Un des avocats de Dominique de Villepin, Me Olivier d’Antin, a déploré mardi la « position surprenante, voire incohérente » du parquet de Paris. « Il y a trois mois, le parquet estimait que les éléments recueillis au cours de l’enquête ne justifiaient pas de procès pour Dominique de Villepin, trois mois plus tard, les mêmes magistrats du parquet ont changé d’avis », a-t-il déploré, regrettant que le parquet ait « soufflé le chaud et le froid ».
Dans la classe politique, l’ancien Premier ministre a reçu des témoignages de soutien de Jean-Pierre Grand, Georges Tron, Bruno Le Maire et Arnaud Montebourg.
Après quatre ans d’enquête sur une simple affaire de dénonciation calomnieuse muée en scandale d’Etat, le parquet de Paris a requis mardi le renvoi en correctionnelle de l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin pour « complicité de dénonciation calomnieuse » dans l’affaire Clearstream.
Les réquisitions définitives du parquet, qui a émis des réserves tout au long de l’instruction sur la conduite du dossier, étaient très attendues dans cette affaire où l’actuel chef de l’Etat Nicolas Sarkozy s’est constitué partie civile.
Selon le site internet du Point, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, initialement hostile aux poursuites contre Dominique de Villepin, a annoncé mardi avoir demandé son renvoi devant le tribunal pour « complicité de dénonciation calomnieuse par abstention ».
La décision du parquet de Paris constitue une suprise pour les connaisseurs du dossier qui évoquaient la possibilité que le premier ministre obtienne un non-lieu dans cette affaire. Le parquet avait en effet estimé en juin à l’issue de l’instruction que « les charges n’apparaissent pas suffisantes » pour justifier le renvoi de l’ancien Premier ministre devant le tribunal.
Il avait alors réclamé un complément d’information aux juges d’instruction Jean-Marie d’Huy et Henri Pons afin d’éclaircir certaines zones d’ombre du dossier.
Exécuté en un mois, avec notamment une audition express d’une demi-heure de M. de Villepin, ce supplément d’enquête n’avait « amené aucun élément d’aucune sorte susceptible de constituer quelque charge que ce soit contre » l’ancien Premier ministre, selon ses avocats qui réclamaient le non-lieu.
A l’issue de ce complément d’enquête, le parquet considère que l’ancien Premier ministre a eu connaissance du caractère fallacieux des listings bancaires et n’a pas empêché leur transmission à la justice entre mai et octobre 2004 par Jean-Louis Gergorin, un de ses proches.
Il estime qu’il existe également des charges suffisantes contre l’informaticien Imad Lahoud, soupçonné d’avoir falsifié les listings, l’ancien vice-président d’EADS Jean-Louis Gergorin, qui a reconnu être le corbeau ayant adressé les faux listings à la justice, l’ancien auditeur du cabinet Arthur-Andersen, Florian Bourges, et le journaliste Denis Robert, soupçonnés d’avoir été en possession des listings à l’origine des falsifications.
Il revient maintenant aux juges, qui ne sont pas tenus par les réquisitions du parquet, de renvoyer ou non M. de Villepin et les quatre autres mis en examen devant le tribunal. Le juge d’instruction Jean-Marie d’Huy rendra la décision finale, qui devrait confirmer le renvoi. Le procès ne devrait pas se tenir avant fin 2009, et plus vraisemblablement en 2010.
Dominique de Villepin s’est toujours défendu de toute manipulation, assurant avoir demandé deux enquêtes dans le cadre de ses fonctions ministérielles. L’une en janvier 2004 en tant que ministre des Affaires étrangères, confiée au général à la retraite Philippe Rondot, après que Gergorin lui eut montré les listings quelques jours plus tôt. L’autre à la DST, six mois plus tard, lors de son passage place Beauvau.
Dominique de Villepin estime depuis le début de l’affaire que Nicolas Sarkozy instrumentalise la justice pour l’envoyer devant un tribunal. L’ex-Premier ministre souligne que Nicolas Sarkozy, partie civile au dossier donc victime présumée, peut donner des consignes au procureur, via la ministre de la Justice, Rachida Dati. Il serait donc à ses yeux juge et partie.
Malgré des perquisitions, des expertises et des auditions par dizaines, l’enquête n’a pas fait toute la lumière sur le mobile véritable de cette manipulation.
