Sept mois tout rond qu’il est parti à la retraite. Il fut leur chef, leur mentor, leur employeur. Dans la famille chiraquienne, il y avait un mélange d’affection, d’admiration et d’intérêt. Lui n’aimait rien tant que d’aider le destin. Trouver une bonne circonscription, un job, attribuer une décoration, Jacques Chirac a fait cela toute sa vie. Par goût, et parce qu’on ne laisse pas tomber les siens.
A l’heure où l’ancien président de la République rejoint le Conseil constitutionnel, que deviennent ses fidèles ?
La plupart continuent de venir le voir, dans ses bureaux de la rue de Lille, près de l’Assemblée nationale. Mais l’ouverture à gauche de Nicolas Sarkozy, son manque d’appétit notoire pour les proches de son prédécesseur, ont donné un coup d’arrêt brutal à certains parcours. Celui de Dominique de Villepin dépend désormais de la justice, qui enquête sur l’affaire Clearstream.
Comme toujours en politique, quand le vent tourne, mieux vaut être élu. Mieux vaut avoir labouré sa circonscription, soigné sa mairie. Ou s’être mis à l’abri dans une belle institution. A l’instar de Jean-Louis Debré, nommé président du Conseil constitutionnel par l’ancien chef de l’Etat, juste avant son départ.
François Baroin s’est retrouvé moins dépourvu que d’autres quand la bise est venue. Il a été réélu député de l’Aube en juin 2007 et il est toujours maire de Troyes. A 42 ans, il fait encore partie de la génération montante. « S’il y avait eu une ouverture vers les chiraquiens, il aurait été le plus légitime d’entre nous », dit de lui un ancien ministre. Mais cette fois, il a dû passer son tour, pour le gouvernement. Jacques Chirac l’a nommé deux fois ministre, à l’Outre-mer, puis à l’Intérieur, sous le gouvernement Villepin. Le nouveau président l’ignore. « A un moment aussi, il faut avoir envie d’y aller. Il peut considérer que ce n’est pas le moment. C’est un animal à sang froid », raconte l’un de ses amis. Il rapporte aussi que l’ancien journaliste a « très mal vécu » d’être poursuivi par les paparazzi avec sa nouvelle compagne, la journaliste Marie Drucker.
Christian Jacob, autre protégé de Chirac, est maire de Provins, en Seine-et-Marne, et a également retrouvé son siège en juin, « dans une circonscription où ça n’était jamais arrivé depuis 1958 ! », dit-il. L’ancien syndicaliste agricole se fait philosophe : « J’ai eu la chance d’être cinq ans au gouvernement. La durée de vie moyenne d’un ministre sous la Ve, c’est deux ans. Je serais particulièrement bégueule de ronchonner ». Candidat au bureau du groupe UMP de l’Assemblée nationale, il a été le mieux élu. « Je m’entends super bien avec Copé et j’ai des rapports normaux avec les ministres. De quoi se plaindre ? », dit-il, sourire en banane.
Henri Cuq, lui, a pris « un peu de recul » par rapport à la politique. Ministre chargé des relations avec le Parlement de 2004 à 2007, il est redevenu député dans la 9e circonscription des Yvelines. Cela fait vingt et un ans qu’il est élu et réélu : ce n’est pas lui qu’il faut convaincre de solliciter le suffrage universel. Président du groupe d’amitié France-Mali à l’Assemblée nationale, il est allé voir Chirac qui s’envole pour ce pays d’Afrique mi-décembre. Mais il n’a pas besoin de prétexte pour rendre visite au Corrézien le plus célèbre de France.
D’autres connaissent un sort moins enviable, parmi les proches collaborateurs de l’ancien chef de l’Etat. Catherine Colonna, porte-parole de l’Elysée pendant neuf ans, diplomate brillante, n’a toujours pas trouvé de point de chute. Elle a eu beau s’afficher dans les premiers rangs, lors de l’investiture du candidat Sarkozy, en janvier, rien n’y a fait. Elle n’a pas pu se présenter aux élections législatives dans le 12e arrondissement de Paris : Nicolas Sarkozy a confié la mission au très médiatique avocat Arno Klarsfeld – qui a échoué. Elle n’a pas eu de portefeuille, ni de poste. « C’est du gâchis. On n’en a quand même pas 50 000 des femmes brillantes, à droite ! », s’énerve un chiraquien.
Frédéric Salat-Baroux, l’ancien secrétaire général de l’Elysée, n’a pas eu le ministère qu’on lui avait fait miroiter. Il a trouvé un poste dans un cabinet privé d’avocats. Son prédécesseur à l’Elysée, Philippe Bas, qui fut ministre délégué à la Sécurité sociale et à la famille dans le gouvernement Villepin, a été battu aux législatives dans la Manche. Il devra se rabattre sur sa maison d’origine, le Conseil d’Etat. Il y a tout de même quelques exceptions. Comme Marie-Claire Carrère-Gée, ancienne secrétaire générale adjointe de l’Elysée, nommée par le nouveau pouvoir présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi, un service rattaché au premier ministre.
Source: Béatrice Gurrey (Le Monde)