Visite éclair de Nicolas Sarkozy au Tchad et retour avec les trois journalistes français et les quatre hôtesses de l’air espagnoles arrêtés avec les membres de l’association l’Arche de Zoé.
Coup d’éclat pour les uns et mise en scène pour les autres, la démarche présidentielle corrige une impression d’abandon de ses ressortissants par la France même s’il reste six membres de l’association l’Arche de Zoé détenus au Tchad.
Le voyage du Tchad a été fructueux pour Nicolas Sarkozy. Il en est revenu accompagné par les quatre hôtesses de l’air espagnoles et par les trois journalistes français, qui, de toutes les façons, devaient être libérés dans quelques jours.
Mais qu’importe ! Il fallait que les autorités françaises fassent un geste pour bien montrer qu’elles étaient concernées par le sort de ressortissants auxquels elles doivent protection et secours. Et s’il y a bien eu quelques balbutiements et quelques condamnations qui fleuraient bon l’ambiguïté – et qui ont pu laisser penser que ce devoir était oublié -, le tir est désormais rectifié, ce qui est effectivement à mettre au crédit de l’Elysée.
Pour autant, la démarche présidentielle ne répond pas à toutes les questions soulevées par l’étrange aventure de l’Arche de Zoé, aventure qualifiée de « lamentable équipée » par Nicolas Sarkozy lui-même, et par bon nombre d’observateurs dont beaucoup omettent volontairement d’en pointer les zones d’ombres.
L’association l’Arche de Zoé n’avait pas fait mystère de sa démarche en France comme au Tchad. Et même si la méthode et la finalité ont été quelque peu « maquillées » – et donc sont condamnables -, il est légitime de se demander pourquoi personne n’est intervenu franchement pour en dénoncer publiquement l’illégalité, si ce n’est, in fine, les autorités tchadiennes et cela alors que la tentative de transport des 103 enfants vers la France touchait à son but. Peut-être que la justice tchadienne, ou même la justice française nous éclaireront sur ce point. Mais peut-être pas, vu le contexte dans lequel s’inscrit cette triste aventure, soit à un mois du déploiement d’une force européenne au Tchad et en République centrafricaine pour sécuriser les camps de réfugiés venus, en nombre, du Darfour voisin.
De là à voir un lien entre les deux événements, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi malgré les dénégations de Nicolas Sarkozy qui a dit et répété que l’affaire de l’Arche de Zoé n’avait rien à voir avec le déploiement de l’Eufor, la force européenne. Affirmation confirmée par le président tchadien Idriss Deby à l’occasion d’une conférence de presse commune, alors que certains magistrats de N’Djamena se plaignent d’une atteinte à l’indépendance de la justice, ce qui tendrait à prouver que le déplacement de Nicolas Sarkozy avait également pour but de soigner les formes vis-à-vis de son homologue tchadien qui avait forcé le trait en parlant de « trafics d’organes » et de « réseaux pédophiles ».
Les retours des hôtesses de l’air espagnoles et des journalistes français, s’ils sont positifs, constituent donc une réponse partielle aux questions posées par cette affaire.
Comment en effet l’Arche de Zoé a-t-elle pu utiliser des avions militaires français, alors que le ministère des Affaires étrangères affirme avoir mis en garde l’association sur son action ?
Le président UMP de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Axel Poniatowski a estimé sur LCI qu’il y avait eu « un petit problème de dysfonctionnement entre le Quai (d’Orsay) et le ministère de la Défense. »
« Le Quai d’Orsay (ministère des Affaires étrangères ndlr) avait beaucoup bougé sur cette affaire», a-t-il ajouté. Mais, «à mon avis, la Défense n’a pas relayé assez sur le terrain. » Selon lui, « l’armée française sur le terrain, elle, était de bonne foi. Elle a aidé d’un point de vue logistique cette association, comme elle le fait pour la plupart des ONG à travers le monde. » « En revanche, les directives qu’elle pouvait recevoir de Paris à mon avis n’étaient pas à la hauteur de la menace telle qu’elle se précisait », a jugé Axel Poniatowski.
On retiendra d’ailleurs le curieux silence du ministre Bernard Kouchner qui a beaucoup tardé avant de dénoncer un « humanitaire dévoyé », alors que les socialistes préfèrent pointer la tentation permanente de Nicolas Sarkozy de mettre en scène son action comme s’il était le seul à agir, ce que Jean-Louis Bianco a résumé en expliquant qu’on ne peut pas diriger un Etat en se prenant pour « Zorro ».
Sources: RFI et Libération