L’eurodéputé Bronislaw Geremek, acteur majeur de la transition démocratique en Pologne, est décédé dimanche à 76 ans dans un accident de voiture. Il fut une figure de la lutte du syndicat Solidarnosc contre le régime communiste dans les années 1980 et l’un des principaux artisans des transformations démocratiques qui ont précipité la chute du communisme en Europe de l’Est. Il avait livré son dernier combat en 2007, refusant de se conformer à la nouvelle loi sur la décommunisation du pays.
L’ancien président Jacques Chirac a salué en Bronislaw Geremek, historien et ancien ministre polonais décédé dimanche, « un homme de bien » qui « incarnait au plus haut les valeurs européennes ».
« C’est avec infiniment d’émotion et de tristesse que j’ai appris la disparition de Bronislaw Geremek. Avec lui, la Pologne perd un grand homme d’Etat, l’Europe perd l’un de ses plus ardents défenseurs, et je perds un ami. C’est une figure historique qui s’en va », écrit l’ex-chef de l’Etat dans un communiqué.
« Il était un homme de bien dont la vie entière a été tournée vers la recherche de la justice et de la paix. Il aimait la France dont il connaissait admirablement l’histoire. Il incarnait au plus haut les valeurs européennes », poursuit-il.
« Bronislaw Geremek avait accepté avec beaucoup de chaleur et de générosité de mettre son talent et ses hautes compétences au service de la Fondation Chirac, au comité d’honneur de laquelle il avait accepté de siéger. Il était parmi nous pour son lancement le 9 juin dernier », rappelle M. Chirac. Ses conseils, sa vision vont nous manquer », conclut-il.
Geremek, le combattant de la liberté
Bronislaw Geremek ne traînera plus sa silhouette de vieux sage dans les couloirs du Parlement européen. L’historien, ancien ministre des Affaires étrangères polonais, acteur majeur de la transition démocratique en Pologne associé au syndicat Solidarnosc, est décédé dimanche, à 76 ans, dans un accident de la route.
Farouche opposant au régime communiste qui s’était posé sur la Pologne comme une chappe de plomb, Geremek s’est consacré à la résistance à l’oppression.
Son dernier combat, il l’a mené l’année dernière, contre le gouvernement des frères Kaczynski, à l’origine d’une loi très controversée, celle de « lustration » sur la décommunisation du pays qui oblige les responsables politiques et les magistrats (mais aussi les professeurs d’universités, les directeurs d’écoles, les gestionnaires des sociétés d’Etat et les journalistes) à remplir une déclaration indiquant s’il a ou non collaboré avec les anciens services secrets communistes. Le tout sous peine de licenciement. Le dernier combat de Geremek fut soutenu par les trois plus grands groupes du Parlement européen.
Bronislaw Geremek était l’un des plus proches conseillers de Lech Walesa, ancien président de la Pologne, et une figure importante de Solidarnosc, le syndicat qui a lutté contre le régime communiste. Il a été ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2000, et était député européen depuis 2004.
Né en 1932 à Varsovie, Bronislaw Geremek étudie l’histoire à l’université de Varsovie avant de fréquenter l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, à Paris. Après avoir adhéré au Parti communiste polonais, il se désolidarise suite à l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie, en 1968.
Devenu dissident, il rejoint en 1976 le Comité de défense des ouvriers (KOR) avant d’apporter son aide aux ouvriers des chantiers navals de Gdansk qui fondent « Solidarnosc », le premier syndicat libre du bloc de l’Est. Perçu comme un agitateur par le régime, il est envoyé en prison par le général Wojciech Jaruzelski, qui prend la tête de la Pologne en 1981. Il y passera deux ans et demi. A la chute du mur de Berlin, il participe à la transition démocratique du pays, militant pour une entente avec l’ancien régime.
De nombreuses voix se sont élevées en Europe et notamment en France pour saluer la mémoire de Bronislaw Geremek. Nicolas Sarkozy a ainsi tenu « à rendre hommage à cette grande figure de la construction européenne et de la réunification du continent et à dire son admiration pour le combat qu’il a mené au sein de Solidarité en faveur de la démocratie polonaise ».
Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a réagi en évoquant la perte d’un « ami de toujours. C’est avec une profonde tristesse et une grande consternation que nous apprenons le décès aujourd’hui de Bronislaw Geremek. C’était un ami de toujours, une grande conscience de la Pologne, l’un des grands intellectuels d’Europe centrale. Inlassable combattant de la liberté, il prit tous les risques dans sa lutte contre le totalitarisme », indique un communiqué du ministre.
Source: Agence France Presse et Jérôme Guillas (Le Journal du Dimanche)