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Modernisation de l'économie: le gouvernement cherche un compromis avec sa majorité

Les députés s’attaquent lundi au texte sur la modernisation de l’économie (LME), qui veut relancer la croissance par la baisse des prix, et risque de créer des tensions entre l’exécutif et sa majorité UMP, toujours à la recherche d’un compromis sur les grandes surfaces.

Le gouvernement compte sur la mesure-phare de ce texte de 44 articles, la liberté donnée aux grandes surfaces de négocier leurs prix avec leurs fournisseurs, pour faire baisser les prix. Le débat s’annonce tendu avec les députés UMP, qui entendent conserver un contrôle des maires sur les implantations de grandes surfaces.

Au centre des débats, les conditions d’installation des grandes surfaces

Malgré plusieurs réunions la semaine dernière entre le gouvernement et la majorité pour déminer le terrain, un article continue de poser problème, celui sur le relèvement du seuil d’autorisation des grandes surfaces. Les députés UMP, inquiets du risque de disparition du petit commerce en milieu rural, veulent redonner le pouvoir aux maires dans ce domaine.

Avant la discussion générale lundi, le Premier ministre devait encore négocier tout le week-end avec les députés UMP opposés à l’assouplissement des conditions d’installation des grandes surfaces dans les villes, au nom de la concurrence voulue par le gouvernement.

M. Fillon « ne veut pas que les maires soient les arbitres de la concurrence », indique-t-on dans son entourage.

« Que le maire ait plus de pouvoir sur l’urbanisme, sur l’organisation, d’accord, mais ce n’est pas à lui de dire s’il y a assez de surfaces commerciales dans tel ou tel secteur », ajoute-t-on.

La Loi de Modernisation Economique: une séance de rattrappage, après le « paquet fiscal »

Inspirée des propositions du rapport Attali, la LME, dont l’examen a été retardé d’une semaine en raison de la longueur du débat sur les institutions, est le deuxième grand texte économique de la présidence Sarkozy, dix mois après le « paquet fiscal ». Ce dernier, destiné à provoquer un « choc de confiance », n’a guère eu d’effet sur la croissance, qui s’annonce inférieure à 2% en 2008 selon les prévisions des économistes.

Nicolas Sarkozy, qui promettait pendant sa campagne d’être le « président du pouvoir d’achat », compte maintenant sur la libéralisation du commerce pour tenir son engagement. Cette réforme est destinée à faire baisser les prix, plus élevés en France que dans les pays voisins, selon le gouvernement.

Les principales mesures du texte de loi

Le texte laisse fournisseurs et distributeurs libres de négocier leurs prix. Ce système dit de négociabilité mettra fin à la pratique opaque des « marges arrières », réformées à plusieurs reprises depuis 2004. Les abus seront plus durement sanctionnés, avec une amende pouvant aller jusqu’au triple du montant des sommes indûment perçues.

Le projet de loi facilite par ailleurs l’installation des supermarchés, en portant de 300 à 1.000 mètres carrés le seuil d’autorisation par les commissions départementales d’équipement commercial (CDEC). Il créée une Autorité de la concurrence aux compétences élargies pour sanctionner les abus et autorise les commerçants à fixer deux semaines de soldes par an en dehors des périodes officielles d’été et d’hiver par an.

Au-delà de son volet concurrence, ce projet de loi fourre-tout contient d’autres mesures: généralisation à toutes les banques de la distribution du livret A, création d’un statut simplifié pour les entrepreneurs individuels, limitation des effets de seuils fiscaux pour les entreprises qui dépassent les dix ou vingt salariés, réduction à 60 jours des délais de paiement, plan pour le réseau à fibre optique.

Les craintes des PME

Le gouvernement attend de ces mesures une baisse de 1,6% des prix. Cette perspective est saluée par la grande distribution, mais accueillie avec beaucoup d’inquiétude par les agriculteurs, les industriels de l’agro-alimentaire et les PME, qui craignent de se retrouver en position de faiblesse face aux sept géants français de la grande distribution.

« Non à l’asphyxie des PME et à la suppression de milliers d’emplois », s’alarment de concert la CGPME (Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises), la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), les représentants de l’agroalimentaire, des grossistes et des coopératives, dans une pétition signée par 7.500 professionnels remise mardi dernier aux députés.

Vers une bataile d’amendements

Les députés de la majorité ont pour leur part bien l’intention d’amender ce texte, le premier élaboré dans le cadre de la « coproduction législative » entre le gouvernement et la majorité chère à leur président Jean-François Copé, afin de protéger les agriculteurs et le petit commerce et renforcer le rôle des élus.

Les députés UMP entendent aussi profiter du débat pour instaurer en droit français la possibilité d’actions de groupe pour les associations de consommateurs. Un amendement en ce sens du rapporteur Jean-Paul Charié a été voté en commission.

Le gouvernement compte sur ces mesures, d’un coût limité à 300 millions d’euros, pour augmenter la croissance de 0,3% par an et créer 50.000 emplois.

« Je suis incapable de vérifier la pertinence de ce calcul », a tempéré le député UMP qui va défendre le texte à l’Assemblée, Jean-Paul Charié.

Ce texte devrait être débattu pendant deux semaines à l’Assemblée, dont les services indiquent qu’ils ont rarement vu un nombre d’amendements aussi techniques. Le vote en première lecture de la LME, examinée en urgence, est programmé le 10 juin. Le Sénat l’examinera fin juin, pour une adoption définitive prévue début juillet.

Au total 1.500 amendements sont annoncés à l’Assemblée Nationale, dont 350 seulement de l’opposition, les autres venant de députés de la majorité. Preuve que ces derniers sont loin de se satisfaire du texte tel qu’il est sorti du Conseil des ministres.

Par souci d’apaisement, le rapporteur UMP de la loi Jean-Paul Charié va demander dans l’hémicycle le retrait de deux amendements pourtant votés en commission.

L’un aurait permis aux entreprises de ne plus constituer des comités d’entreprise au-delà du seuil de 50 salariés, ce qui aurait encore avivé la colère des syndicats après l’assouplissement programmé des 35 heures.

L’autre amendement dont le rapporteur s’apprête à demander le retrait proposait d’introduire en droit français les « actions de groupe » (saisine de la justice par des consommateurs pour des réparations après un préjudice). Tout en soutenant le principe, M. Charié demande du temps pour prévenir les « dérives ».

L’opposition devrait elle demander le maintien de l’action de groupe. La gauche devrait aussi marquer « une opposition très forte » à la généralisation du Livret A qui risque selon elle de pénaliser les plus modestes et le financement du logement social.

Sources: Associated Press et Agence France Presse

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