La réforme des institutions « devra avoir été votée avant les municipales » de mars 2008, a souhaité Nicolas Sarkozy, qui a officiellement installé mercredi le comité de 13 « sages » chargé de réfléchir sur les institutions sous la présidence de l’ancien Premier ministre Edouard Balladur.
Ce comité, dont l’ancien ministre socialiste Jack Lang et l’ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud sont les vice-présidents, devra rendre ses conclusions d’ici le 1er novembre, pour une réunion du Congrès à Versailles fin 2007 ou début 2008, a précisé le chef de l’Etat lors d’une conférence de presse à l’Elysée.
Edouard Balladur a précisé que le comité procéderait à des auditions « jusqu’à la fin du mois de septembre » et rédigerait son rapport « de la fin septembre à la fin octobre ».
« Ce n’est pas un comité pour produire des documents universitaires », a prévenu Nicolas Sarkozy. « La réforme aura lieu », a-t-il insisté en fixant la feuille de route de cette réflexion. « Il ne s’agit pas de changer de République mais à l’intérieur de la Ve République de voir comment on peut être plus moderne« , c’est-à-dire selon lui « plus responsable ».
Dans la lettre de mission remise à M. Balladur, le chef de l’Etat pose ainsi la question de « l’articulation des pouvoirs du président de la République et du Premier ministre » qu’il souhaite voir « clarifié(e) pour prendre acte de l’évolution qui a fait du président de la République le chef de l’exécutif ». Il souligne ainsi que que la première tâche des treize sages sera de réfléchir au rééquilibrage des rapports entre le parlement et l’exécutif. Il souhaite cependant le maintien du poste de Premier ministre, dont le député socialiste Jack Lang – un des deux vice-présidents du comité – a souhaité la suppression.
Nicolas Sarkozy a déjà exposé de façon assez précise les orientations qu’il souhaite donner à la réforme des institutions jeudi dernier à Epinal, dans la lettre de mission d’Edouard Balladur et dans son discours aux membres du comité.
Il leur propose ainsi d’étudier la possibilité pour le parlement d’adopter « des résolutions susceptibles d’influencer le travail gouvernemental », de donner à l’opposition des droits étendus, d’introduire une dose de proportionnelle dans l’élection de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Il suggère que la présidence du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne soit plus assurée par le président de la république et propose la création d’un « procureur général de la Nation » et la suppression des dénonciations anonymes.
Il demande aussi au comité d’étudier l’instauration d’un « droit d’initiative populaire » et les conditions dans lesquelles des citoyens pourraient demander au Conseil constitutionnel de statuer sur la constitutionnalité de lois existantes. « Mon objectif est de parvenir d’ici janvier prochain à une profonde modernisation du fonctionnement de notre démocratie », écrit pour sa part Nicolas Sarkozy dans la lettre de mission.
Alors qu’on lui demandait s’il était favorable à une suppression du poste de Premier ministre, préconisée par Jack Lang, Nicolas Sarkozy a plaisanté: « la suppression de M. Fillon, en aucun cas ». Pour le reste, « nous souhaitons une grande liberté de proposition » et « la question de la présidentialisation est clairement posée ». Nicolas Sarkozy a toutefois rappelé qu’il s’était prononcé « pour le maintien du Premier ministre dans le cadre de la campagne présidentielle ».
« C’est la confrontation des points de vue différents qui fera la richesse de ce comité » et Jack Lang « a parfaitement le droit d’avoir son opinion », a-t-il souri. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs pris un malin plaisir mercredi à souligner la diversité de la composition de cette commission.
Elle réunit, outre MM. Balladur, Lang et Mazeaud, le professeur de droit Denys de Béchillon, le député européen centriste Jean-Louis Bourlanges, les constitutionnalistes de gauche Guy Carcassonne et Olivier Duhamel, l’économiste Jean-Claude Casanova, l’ancien conseiller de Simone Veil et professeur de droit Dominique Chagnollaud, le philosophe et ancien ministre de l’Education Luc Ferry, les professeurs de droit Anne Levade et Bertrand Mathieu et l’ancien directeur de cabinet du Premier ministre Lionel Jospin, Olivier Schrameck.
Jack Lang, qui a suspendu sa participation au groupe socialiste à l’Assemblée nationale après avoir claqué la porte des instances dirigeantes du PS, s’est dit « très heureux d’être ici ». « Je suis un homme libre. Je reste un député d’opposition », a-t-il assuré.
« C’est un rude chantier qu’on engage », a souligné Nicolas Sarkozy. Pour être adoptée, la réforme des institutions devra être approuvée par une majorité des trois cinquièmes des deux assemblées réunies en Congrès, ce qui suppose le soutien du Parti socialiste. Nicolas Sarkozy a précisé que le traité simplifié européen pourrait être soumis au Congrès au même moment.
Tout en disant vouloir « aller très loin sur certains sujets », Nicolas Sarkozy a admis qu’il pourrait être amené à faire des concessions : s’il y a « des propositions consensuelles (qui) ne recueillent pas mon adhésion, j’irai dans le sens du consensus », a-t-il déclaré.
« Le président de la République est le garant des institutions, ça ne veut pas dire que les institutions lui appartiennent. Il est en charge de les faire fonctionner, ça ne veut pas dire qu’il n’y a que son opinion qui compte. »
Il a également dit hésiter sur certains sujets, comme la réécriture de l’article 16 de la Constitution, qui donne au chef de l’Etat les pleins pouvoirs en cas de crise, la suppression de l’article 49-3, qui permet au gouvernement de faire adopter des lois sans vote ou la composition du CSM.
« Que les choses soient très claires : la réforme aura lieu », a cependant insisté Nicolas Sarkozy, pour qui il vaut mieux « faire la réforme à froid pour ne pas la subir à chaud ».
« Il y a moins de risque à mettre les choses en mouvement qu’à attendre immobile, comme on a fait tant de fois dans notre histoire que des institutions démodées soient renversées par le biais d’une crise, qu’elle soit politique, institutionnelle, économique ou sociale », a-t-il dit
« La Constitution, c’est l’affaire de tous les Français, et pas de la majorité contre la minorité« , a souligné Nicolas Sarkozy. Lors du Congrès, « chacun prendra ses responsabilités ». Et « la diversité de la représentation du comité renvoie à la diversité des soutiens nécessaires pour que la réforme aille jusqu’au bout ».
Parmi les autres pistes de réflexion du comité, Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois souhaité que le président de la République puisse aller s’exprimer directement devant les parlementaires. Cette mesure serait largement symbolique puisqu’il n’envisage pas pour autant de rendre le président responsable juridiquement devant le Parlement.
Sources: Associated Press, Reuters et La Tribune