième, c’est ce que nous nous avons fait après 2002, c’est-à-dire avec la présence de Le Pen au second tour des présidentielles, où Chirac a rassemblé la droite un peu de force, contre l’avis du hiérarque qui connaissait bien cette partie d’évolution de la droite, avec Alliot-Marie, Debré, Sarkozy et moi-même. On était quelques autres à être opposés à la construction de l’UMP. La présence de Le Pen a poussé la droite à se rassembler. La gauche ne l’a pas fait.

Cela dit à l’UMP tout n’est pas si parfait que ça. On voit que l’unité n’est pas toujours parfaite. On vient de le voir, hier, sur le projet de loi sur l’audiovisuel. Pour votre part, que pensez-vous de ce texte ? Vous êtes un ancien journaliste, vous connaissez le secteur. Pensez-vous que c’est un texte qui est bon de façon globale ou remet-il en question, notamment par cette nomination des présidents de l’audiovisuel public par l’exécutif directement… est-ce une manière de recréer l’ORTF ?

Il y a deux sujets majeurs dans cette réforme en dehors du calendrier. Le calendrier peut donner l’impression peut-être que ce texte arrive au milieu d’une crise, comme n’étant pas forcément une priorité pour les Français, c’est vrai. Cela étant il y a une volonté de faire cette réforme et qu’elle soit applicable dès le début de l’année prochaine. Le premier sujet est la suppression de la publicité. A gauche comme à droite, tout le monde était d’accord. Il y avait un consensus politique. Je ne vois pas pourquoi la gauche aujourd’hui pousse des cries d’orfraie sur cette affaire dans la mesure où l’État donne des garanties de contribution budgétaire pour compenser.

Il n’y a pas que la gauche. Certains UMP aussi.

Moi, le sujet effectivement sur lequel j’ai de plus grandes réserves, et c’est sûrement mon passé de journaliste et puis mon attitude, c’est la nomination par le chef de l’État du président de la structure rassemblée de France Télévisions. Je pense que c’est une erreur politique. Et je pense que ça n’a pas de sens aujourd’hui en 2008. En tout cas j’ai du mal à ce qu’on m’explique avec beaucoup de conviction, comment en 2008 on peut présenter comme un progrès un recul de vingt-cinq ans. C’est quelque chose qui ne sert à rien, parce que c’est vrai qu’on vit dans une forme d’hypocrisie. Mais, parfois, il vaut mieux une forme d’hypocrisie qu’un compromis suspicieux. Je pense que pour les journalistes ce sera difficile, mais aussi pour le temps électoral qui nous attend : une campagne présidentielle dans trois ans et demi. Si Nicolas Sarkozy souhaite se représenter, son leadership n’étant pas contesté à droite, il sera en situation d’être un candidat valable, il y aura cette suspicion du traitement par la télévision publique de cette campagne présidentielle, sans parler des autres sujets. Je crois que c’est vraiment une fausse idée.

Pensez-vous comme Noël Mamère que c’est une sorte de régression démocratique ?

Je n’irais pas jusque-là parce que je crois à la sincérité. Il y a quand même des verrous de sécurité. Il y aura l’avis conforme du CSA. Il y a la nomination, puis il y a la révocation. Je crois qu’on ne peut pas traiter France Télévisions, c’est stratégique certainement. Mais ce n’est pas aussi stratégique qu’EDF ou que les transports SNCF. Que l’État nomme en conseil des ministres le patron d’EDF, de la SNCF ou de la RATP, oui, parce que ce sont des éléments stratégiques et que l’État a son mot à dire, notamment sur la ligne à suivre, sur la politique industrielle et la politique de sécurité, y compris sur le plan nucléaire. Pardon, mais aujourd’hui avec 150, 200 ou 300 chaînes, plusieurs chaînes d’information, y compris sur le plan international, ce n’est pas de la même urgence. Et ce n’est pas de la même pertinence, non plus.

Et alors la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Elle deviendra effective à partir du 5 janvier, est-ce une bonne idée ? En tout cas après 20 heures.

Oui, je crois qu’elle est intéressante parce que la question qui se pose est : «Qu’est-ce qui pousse à regarder les chaînes publiques aujourd’hui ?», quand, justement, vous avez des bouquets satellites où vous pouvez tout voir, en tout temps, tout lieu et toutes circonstances. Cette suppression de la publicité va créer une originalité. C’est comme à la radio. Si on ne veut pas avoir un encombrement publicitaire parce qu’on n’aime pas les spots et puis qu’on ne veut pas être non plus l’otage de la société de consommation, on va plutôt sur Inter qu’une station périphérique commerciale privée. La télévision publique ça va être un peu ça. Ça lui donnera de fait une originalité qui créera un attrait. Puis, ça peut aussi donner plus d’espace pour la production, pour la création. Je pense que cette partie-là est intéressante.

