Le Colloque « Le Général de Gaulle et le Monde Arabe » organisé par l’Université de Paris-Sorbonne Abu Dhabi, en association avec la Fondation Charles de Gaulle et l’Institut du Monde Arabe, a rendu hommage ce dimanche à l’héritage du Général de Gaulle ainsi qu’à son engagement pour l’indépendance du Monde Arabe.
« Il savait que les épopées et les rêves d’unité arabe dépassaient les frontières: les frontières physiques du désert, les divisions politiques ainsi que les menaces des puissants voisins Ottomans et Perses », a déclaré Dominique de Villepin, lors de son discours d’ouverture du Colloque.
Le Général de Gaulle a révolutionné la politique de la France vis-à-vis du Monde Arabe, en accordant l’indépendance à l’Algérie en 1962. Son changement de position par rapport à l’indépendance de l’Algérie a ensuite joué un rôle important dans sa relation au Monde Arabe.
« La France du Général de Gaulle ne segmente pas sa politique extérieure, contrairement à beaucoup d’autres pays. Elle n’applique pas de politiques régionales. Elle exige la présence de trois éléments: stabilité, unité, souveraineté, en mêlant non-ingérence et indépendance », a déclaré Dominique de Villepin.
Aujourd’hui encore, « le conflit israélo-palestinien demeure le cancer qui ronge la région tout entière. Il n’y a aucune solution à long terme sans résolution satisfaisante de cette crise qui touche au besoin fondamental de justice et à l’aspiration des peuples », a poursuivi l’ancien Premier Ministre.
Bien qu’une grande partie du Monde Arabe espère une amélioration de sa relation avec le Monde Occidental suite à l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis, Domique de Villepin s’est montré prudent quant à la possibilité de changements spectaculaires.
L’élection de Barack Obama représente « une opportunité très importante pour la stabilité, la paix et le développement dans le monde ». Mais « nous savons que ceci va être très difficile parce que Barack Obama va être principalement soucieux de rétablir la situation aux Etats-Unis mêmes. Il devra faire des choix difficiles. Il a fait beaucoup de promesses, mais maintenant, c’est le temps de l’action ».
« Quelle sera sa principale priorité? Comment va-t-il gérer la situation en Irak et en Afghanistan? Je suis particulièrement inquiet à l’idée que le départ des troupes d’Irak puisse conduire à davantage de troupes en Afghanistan. Ce n’est pas une solution. Il n’y a aucune solution militaire » dans la lutte contre les Talibans, a par ailleurs déclaré l’ancien Premier Ministre, pour qui le renforcement des contigents militaires en Afghanistan est une erreur, car « nul ne peut dicter à un peuple le choix de ses propres dirigeants ».
« Nous pouvons faire le choix d’un combat déterminé contre le terrorisme. Cela ne signifie pas pour autant d’interférer ou de maintenir des troupes étrangères pendant une longue période en Afghanistan ». Pour Dominique de Villepin, l’approche de l’administration Bush dans la région a tout simplement conduit à un « cul-de-sac ».
L’invasion de l’Irak en 2003 est un « exemple clair de ce qui peut dérailler » si des Etats ne respectent pas leur souveraineté mutuelle. « Les Etats-Unis voulaient imposer la démocratie en Irak et cela a été illusoire. Restaurer la souveraineté de l’Irak demandait un engagement du gouvernement irakien ainsi que des différentes communautés du pays. Cela suppose un gouvernement susceptible de représenter les différents groupes. Le gouvernement doit être davantage représentatif ».
« Il doit y avoir un calendrier strict de retrait des troupes étrangères », a ajouté Mr de Villepin, en ajoutant qu’il serait « beaucoup plus simple d’avoir une Irak responsable, une Syrie responsable, un Iran responsable ».
L’Iran doit respecter les « règles de la communauté internationale » concernant la prolifération nucléaire, a-t-il également déclaré. « Je pense que l’on ne peut arriver à rien dans cette région sans un fort engagement des Etats-Unis. Ce dont on a besoin, c’est que cette nouvelle administration s’implique, soutienne le dialogue et ne se contente pas de le laisser aux seuls Européens.
« Je pense que le gouvernement iranien et le peuple iranien souhaitent la restauration de bonnes relations avec les Etats-Unis. Ensemble, l’Europe et les Etats-Unis ont la faculté de montrer à l’Iran qu’il a intérêt à renouer le dialogue avec le monde occidental. »
Pour l’ancien Premier Ministre, la philosophie de la politique arabe du Général de Gaulle était « à l’opposé point par point » de celle de l’actuelle administration américaine, car elle respectait l’autonomie des nations et reposait sur une foi dans la « culture, l’équilibre et le dialogue ». « Elle favorisait la stabilité. Elle mettait en valeur l’important des relations Nord-Sud et permettait aux peuples de choisir leur propre destin. »
Enfin, Dominique de Villepin a souligné que Barack Obama doit absolument accorder la priorité à la création d’un Etat palestinien comme base à la Paix dans la région: « si nous voulons créer un Etat palestinien, nous devons prendre des initiatives immédiates ».
Résoudre la crise israélo-palestinienne rendrait plus crédibles les efforts que la communauté internationale doit encore accomplir dans d’autres régions du globe, notamment au Darfour et au Congo.
La stabilité de la planète nécessite une plus grande coordination des politiques étrangères à l’échelle de l’Europe et à l’échelle du monde, ainsi qu’une puissance américaine « qui travaille à la résolution des crises », ce que l’administration Bush n’était pas prête à faire, a insisté Dominique de Villepin, avant de conclure: « Plus nous parlerons de façon coordonnée, plus nous parlerons d’une seule voix, plus nous serons capables de participer à la création d’un nouvel ordre mondial ».
Sources: Gulfnews (Marten Youssef) et The National