Suite de l’interview donnée par Dominique de Villepin à la presse suisse allemande…
Le président de République Solidaire rappelle son attachement à l’héritage gaulliste en matière diplomatique: « On a besoin d’Etats comme la France, qui bousculent de temps en temps les jeux d’intérêts des grandes puissances ou qui font bouger les lignes des blocs et des réseaux établis.
De Gaulle l’a fait par exemple, lorsqu’il a rétabli le contact avec les Russes en 1964 et plus tard avec les Chinois. Ou lorsqu’il a bousculé la communauté internationale pour réorienter la guerre du Vietnam en 1966, lors de son discours de Phnom Penh. C’est ainsi que je conçois le rôle de la France. C’est une sorte de responsabilité devant le monde. »
Restons un instant sur cette évidence française: ce complexe de supériorité moral, qui parfois irrite à l’étranger. Comment se fait-il que Paris se prenne encore et toujours pour la bonne conscience du monde? Vous-même, vous vous êtes fait connaître dans le monde par votre discours mettant en garde contre l’invasion de Bush en Irak.
Ce réflexe est ancré profondément dans l’histoire: notre héritage culturel s’enracine dans la Révolution française, et il a été ravivé par le Général de Gaulle au siècle dernier. Il se caractérise avant tout par notre sens prononcé pour l’indépendance. Il ne s’agit pas d’amour-propre ou d’orgueil téméraire, mais d’une certaine indépendance d’esprit, de la remise en cause de certitudes prétendument immuables et de la revendication constante d’un nouvel ordre mondial reposant sur des principes de paix, de justice, de solidarité, de développement.
Dit autrement: On a besoin d’Etats comme la France, qui bousculent de temps en temps les jeux d’intérêts des grandes puissances ou qui font bouger les lignes des blocs et des réseaux établis. De Gaulle l’a fait par exemple, lorsqu’il a rétabli le contact avec les Russes en 1964 et plus tard avec les Chinois. Ou lorsqu’il a bousculé la communauté internationale pour réorienter la guerre du Vietnam en 1966, lors de son discours de Phnom Penh. C’est ainsi que je conçois le rôle de la France. C’est une sorte de responsabilité devant le monde.
Mais la France ne joue-t-elle pas son propre jeu en fonction de ses intérêts économiques et de sa Realpolitk – surtout en Afrique, son arrière-cour politique?
C’est lié à notre histoire. Dans beaucoup de pays africains, nous sommes l’ancienne puissance coloniale. Cela nous expose à un flot de critiques et à une certaine suspicion. Mais la France assume aussi une grande responsabilité et prend des risques…
…. et en profite dans bien des cas, parce qu’elle est liée aux hommes forts de ces pays.
Cela a été longtemps le cas, c’est vrai. Il semble pourtant parfois aujourd’hui, que la France se désintéresse de ce qui se passe en Afrique. Mais les impressions sont trompeuses: Paris contribue à l’émergence d’une nouvelle Afrique.
Est-ce que la France accède maintenant à un nouveau statut, avec le rôle qu’elle joue en Libye?
Oui, je crois, même si l’initiative est tardive, désordonnée et conduite sans unité de la communauté internationale: cinq abstentions au Conseil de Sécurité de l’ONU, c’est beaucoup. Pourtant, il était juste d’insister.
Source: Tages Anzeiger (Interview publiée le lundi 4 avril 2011)
Remerciements à Marine pour la traduction…