Le Premier ministre français François Fillon a nettement revu à la baisse ses ambitions pour la croissance, ce qui laisse planer le doute sur la capacité de la France à freiner son déficit public.
Interrogé sur Europe 1 sur la croissance française, négative au deuxième trimestre, M. Fillon a déclaré: « Je pense que ce sera au moins 1%, j’espère que ça sera un peu plus de 1% ».
Une révision des plus brutales puisque le gouvernement tablait jusqu’alors sur une croissance comprise entre 1,7% et 2,0% pour 2008.
La nouvelle prévision devrait être officiellement dévoilée le 24 septembre, lors de la présentation du prochain projet de budget en conseil des ministres, comme l’a annoncé la ministre de l’Economie, Christine Lagarde.
« Nous sommes frappés par une décélération de l’économie mondiale qui est très, très sérieuse« , a justifié le chef du gouvernement.
Selon une première estimation de l’Insee, le PIB de la France a reculé de 0,3% au deuxième trimestre 2008. A ce stade, l’acquis de croissance (la progression que l’économie française est sûre d’atteindre si la croissance est nulle pour le reste de l’année) est de 0,9%.
L’aveu de François Fillon est particulièrement lourd de conséquences pour les finances publiques, le budget 2008 ayant été bâti voici près d’un an sur une hypothèse de croissance de 2,25%.
La croissance en berne rejaillit en effet sur les rentrées fiscales. Le ministre du Budget, Eric Woerth, avait déjà prévenu que le ralentissement économique entraînerait une perte de 3 à 5 milliards d’euros par rapport aux recettes escomptées.
Des recettes fiscales dont le gouvernement a cruellement besoin pour contenir le déficit public (Etat, Sécurité sociale et collectivités locales), qu’il s’est engagé à ramener à 2,5% du PIB cette année.
« Nous faisons tout ce que nous pouvons (…) Je ne peux pas imaginer que la France dépasse à nouveau la barre des 3% du PIB » autorisée par Bruxelles, dit Mme Lagarde dans une interview à La Tribune.
Si au ministère de l’Economie, on assure que le ralentissement de la croissance aura « un impact très modéré sur le déficit public », le ministère du Budget répond par un silence gêné à l’annonce de M. Fillon: « aucun commentaire aujourd’hui ».
Dans l’entourage de Didier Migaud, président socialiste de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, on fait le calcul suivant: avec une croissance de 1,2% en 2008, « on a 6,7 milliards de moins values » sur les recettes fiscales. « C’est considérable, c’est la totalité de la réserve de précaution », relève-t-on.
M. Woerth a déjà prévu d’annuler environ la moitié de ces crédits, traditionnellement « gelés » dans le budget pour faire face aux coups durs, afin de compenser cette perte de recettes.
Le rapporteur de la commission des Finances du Sénat, Philippe Marini, nourrit les mêmes inquiétudes. Dans un rapport publié début juillet, le sénateur UMP soulignait que « si la croissance de 2008 était de 1,7% au lieu de 2,25%, le déficit public s’en trouverait accru, toutes choses égales par ailleurs, d’environ 0,3 point de PIB », soit 2,8%.
En cas de croissance moindre, M. Marini n’exclut pas que « le déficit public atteigne, voire dépasse spontanément le seuil des 3 points de PIB ».
Et d’appeler le gouvernement à la plus grande « discipline » pour éviter un nouveau rappel à l’ordre de Bruxelles, au moment même où la France assure la présidence de l’UE.
Source: Agence France Presse