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Carte famille nombreuse SNCF: vers un désengagement de l'Etat?

La suppression de l’aide de l’Etat aux tarifs sociaux de la SNCF provoque une nouvelle cacophonie au sein du gouvernement.

Alors que le secrétaire d’Etat aux Transports Dominique Bussereau a annoncé jeudi la disparition de la carte famille nombreuse « dans l’état actuel des choses », sa collègue Nadine Morano a assuré qu’il n’en était pas question. Des voix s’élèvent par ailleurs dans la majorité pour s’inquiéter du projet du gouvernement.

D’abord passée inaperçue, la décision prise vendredi dernier dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) de supprimer à partir de 2009 l’aide de l’Etat aux tarif sociaux de la SNCF, estimée à 70 millions d’euros par an, prend maintenant des allures d’affaire d’Etat. Les associations familiales et les partis de gauche ont été les premiers à s’alarmer des conséquences de cette décision pour les 2,2 millions de détenteurs de la carte « famille nombreuse » et leurs enfants.

Ils ont été rejoints jeudi par plusieurs responsables de l’UMP, et en premier lieu Bernard Accoyer. « Quel que soit leur financement, les réductions pour familles nombreuses ne sauraient être remises en cause », a déclaré l’habituellement discret président de l’Assemblée nationale dans un communiqué. Le quatrième personnage de l’Etat rappelle que la « politique familiale est un pilier du pacte social » et qu’elle contribue à la natalité, plus élevée en France dans les autres pays européens.

Suppléant de la ministre du Logement Christine Boutin, Jean-Frédéric Poisson a carrément demandé au gouvernement de « surseoir à cette décision ». « Si l’on ne peut que partager l’objectif de réduire les charges de l’Etat, il n’est pas nécessaire d’attaquer directement le pouvoir d’achat des familles, tout particulièrement de celles qui ont le plus de bouches à nourrir », explique le député dans un communiqué au nom du Forum des républicains sociaux, composante de l’UMP.

Les déclarations contradictoires du gouvernement n’ont fait qu’augmenter les inquiétudes. « Cette carte dans l’état actuel des choses va certainement disparaître », a ainsi déclaré sur France-Info le secrétaire d’Etat aux Transports Dominique Bussereau. Il a expliqué avoir « demandé à la SNCF de trouver un instrument comparable mais qui soit plus juste socialement et qui tienne compte de l’évolution des tarifs ».

Sa collègue chargée de la Famille Nadine Morano n’a pas tardé à le contredire. « Il est hors de question de faire disparaître la carte ‘famille nombreuse’, je m’y engage », a assuré sur RTL la nouvelle secrétaire d’Etat. Mme Morano a affirmé que les nouveaux tarifs de la SNCF en faveur des familles pourrait être « encore meilleurs ». Les familles nombreuses bénéficient aujourd’hui de réductions allant de 30% -pour trois enfants- à 75% -pour six enfants et plus-, applicables dans tous les trains.

Jean-Louis Borloo est allé dans le même sens. « En aucun cas les avantages des familles nombreuses ne seront réduites », a juré le ministre de l’Ecologie, contredisant lui aussi les propos de son secrétaire d’Etat Dominique Bussereau.

Le président du groupe UMP à l’Assemblée Jean-François Copé a ajouté à la confusion en plaidant pour un plafond de ressources pour bénéficier de la carte famille nombreuse dans un objectif de « justice sociale ».

« Les allocations familiales sont pour nous un principe universel. Donc il n’y aura pas de mise sous conditions de ressources concernant les allocations familiales », a répliqué Nadine Morano. Comprenne qui pourra.

Enjeu de cette réforme, dans le cadre du programme d’économies annoncé par Nicolas Sarkozy le 4 avril: ne plus financer le coût annuel de la Carte (70 millions annuels à la charge de l’Etat pour trois millions de bénéficiaires de réductions SNCF de l’ordre de 30 à 75%).

« Je reçois des tonnes de mails là-dessus. Les gens réagissent extrêmement fort. Le gouvernement a gravement sous-évalué l’impact de cette réforme », a déclaré à l’AFP le député libéral-villepiniste Hervé Mariton.

Les élus UMP se déclarent unanimement attachés à la politique familiale, au nom de laquelle ils ont rejeté sans appel la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, proposition du rapport Attali.

Mais la majorité se divise sur le financement de l’Etat, alors qu’opposition et syndicats dénoncent son désengagement.

« Il aurait fallu que la SNCF s’exprime au préalable pour dire qu’elle prenait à sa charge les 70 millions d’euros », estime le président de la commission des Affaires sociales Pierre Méhaignerie, pour le maintien de la carte.

« Ce n’est pas à l’Etat de payer les 70 millions d’euros. Surtout quand la SNCF fait des bénéfices », assure le député de la Marne, Benoist Apparu.

« Transférer une charge vers la SNCF me va très bien », ajoute-t-il à l’AFP en souhaitant que l’Etat impose à l’entreprise publique dans son cahier des charges les mesures en faveur des familles nombreuses.

« Quand l’exécutif cherche à mégoter avec cela, il fait fausse route », affirme au contraire M. Mariton, un libéral très attaché à la défense de la politique et des valeurs familiales.

« Il faut éviter d’inquiéter les gens sur tout », ajoute le député de la Drôme, qui cite également le rapport Larcher sur les regroupements d’hôpitaux.

« Les familles se souviennent des discours de Nicolas Sarkozy pendant la campagne, par exemple en faveur du versement des allocations à partir du premier enfant… Elles sont toujours en attente d’un signe fort », conclut-il.

Sources: Agence France Presse et Associated Press

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