L’ancien Premier ministre Raymond Barre est mort dans la nuit de vendredi à samedi à l’âge de 83 ans à l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris, où il avait été admis en avril dernier, apprend-on de source familiale.
L’ex-Premier ministre et ancien maire de Lyon avait été hospitalisé le 12 avril à Paris après avoir été victime d’un malaise cardiaque sur la Côte d’Azur. Il s’était retiré de la vie politique en 2002 pour des raisons de santé. En février dernier, ses propos sur son ancien ministre Maurice Papon et le « lobby juif » avaient provoqué une vive polémique.
Né le 12 avril 1924 à Saint-Denis, sur l’île de la Réunion, Raymond Barre, qualifié de « meilleur économiste de France », fut Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing de 1976 à 1981 et a incarné la politique de « rigueur. »
Maire de Lyon (1995-2001) et député du Rhône, il avait été en outre candidat malheureux à l’Elysée en 1988, battu au premier tour par François Mitterrand et Jacques Chirac. En 2001, il avait renoncé à se représenter à la mairie de Lyon pour des raisons de santé. L’année suivante, il abandonnait son mandat de député dans sa circonscription du Rhône pour les mêmes raisons.
Professeur émérite des universités, cet européen convaincu a été vice-président de la Commission européenne de Bruxelles, chargé des affaires économiques et financières de 1967 à 1973. Professeur agrégé de droit et de sciences économiques à Sciences Po, Raymond Barre avait fait ses premiers pas en politique en 1959 comme chef de cabinet de Jean-Marcel Jeanneney, ministre de l’Industrie et du Commerce du général de Gaulle.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont un manuel d’ »Economie politique » (1955 et actualisé en 1988), utilisé par des générations d’étudiants.
Il avait publié au début de l’année « L’expérience du pouvoir », un livre d’entretien avec le journaliste Jean Bothorel dans lequel il revenait sur sa carrière atypique de professeur d’économie entré sur le tard dans l’arène politique. Il y réglait des comptes avec Jacques Chirac (« Le Chirac humain, chaleureux, je l’apprécie. Pour le reste, je suis incapable de lui reconnaître la moindre conviction, sauf l’obsession du pouvoir »). Il revenait aussi sur sa candidature à l’élection présidentielle de 1988 et sur la nécessité, à ses yeux, de gouverner la France au centre.
« (…) Je n’aurais eu aucune objection de principe à gouverner avec des socialistes raisonnables, à l’instar de ce que l’on a vu dans d’autres pays européens », y disait-il notamment. « Je crois que notre pays a besoin de cet équilibre, sinon le débat politique se crispe jusqu’à se caricaturer », ajoutait-il.
« Raymond Barre n’a jamais été, n’a jamais voulu être un homme politique comme les autres. Avant tout grand universitaire de vocation et de tempérament, (…) il a placé au-dessus du reste l’indépendance d’esprit, la compétence et le courage, fût-ce électoralement sacrificiel, fût-ce exprimé avec un brin de provocation », écrivait alors le commentateur Alain Duhamel dans une chronique sur cet ouvrage publié dans l’hebdomadaire Le Point.
Les réactions des personnalités politiques se multiplient pour rendre hommage à Raymond Barre.
Premier à réagir à la mort de son ex-premier ministre, l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing a déclaré samedi matin que «la France vient de perdre un de ses meilleurs serviteurs». «Son action s’inscrivait dans la grande ligne de ceux qui depuis Colbert ont construit la prospérité de notre pays», a déclaré VGE dans un communiqué. «Raymond Barre était un homme d’Etat qui ne poursuivait aucun objectif personnel mais qui cherchait à assurer par une compétence exceptionnelle et un travail acharné le bien être de notre pays», poursuit l’ancien président. «Le milieu politique a eu du mal à comprendre sa démarche solitaire et désintéressée qui était trop éloignée de ses habitudes. Et l’opinion publique n’a réalisé que tardivement qu’il travaillait en réalité pour son bien», ajoute l’ancien chef d’Etat. Valéry Giscard d’Estaing explique que Raymond Barre était pour lui « un compagnon de route », et ajoute: « Quand nous avons quitté le pouvoir ensemble en 1981, la France était malgré les deux chocs pétroliers, dans une situation qu’elle n’a jamais retrouvé depuis: une dette réduite, un déficit budgétaire de 1,1 %, un nombre de chômeurs inférieur à celui d’aujourd’hui ».
L’ancien président de la République Jacques Chirac a salué ce matin la mémoire de Raymond Barre « un homme politique résolument engagé pour la modernisation du pays et un grand européen ». « C’est avec beaucoup de tristesse que Jacques Chirac a appris le décès de Raymond Barre. Avec lui la France perd un grand économiste, un homme politique résolument engagé pour la modernisation du pays et un grand européen », selon un communiqué du bureau de l’ancien chef de l’Etat.
