En visite au Mexique la semaine dernière, Dominique de Villepin a estimé que la crise traversée par les Etats-Unis est la pire crise financière des 50 dernières années et que toutes ses répercussions sur l’économie mondiale ne sont pas encore connues.
Pendant le Sommet Patronal Veracruz 2008 auquel il a participé, l’ancien Premier Ministre a jugé que la faillite de la banque d’investissements Lehman Brothers impose d’établir de nouvelles règles structurelles au système bancaire pour que les spéculateurs « paient pour les erreurs qu’il font ».
« C’est un honneur pour moi d’être à Veracruz, car c’est ici au Mexique qu’eut lieu la première mondialisation ; quand les hommes de Cortés rencontrèrent les indigènes ce fut le début d’un nouveau monde « . C’est par ces mots que Dominique de Villepin a commencé sa conférence sur le thème: « L’Union Européenne et le Mexique » au World Trade center du port de Veracruz.
Présenté comme « un grand acteur de la paix et de la justice dans le monde », il s’est adonné durant près d’une heure à son exercice favori, celui-là même qui le rendit célèbre à travers le monde lors de la guerre contre l’Irak: le discours libéral à forte saveur humaniste.
Dans un espagnol parfait (rappelons qu’il a passé une grande partie de sa jeunesse à Caracas, au Vénézuela), il a commencé par dresser un bilan géopolitique global du monde actuel.
Décrivant avec son panache habituel le nouvel équilibre des forces en puissance, il a fortement insisté sur la gravité de la crise financière actuelle « peut-être la plus grave depuis 50 ans (…) dont nous ne pouvons toujours pas mesurer pleinement l’importance ». Selon lui il est nécessaire de donner une nouvelle politique structurelle au système bancaire « pour que la spéculation ne domine pas, et que ceux qui spéculent payent pour les erreurs qu’ils font ».
D’autre part il a précisé que « aucun pays ne peut se développer sans prendre en compte le problème de l’inégalité sociale (…), si au États-Unis les banques donnaient de l’argent à des personnes pauvres c’est parce que, face à un système social défaillant, cela constituait un moyen de financement pour les classes les plus démunies de la population (…).Ces dernières années aux États-Unis les riches sont devenus encore plus riches, et les pauvres toujours plus pauvres ».
Revenant sur le cas du Mexique, Dominique de Villepin a salué les efforts réalisé en matière d’économie et de démocratie par le Mexique au cours des dernières années. D’après lui le chemin choisit par les gouvernements successifs en matière d’ouverture économique a en partie porté ses fruits. Il a brièvement comparé la France au Mexique, les deux partageant « »une capacité explosive de révolution et de contestation », qui doit servir aux gouvernements à « constater avec lucidité ce qui ne fonctionne pas et à chercher de nouvelles solutions ».
Concernant les difficultés auxquelles le Mexique devra faire face, il a souligné le problème de la baisse prévisible de l’apport de devises de la part des travailleurs mexicains aux Etats-Unis (qui s’évaluait à plus de 23 milliards de dollars en 2007!), la concurrence de la Chine en matière de main d’œuvre bon marché, ainsi que la nécessaire réforme des infrastructures pétrolières.
La partie de son discours concernant la sécurité nationale était sans doute la plus attendue, en effet lors d’une conférence prononcée le mercredi 24 septembre au siège de PAN, de Villepin avait ouvertement critiqué la politique de militarisation mise en place par le président Calderón. Un désaveu largement relayé par la presse qui avait mis ses hôtes dans l’embarras…
Réaffirmant ses propos, de Villepin a soutenu que, pour lutter contre le crime organisé, il fallait privilégier le renseignement et la connaissance des circuits financiers utilisé par les organisations criminelles. Il a écarté l’idée de « guerre contre le terrorisme (…) car on ne peut pas faire la guerre à un ennemi invisible ». Il faut lutter dans le stricte cadre de l’action démocratique, et en respectant totalement l’état de droit, car sinon « il existe le risque de perdre son âme ». La meilleure arme contre le terrorisme est l’action discrète, « loin des caméras de télévision » (c’est-à-dire l’exact contraire de la médiatisation à outrance à laquelle assiste le Mexique), car « le terrorisme vit de la peur qu’il répand sur les populations ». Enfin il a souligné la nécessaire existence d’une unité nationale au-delà des clivages politiques face à une telle problématique.
Dans la dernière partie de sa conférence magistrale, de Villepin a affirmé que l’avenir du Mexique était très prometteur. En effet grâce à une démographie particulièrement jeune, le pays pourrait dans les décennies à venir faire partie des économies les plus fortes du monde. Reste pour le Mexique à marquer plus fortement son identité sur le marché mondial, faire sentir aux clients en quoi la marque « Mexique » est différente. Surtout, il conseille de réduire la dépendance vis-à-vis des États-Unis et de développer les échanges régionaux.
Selon lui « le Mexique est un bon exemple de pays qui représentent un pont entre le Nord et le Sud, c’est un pays qui comprend les problèmes du Nord, mais qui est également capable de comprendre parfaitement les problèmes des pays du Sud ». Il a finalement clos son discours en annonçant que « dans quelques jours le Mexique va a devenir membre associé stratégiquement à L’Union Européenne pour discuter les grandes problématiques de la sécurité et des questions sociales ».
Dominique de Villepin a ensuite reçu des mains du gouverneur Fidel Herrera Beltrán une médaille et le titre d’ »ami de Veracruz ».
Sources: Nicolas Quirion (Le Grand Journal Veracruz), Vanguardia et Notiver