Il y a un autre dossier sur lequel l’UMP n’est pas si uni que ça, c’est l’assouplissement du travail du dimanche. Il y a une pétition de députés UMP que nous avons publiée à ce sujet. Vous, êtes-vous favorable à cet assouplissement du travail le dimanche ?

Je suis très réservé aussi. Très réservé sur la méthode et très réservé sur le fond. Sur la méthode, sur un débat comme celui-ci qui concerne un élément structurant de la société française dans son organisation, dans la vie de famille, dans la capacité de prendre sont temps vous avez vu qu’il y a un sondage
qui est sorti en début de semaine qui est intéressant que souhaitent les Français ? Ils veulent plus d’argent, c’est normal, tout le monde en veut. Ils veulent une bonne santé, ça paraît naturel. Cela permet de vivre plus longtemps. Et puis ils veulent plus de temps. Et au moment où les Français adressent un message, on va un peu, très rapidement, donner le sentiment de remettre en cause l’organisation de la société, où les syndicats ont leur mot à dire, où les représentants des salariés doivent aussi s’exprimer, où l’aspect économique doit être démontré, il n’y a pas eu d’études d’impact. On sait que la réforme de la Constitution va obliger la mise en place des études d’impact pour tous les textes qu’on aura examinés. Pour toutes ces raisons, et même sur le fond, je suis assez réservé. Je crois qu’il serait plus sage de ne pas offrir un visage de division sur un sujet aussi important que celui-ci pour les Français.

De façon plus générale, l’annonce d’un plan de relance pour l’économie en cette période de crise, pensez-vous que ce soit une bonne chose ?

Il est nécessaire. Il est complémentaire de ce que le président de la République a fait dans la gestion de la crise qui a été remarquablement orchestrée pour facialement occuper l’espace et recréer les conditions de la confiance. Mais les conditions de la confiance, c’est une chose ; le soutien à l’activité économique en est une autre. Cette relance qui sera budgétaire, c’est-à-dire certainement par un glissement très fort du déficit, est indispensable pour le bâtiment, les travaux publics, certainement l’industrie automobile, certainement l’immobilier, certainement le logement. On sera sous perfusion. Il faut être lucide : la dette d’aujourd’hui ce sera l’impôt de demain. Mais ça peut être pire, si on ne fait rien.

Avez-vous l’impression qu’on a un nouveau Sarkozy ? Parce que les chiraquiens dont vous êtes l’accusaient pendant la campagne d’être un libéral acharné. Finalement aujourd’hui il veut refonder le capitalisme. Il annonce un plan de relance. Il se chiraquise finalement ?

Nicolas Sarkozy est d’abord et avant tout un pragmatique qui s’adapte très bien aux situations. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas des convictions libérales, et on a de ce point de vue les mêmes convictions. Au sein de la majorité, il y a des différences de nuances. Si on est chiraquien sur le plan économique, c’est vrai qu’on croit un peu plus à une présence de l’État, au maintien des services publics, à une certaine idée de la nation. Cela crée une dominante mais qui est la dominante gaulliste, sociale, historique dans laquelle on est un certain nombre, toutes générations confondues à s’être inscrits. Nicolas Sarkozy, je ne dis pas qu’il redécouvre le positionnement de l’État, parce qu’au ministère de l’Intérieur il a démontré qu’on pouvait réaffirmer l’autorité de l’État avec beaucoup de force. Simplement il a bien montré que seul l’État, dans cette période de crise exceptionnelle, était l’élément de réponse et puis tout simplement de garantie d’une économie de marché qui était un peu à la dérive.

Dernière question à propos d’un ancien chiraquien. Villepin renvoyé en correctionnelle pour complicité de dénonciation calomnieuse. Pensez-vous qu’il est injustement traité comme il le dit ?

Dans ces procédures judiciaires, il y a le temps de l’instruction, c’est une chose ; et puis, il y a le temps du procès. Le temps d’instruction n’offre pas une vérité. La vérité s’offre au moment du procès. Je crois qu’il serait sage pour tout le monde d’attendre ce temps-là. Puis, une fois cette parenthèse terminée, il n’est pas douteux que Dominique de Villepin un jour ou l’autre revienne dans le débat national.

Très bien. Merci, François Baroin et à demain pour une nouvelle édition du Talk Orange-là Figaro.

Source: Le Figaro

Ecrire un Commentaire