Le président Nicolas Sarkozy a salué un « esprit libre et indépendant » et un « personnage à part dans le personnel politique français ». « Représentant éminent de l’école française de science économique, il eut la volonté de mettre son savoir au service de la cité, toujours fidèle dans son engagement, à ses convictions européennes, libérales et sociales (..) Son expérience internationale et sa hauteur de vues en ont fait un homme d’Etat qui avait la passion de la France, en même temps qu’un personnage à part dans le personnel politique français », rappelle le chef de l’Etat. « Il a incarné sa vie durant l’exigence intellectuelle et morale dans la conduite de l’action publique », souligne le président de la République, qui a « pris connaissance du décès » de l’ancien premier ministre « avec une grande peine ».
Le premier ministre François Fillon a salué ce matin la mémoire de Raymond Barre qui « a incarné toutes les facettes de l’homme politique français et porté haut les valeurs d’exigence morale et de rigueur ». Dans un communiqué de ses services, François Fillon souligne que « son parcours démontre qu’il n’y a pas d’autre chemin que de dire la vérité aux Français, et de prendre résolument des mesures parfois difficiles ». Evoquant son mandat à Matignon entre 1976 et 1981, il note que Raymond Barre « dut mener une courageuse politique d’austérité en réaction aux chocs pétroliers ». « Demeuré malgré cela l’un des hommes politiques français les plus respectés et les plus populaires », le chef du gouvernement assure que « les Français n’oublieront pas son esprit indépendant, son courage et sa franchise mis au service de l’intérêt général ».
Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, a déclaré que « L’action et la vie politique de Raymond Barre auront été marquées par sa grande rigueur intellectuelle, son indépendance et son humanisme. Son engagement politique aura été total: européen convaincu, serviteur de l’Etat, et notamment comme député maire de Lyon, ville pour laquelle il s’est totalement et particulièrement investi ».
Christian Poncelet, le Président du Sénat « qui a eu l’honneur de participer à plusieurs gouvernements aux côtés de Raymond Barre, salue la droiture, le courage et la fermeté, alliés à une parole forte et libre, de celui qui restera un des grands hommes d’Etat de la Vème République. »
Alain Juppé, ancien Premier ministre, maire de Bordeaux, a déclaré: « C’est une personnalité éminente qui disparaît. (…) J’appréciais chez lui sa finesse et un solide bon sens. Je tiens à saluer son courage et à souligner que c’est un homme qui ignorait la démagogie, capable de prendre des décisions impopulaires ».
La ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie a, elle, rendu hommage à « l’intransigeance intellectuelle » du « brillant universitaire et homme d’Etat » qu’était l’ancien premier ministre. « Ayant eu la chance d’approcher cet homme d’Etat, de bénéficier de ses avis et de ses conseils, j’ai pu apprécier son intransigeance intellectuelle, sa générosité, son humanité et sa très grande gentillesse », a déclaré la minist
re dans un communiqué.
Christine Lagarde, ministre de l’Economie, a déclaré: « Il fut un des défenseurs courageux et éclairés de la théorie libérale en France », souligne-t-elle, ajoutant « être fière d’avoir été honorée de son amitié. Européen convaincu, Raymond Barre restera comme l’un des principaux artisans de la construction de l’union économique et monétaire, devenue un élément essentiel de la stabilité de nos économies d’aujourd’hui. La France vient de perdre un homme d’Etat et un économiste hors pair », conclut-elle.
François Bayrou, président de l’UDF et fondateur du MoDem, a salué ce matin en Raymond Barre un « homme d’Etat » qui « tenait le cap » et appportait « courage et altitude » au monde politique. « Ce sont beaucoup de souvenirs, beaucoup d’années d’engagement », a-t-il déclaré. « Raymond Barre a été soutenu, admiré, aimé, par beaucoup de Français, parce qu’il était un homme d’État, c’est-à-dire quelqu’un qui mettait l’intérêt général de son pays au-dessus des intérêts particuliers des clans, des partis, ou des hommes. Y compris au-dessus de ses intérêts personnels », a-t-il estimé. « C’est ainsi qu’un lien particulier s’était créé entre les Français et lui. Il inspirait confiance, sa parole était crédible, y compris auprès de ceux qui ne partageaient pas ses idées », a-t-il ajouté
L’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin a affirmé que Raymond Barre « restera comme celui qui a incarné la vision gaullienne de la fonction de premier ministre: durer et endurer ». « Il a mis son courage, son honnêteté et son désintéressement personnel au service d’une haute idée de la France », a ajouté M. Raffarin dans un communiqué.
Le sénateur-maire (PS) de Lyon, Gérard Collomb, s’est déclaré « bouleversé » après l’annonce ce matin du décès à Paris de son prédécesseur (1995-2001) et ancien premier ministre, Raymond Barre, avec qui il avait établi des « relations d’estime et d’affection ». « C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai appris la mort de Raymond Barre. Nous étions adversaires lors des élections municipales de 1995 mais au fil des rencontres, il s’était tissé entre nous des relations d’estime et je dirai même d’affection », a déclaré M. Collomb. « Quand vous étiez en privé avec lui, c’était quelqu’un d’absolument délicieux. C’est très largement dans son exemple que j’ai trouvé ma propre voie pour construire cette ville ».
