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A dix mois du premier tour de la Présidentielle, l'incertitude Villepin

« Il faut que les choses aillent très, très mal pour qu’elles puissent aller mieux. » Pour s’assurer que l’on croit toujours en sa profonde détermination, Dominique de Villepin est prêt à aller très, très loin. Quitte à reconnaître, implicitement, que sa situation actuelle est plutôt compliquée.

Jeudi matin, dans l’avion qui l’emmène à Toulouse pour son dernier déplacement public jusqu’à la décision de la cour d’ appel dans l’affaire Clearstream, il se veut convaincant : « La politique, c’est une affaire de cycles », martèle-t-il. À l’entendre, la « mauvaise presse » qu’il a eue ces dernières semaines, notamment au lendemain de la convention nationale de République solidaire (RS), ne révèle rien d’autre.

Pour le reste, il a toutes les réponses. Les départs en série de son mouvement ? « Deux ou trois gaillards qui ne font pas de proposition. » La gêne provoquée dans son propre camp par ses récentes prises de position, sur le cannabis et le mariage homosexuel ? Une incapacité à comprendre les « mouvements de la société », selon lui.

L’interroge-t-on sur sa façon de préparer son programme, il répond par une autre question : « Si ce n’est pas moi qui ai la vision, qui l’aura ? » Quant aux sondages, qui stagnent entre 3 et 3,5 %, il fait mine de n’y attacher aucune importance : « Ils seraient bien plus haut si j’avais annoncé ma candidature. Et tant qu’on ne connaît pas le candidat socialiste, de toute façon, cela n’a pas de sens. »

Homme d’État sans appareil

Il en est pourtant un, de sondage, auquel il apporte une certaine considération : celui qui le place en troisième position, derrière François Hollande et Martine Aubry, parmi les candidats qui ont le plus « une stature de chef de l’État ». « Je suis le premier à droite en termes de crédibilité présidentielle… » crâne-t-il ainsi devant une quinzaine de professionnels locaux venus discuter des questions de ruralité avec lui. Un sondage qui fait écho à ce qui est, selon lui, sa première qualité en tant que candidat : son expérience du pouvoir. « Je connais l’État de plusieurs points de vue : d’en haut, de l’intérieur, comme ministre aussi… » se plaît-il à raconter.

Cela ne fait aucun doute : Villepin, l’homme du « non » à la guerre en Irak, a bien l’image d’un homme d’État. Mais à le voir serrer des mains sur le marché d’Auch, dans le Gers, se pencher au-dessus d’une poussette ou échanger quelques mots en anglais avec des touristes amusés, on mesure combien le décalage est profond entre sa très grande notoriété et l’étroitesse de l’appareil politique supposé le porter.

Certains, parmi les passants, n’en connaissent pas même le nom. Mais les plus enthousiastes l’interrogent : « Alors, est-ce que vous allez être candidat M. de Villepin ? » « Aaaah, mais c’est tout l’enjeu des semaines à venir ! » répond-il dans un sourire.

Pas de calendrier

Les semaines à venir, justement, elles s’annoncent plutôt calmes. Il n’y aura plus de déplacement de ce type, même si lui assure qu’il continuera à en faire, seul. L’équipe, elle, se contentera d’attendre le jugement en appel, mi-septembre.

Pendant ce temps, Jean-Louis Borloo, de son côté, prépare une tournée des plages. Mais peu importe. « La stratégie politique doit infuser, plutôt comme du thé que comme du café », veut rassurer Villepin. Il jure ne pas s’inquiéter de l’avance prise par celui, qui, quoi qu’il en dise, dispose d’un électorat très proche. D’ailleurs, il n’en dit que du bien – « Borloo, il a été un très, très bon ministre. Il est très sympathique. » – ou presque : « Il a une vraie originalité, c’est sa non-verticalité. Mais il est vrai que la fonction présidentielle implique une exigence verticale puissante… »

Villepin deviendrait-il la caricature de lui-même ? Ce candidat capable d’attirer des journalistes de Chine pour une simple conférence de presse mais qui, à Paris, peut à peine compter sur le soutien de deux élus ?

Certains, en interne, en viennent à s’inquiéter de sa véritable détermination, voire de son « envie ». « Il ne se donne plus les moyens, c’est manifeste », nous confie-t-on.

Lui assure pourtant « avancer avec une vision très claire, mais pas plus vite que la musique, au rythme des Français ». S’il doit y avoir annonce de candidature, cela se fera, mais pas avant le début 2012, explique-t-il, sur le ton de l’évidence.

Reste que ses belles tournures – « Je dis qu’il faut mourir pour en être. La politique c’est le Phoenix » – n’y font plus grand-chose : le doute s’installe. L’été sera long.

Source: Pauline de Saint Rémy (Le Point)

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