Un mois après le « non » retentissant des Irlandais au traité de Lisbonne, les propos de Nicolas Sarkozy suggérant de les faire « revoter » ont provoqué un tollé mercredi en Irlande, à quelques jours d’une visite délicate du président français à Dublin.
« Les Irlandais devront revoter et je mettrai le veto à tout élargissement (de l’Union européenne) tant qu’il n’y aura pas de nouvelles institutions », avait déclaré mardi M. Sarkozy selon des députés de son parti l’ayant rencontré dans la journée.
Dans un pays soucieux de son indépendance, où 53% des électeurs ont rejeté le traité de Lisbonne lors d’un référendum le 12 juin dernier, ces quelques mots ont immédiatement provoqué la colère du camp du « non » et l’embarras du gouvernement irlandais.
« Cela illustre bien la nature anti-démocratique de ce qui se passe à Bruxelles », s’est insurgé Declan Ganley, l’un des chefs de file des « nonistes » irlandais.
Même indignation de la part de Sinn Féin, seul parti irlandais à avoir soutenu le « non » le 12 juin, pour qui la position attribuée au président français est « profondément insultante pour le peuple irlandais ».
« Au cours du mois qui a suivi le rejet très net du traité de Lisbonne par les électeurs irlandais, nous avons entendu toute une série de dirigeants européens essayer de nous intimider et de nous forcer à faire ce qu’ils veulent », a commenté le porte-parole de Sinn Féin pour les questions internationales, Aengus O Snodaigh.
« Il est important que le président Sarkozy comprenne que le peuple irlandais exige que son vote soit respecté et, plus important encore, que ses inquiétudes soient prises en compte », a-t-il poursuivi, indiquant que son parti avait sollicité un entretien avec M. Sarkozy lors de son voyage en Irlande lundi prochain.
Même le Parti travailliste irlandais, qui a milité pour le « oui », estime que M. Sarkozy a « commis un sérieux faux-pas ».
Du côté du gouvernement, la réserve semble de mise.
Selon le quotidien Irish Times, le Premier ministre Brian Cowen, actuellement en visite aux Etats-Unis, s’est employé à minimiser les propos du président français. « Nous devons reconnaître qu’il y a eu de nombreux avis exprimés en Europe sur les problèmes auxquels nous sommes confrontés après le rejet » du traité, a déclaré le chef du gouvernement, qui avec le « non » irlandais a essuyé une cuisante défaite personnelle, un mois à peine après son arrivée au pouvoir.
Le ministre irlandais des Affaires étrangères Micheal Martin a pour sa part souligné que M. Sarkozy, président en exercice de l’Union européenne, serait en « position d’écoute » lors de sa visite à Dublin.
« Nous n’avons pas l’intention de nous laisser intimider par qui que ce soit », a-t-il prévenu sur une radio irlandaise. « Nous allons étudier cela d’un point de vue irlandais, en fonction de ce qui sert au mieux les intérêts de l’Irlande. »
A Paris, le conseiller spécial de M. Sarkozy, Henri Guaino, a tenu à nuancer les propos du chef de l’Etat: organiser un nouveau référendum n’est que « l’une des solutions » envisagées, a-t-il souligné. Et s’ils devaient revoter, les Irlandais le feraient « probablement » sur un texte qui ne serait « pas exactement le même ».
Lors de sa visite à Dublin le 21 juillet, le chef de l’Etat « va essayer d’évaluer la situation », a insisté M. Guaino.
Mais pour le chef du Labour, Eamon Gilmore, les déclarations de M. Sarkozy augurent mal d’une réelle volonté d’écoute.
« On nous a fait comprendre que l’une des principales raisons de la visite du président en Irlande la semaine prochaine était de lui permettre d’écouter les positions du peuple irlandais sur ce qui doit être fait », a-t-il rappelé. « Cependant, s’il a déjà arrêté sa décision sur cette question, ça risque d’être une écoute plutôt vaine ».
Source: Agence France Presse