Michel Noir, maire RPR de Lyon de 1989 à 1995, a salué « l’homme d’Etat, pour qui l’intérêt général du pays prévalait sur les tactiques et les manoeuvres politiciennes », soulignant sa « fidélité à Lyon » et son « indispensable vision internationale ».
Dominique Perben, député et candidat UMP à la mairie de Lyon aux prochaines élections municipales a souligné dans un communiqué « l’indépendance d’esprit et la lucidité parfois caustique » de l’ancien Premier ministre.
Anne-Marie Comparini, ex-députée UDF du Rhône qui a été l’attachée parlementaire de Raymond Barre de 1978 à 1995, puis son adjointe à la mairie de Lyon de 1995 à 2001, a fait part samedi de sa «profonde émotion» à la mort de cet omme «qui aura marqué l’histoire de notre pays dans des domaines très forts». Son ancienne adjointe à la mairie de Lyon a évoqué sur RTL le rôle de l’ancien premier ministre dans l’«ouverture de notre pays sur le monde et une nouvelle économie».
Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire UMP de Marseille a déclaré avoir appris « avec tristesse » le décès de Raymond Barre et salue « la mémoire de cet économiste qui fut un homme d’Etat en contribuant à la consolidation de l’Union européenne ». Il salue également « le travail de ce grand serviteur de la France, de cet acteur majeur de la politique nationale, en tant que député du Rhône et aussi en tant que maire de Lyon ».
Michel Thiollière, sénateur-maire de Saint-Etienne, a déclaré dans un communiqué que « Raymond Barre était un homme d’Etat par excellence, européen convaincu, privilégiant avant tout l’intérêt général. La France perd un homme d’une très rare dimension, qui n’aura eu de cesse de travailler à la modernisation et au développement harmonieux de notre pays. (…) Grand visionnaire, Il avait compris avant beaucoup, la nécessité de nouer des liens étroits entre les grandes agglomérations rhônalpines, notamment les deux plus importantes, Lyon et Saint-Etienne. J’avais eu également la chance de bénéficier, lors de nombreux et passionnants échanges, de sa vision et de ses conseils éclairés sur le devenir de nos villes, si proches géographiquement, si différentes et pourtant si complémentaires. Je m’incline devant la mémoire de cet exceptionnel serviteur de la France ».
La gauche se souvient aussi de l’homme d’Etat indépendant et de l’économiste qui fait autorité. Ainsi l’ancien Premier ministre socialiste Pierre Mauroy, qui loue son « goût de l’indépendance », sa « hauteur de vue » et son « sens aigu de l’Etat ». « Le 21 mai 1981, je lui ai succédé comme Premier ministre. Je me souviens avec précision, à l’Hôtel Matignon, d’une passation de pouvoir brève mais très cordiale, bien dans sa manière », écrit le président de la Communauté urbaine de Lille.
« Raymond Barre était un homme d’Etat, un vrai. Sa stature intellectuelle et morale forçait le respect », note pour sa part le député et ancien ministre socialiste Jack Lang. « Pour ceux d’entre nous qui avions été éduqués à l’école de Pierre Mendes France, il apparaissait d’une certaine manière comme son équivalent à droite: rigueur, courage, passion de la vérité », ajoute-t-il.
« C’est un authentique homme d’Etat qui disparaît, un économiste réputé, un acteur politique original même si sa famille fut toujours celle du centre droit qu’il servit, de son point de vue le mieux qu’il pu et avec indépendance » note pour sa part le Premier secrétaire du PS, François Hollande.
Jacques Delors a estimé que Raymond Barre avait été l’un des précurseurs de l’euro, notamment lorsqu’il était vice-président de la Commission européenne, de 1967 à 1973. « C’était une période extrêmement difficile avec les conséquences des mouvements sociaux dans divers pays, la dévaluation du dollar, donc il a été sans doute un des premiers, pendant cette période, à plaider pour une coordination des politiques économiques et monétaires entre les pays européens », a déclaré l’ancien président de la Commission européenne sur les ondes de France Info. « Son rapport a fait beaucoup impression à l’époque et c’est en quelque sorte le prélude à la création du système monétaire européen, lequel a précédé la création de l’euro », a ajouté Jacques Delors.
Enfin, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne a également rendu hommage à Raymond Barre: Vice-président de la Commission européenne en charge des Affaires économiques et financières de 1967 à 1973, Raymond Barre « démontra un esprit visionnaire, élaborant en 1969 un plan de coordination des politiques économiques et de soutien monétaire mutuel qui préfigurait l’Union Economique et Monétaire et l’euro. (…) En ce moment de tristesse (…), je souhaite rappeler la grande contribution apportée par Raymond Barre à la construction européenne », a souligné le président de la Commission. « La conviction, la compétence et expérience européenne de Raymond Barre l’ont toujours amené à concevoir la vie politique nationale en ayant à l’esprit l’idéal, les exigences et les opportunités de l’Europe, » a-t-il ajouté.
Sources: Reuters et Agence France Presse