Le magistrat saisi du dossier des « chargés de mission de la Ville de Paris » souhaite m’entendre. Ce sera l’occasion de rétablir la vérité. Tant de choses inexactes, souvent caricaturales, parfois outrancières, ont été dites sur ce sujet qu’il m’apparaît nécessaire de m’adresser simultanément aux Français.
En 1977, j’ai été élu maire de Paris. Depuis plus d’un siècle, la capitale de la France n’avait pas eu de maire. Cette grande métropole à rayonnement mondial était gérée par une administration préfectorale, respectable à tous égards, mais qui ne répondait plus aux attentes sociales, économiques, culturelles des Parisiens.
Il a fallu dynamiser, restructurer, bâtir de nouveaux services publics pour les Parisiennes et les Parisiens. Pour cela, une impulsion politique forte était indispensable. Je m’y suis engagé avec énergie et me suis entouré de l’équipe indispensable pour conduire cette transformation en profondeur.
Je me suis appuyé sur le dynamisme et la compétence des élus, des fonctionnaires de la Ville et de mes collaborateurs directs, parmi lesquels les chargés de mission. Pour le permettre, dès le 13 décembre 1977, le conseil municipal a délibéré et autorisé leur recrutement, autorisation renouvelée ensuite, tous les ans, lors du débat public sur le budget.
Les lois Defferre de décentralisation de 1982-1984 ont renforcé et conforté cette situation. Elles ont considérablement accru les compétences des élus locaux et, pour les mettre en mesure d’agir davantage, plus vite et mieux, ont consacré l’existence de collaborateurs de cabinet, avec la volonté délibérée et manifeste de laisser aux maires une grande latitude tant dans leur recrutement que dans la définition de leur emploi. Il était ainsi précisé qu’ils ne rendaient compte qu’à l’autorité territoriale qui les avait « librement » désignés, laquelle décidait seule des « conditions et des modalités d’exécution du service » qui leur était demandé.
Dans cette période, mon engagement politique m’a conduit à mener de front de nombreuses tâches et à assumer des responsabilités importantes en tant que maire, député de la Corrèze, puis premier ministre de 1986 à 1988, ainsi que président du Rassemblement pour la République. L’exercice conjoint de ces responsabilités, tout à la fois locales et nationales, m’a permis d’agir plus efficacement encore au service des Parisiennes et des Parisiens. Je me suis entouré pour cela d’équipes compétentes et animées d’un exemplaire esprit républicain.
Jamais les moyens de la Ville de Paris n’ont été mis au service d’autres ambitions que d’agir pour les Parisiennes et les Parisiens. Jamais il n’y a eu d’enrichissement personnel. Jamais il n’y a eu de « système ». Sur les 40000 agents de la Ville de Paris, il ne s’agit que d’une vingtaine de contrats qui sont contestés, d’une durée parfois courte, répartis sur une période de dix-huit ans.
RECRUTEMENTS LÉGITIMES
Allons plus avant : qui étaient ces quelques chargés de mission ? Des personnes qui ont travaillé à m’éclairer sur des questions de fond – problèmes éducatifs, sociaux, économiques, sportifs – afin de permettre au maire de la capitale d’assumer au mieux ses missions. Il pouvait s’agir aussi de femmes et d’hommes de qualité, ayant toutes les compétences nécessaires, mais traversant une période professionnelle difficile et à qui j’ai voulu redonner une chance. Et enfin un très petit nombre de collaborateurs qui ont facilité la coordination et l’exercice de mes fonctions. Ces responsabilités étaient à mes yeux profondément complémentaires pour me permettre d’agir au service de mes concitoyens. Ceux-ci l’ont bien compris. Ils m’ont donné deux fois la majorité dans les 20 arrondissements de Paris et dans le même temps réélu à plusieurs reprises député.
Même en Corrèze, où j’étais élu député, je faisais l’objet d’interventions nombreuses et de toutes natures adressées au maire de Paris. Par souci d’efficacité elles faisaient, localement, l’objet d’une première instruction, avant d’être traitées à l’Hôtel de Ville. Instruire sur place certaines sollicitations liées à l’exercice de mes responsabilités, c’était à la fois les traiter plus rationnellement et m’autoriser à mieux me consacrer à Paris. Dans ce cas, comme dans chacun des autres, je l’expliquerai.
Ces recrutements, je les ai souhaités ou autorisés parce qu’ils étaient légitimes autant que nécessaires.
C’est cette réalité, bien loin des caricatures infondées ou malveillantes, que je veux rappeler aujourd’hui à mes concitoyens. Je le fais avec l’esprit de responsabilité que les Françaises et les Français sont en droit d’attendre d’un homme politique et singulièrement d’un ancien président de la République. Et je le fais avec un souci d’honneur, celui d’un homme qui pendant de très nombreuses années s’est attaché à donner le meilleur de lui-même au service de son pays.
Jacques Chirac, ancien président de la République
Source: Le Monde