Le fait même que Nicolas Sarkozy ait été la cible de la manipulation est douteux, car sur les listings figuraient aussi les noms de Dominique Strauss-Kahn, Jean-Pierre Chevènement, Alain Madelin, de magistrats, d’avocats, de policiers, d’industriels ou encore de ‘stars’ comme Laetita Casta.
La réaction des avocats de Dominique de Villepin
Olivier d’Antin, l’un des avocats de Dominique de Villepin s’est insurgé mardi contre la décision du parquet.
« La position du parquet est incohérente. Il y a trois mois le ministère public admettait qu’il n’y avait pas d’éléments suffisants pour poursuivre Dominique de Villepin. Aujourd’hui ces même magistrats se contredisent en estimant que mon client doit comparaitre lors d’un procès. Pourtant, il n’y a rien de neuf dans le dossier. On retarde le moment où l’honneur de Dominique de Villepin sera lavé de tout soupçons ».
Me Olivier d’Antin a dénoncé « la position surprenante, voire incohérente du parquet », regrettant qu’il ait « soufflé le chaud et le froid ».
Pour les avocats de Dominique de Villepin, qui réclament le non-lieu pour leur client, les juges ont « emboîté le pas aux médias » en retenant « l’hypothèse d’un complot destiné à nuire à l’actuel président de la République ». « Comprenne qui pourra », a ajouté Me d’Antin.
Selon eux, « l’instruction n’a pas recherché la manifestation de la vérité mais la pure et simple confirmation d’une thèse dont la validité, admise en tant que postulat de départ, ne fut jamais soumise au doute ni remise en cause ».
Pour Me d’Antin, « la justice a mobilisé tellement de temps et d’argent qu’il était difficile d’imaginer un procès sans M. de Villepin ».
« Nous allons prendre connaissance du réquisitoire, l’analyser en détail, et s’il nous apparaît que ce réquisitoire est critiquable, nous ne nous priverons pas de le critiquer », a conclu le conseil de M. de Villepin.
La réaction de Jean-Pierre Grand
Jean-Pierre Grand, député UMP de l’Hérault et proche de Dominique de Villepin, a affirmé mardi 7 octobre que l’ancien Premier ministre était victime de « l’affaire Dreyfus du XXIe siècle » dans le dossier Clearstream.
« Quel citoyen français peut accepter sans réagir cet acharnement politico-judiciaire contre Dominique de Villepin ? », s’est-il interrogé dans un communiqué, après que le parquet de Paris a requis le renvoi en correctionnelle de Dominique de Villepin pour « complicité de dénonciation calomnieuse » dans l’affaire Clearstream.
« Aujourd’hui, le parquet, après avoir estimé le contraire le 3 juin, demande le renvoi de Dominique de Villepin en correctionnelle. Il invoque le motif que Dominique de Villepin aurait pu savoir que le listing comportait des noms étrangers à l’affaire des frégates de Taïwan, dossier désormais classé sans suite », a ajouté Jean-Pierre Grand.
« Cette justification pose bien des questions et nous interpelle », a-t-il dit.
La réaction de Georges Tron
« On peut parler d’acharnement, d’une instruction qui, manifestement, se fait contre Dominique de Villepin. Je ne sais pas s’il y a eu des pressions. Je dis simplement que le retournement d’avis du parquet est quelque chose qui est surprenant », a déclaré le député UMP Georges Tron (Essonne).
Dominique de Villepin « prend cela avec sérénité, avec calme » mais aussi « avec pas mal de surprise », a confié M. Tron qui l’a eu au téléphone mardi matin.
La réaction de Bruno Le Maire
Pour sa part, l’ex-directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon Bruno Le Maire, aujourd’hui député de l’Eure, s’est déclaré « surpris par la décision du parquet ».
« La justice permettra d’établir la vérité des faits et de faire toute la lumière sur une affaire qui dure depuis plusieurs années ».
« Je sais que Dominique de Villepin aura toute la force de caractère nécessaire pour faire face à ces nouveaux développements », selon Bruno Le Maire, qui a rappelé que « dans le cadre du contrôle judiciaire, Dominique de Villepin n’a plus de contacts » avec lui depuis un an.
La réaction d’Arnaud Montebourg
Adversaire politique du responsable UMP, le socialiste Arnaud Montebourg a estimé que
« ce pauvre M. de Villepin » ne « mérite pas le sort qu’on lui a fait ». Il a mis en cause « le pouvoir » qui « étouffe » certaines affaires, laissant subsister celles qui permettent de « poursuivre » ses rivaux.
Sources: Agence France Presse, Le Point, TF1, TV5 et Le Monde