Tout en réaffirmant, timidement, son soutien au « candidat de sa famille politique » lors de sa 20e et dernière conférence de presse mensuelle, Dominique de Villepin a fait entendre lundi, sa différence avec Nicolas Sarkozy, notamment sur sa proposition controversée de créer un « ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale ».
« Aujourd’hui, s’il faut aller plus loin, j’aurais tendance à préconiser plutôt une agence de l’immigration, comme cela existe dans d’autres pays », a lâché M. de Villepin.
Le Premier ministre a confié avoir été en désaccord avec cette proposition lorsqu’il était ministre de l’Intérieur en 2004-2005 avant sa nomination à Matignon et que M. Sarkozy avait évoqué cette idée dans les réunions interministérielles.
Dominique de Villepin a multiplié les piques en direction de Nicolas Sarkozy durant cet ultime rendez-vous mensuel avec la presse, comme aux plus belles heures de sa cohabitation tumultueuse avec l’ex-ministre de l’Intérieur.
On était en effet bien loin du franc ralliement exprimé le 12 mars par M. de Villepin, juste après l’annonce du retrait de Jacques Chirac, mais davantage dans la tonalité de l’automne quand le chef du gouvernement ne ménageait pas son ex-ministre de l’Intérieur sur la carte scolaire, la discrimination positive ou encore les régimes spéciaux de retraite.
Certes, il a pris soin de mettre en garde contre le retour « en arrière » que représenterait, selon lui, une victoire de la gauche et de redire que M. Sarkozy était le candidat « le mieux à même de porter » les choix qu’il défend pour la France.
Mais exit de son discours la petite phrase écrite où il lançait: « je suis à ses côtés pour défendre la vision d’un pays qui veut poursuivre rassemblé dans la voie du changement ».
Le Premier Ministre a insisté dans son propos liminaire sur la « nécessité du rassemblement » et sur le risque de « fracture sociale« , thème dominant de la campagne de Jacques Chirac en 1995.
Interrogé sur les banlieues, talon d’Achille du candidat UMP, il a souligné la nécessité de « jeter des ponts » pour éviter les « risques de fracture » avant d’estimer qu’un chef de l’Etat doit « en permanence être soucieux de rassembler ».
« Nous sommes un pays qui connaît des pulsions, des soubresauts, des tentations, et il faut en permanence être soucieux de rassembler. Par définition celui qui a cette charge au premier rang, c’est le président de la République« , a-t-il rappelé.
Loin des « ruptures » préconisées par M. Sarkozy, Dominique de Villepin a de nouveau plaidé pour une « adaptation » du modèle social français. Sur l’éducation, la santé, les transports, « on peut rester fidèle à une tradition française de service public ».
Le Premier ministre a certes réaffirmé son soutien au « candidat de sa famille politique », mais du bout des lèvres et sans citer son nom. « La chose est prévue », a-t-il simplement lâché quand on lui a demandé s’il comptait faire un déplacement de terrain avec le candidat.
M. de Villepin s’est en outre abstenu d’émettre la moindre critique contre ses deux ministres (François Goulard et Azouz Begag) qui ont choisi de soutenir le candidat UDF François Bayrou. « Chacun est responsable et maître de sa propre cohérence (…) Un gouvernement, ce n’est pas une caserne », a-t-il dit.
Dominique de Villepin a passé le reste de sa conférence de presse à défendre le bilan de ses 22 mois à Matignon. « Je crois laisser la France dans un meilleur état que celle que j’ai trouvé« , s’est-il vanté.
Alors que la réalité de la baisse du chômage est contestée par la gauche et les associations, il a rappelé avoir ramené le taux de chômage de 10,1% à 8,4% de la population active et mis en garde ceux qui entretiennent la polémique contre le risque de favoriser les extrêmes.
Le Premier ministre est en revanche resté discret sur son avenir personnel. S’il a confié vouloir enseigner « aux Etats-Unis, en Chine, au Moyen-Orient, en Afrique », il a expliqué que ce ne serait pas son « activité principale ».
Celui qui semblait en position de rivaliser avec Nicolas Sarkozy jusqu’à la crise du CPE a juré ne nourrir aucun regret.
Dans une confidence, Dominique de Villepin a affirmé que « la chose était claire » depuis le jour où Jacques Chirac l’a nommé à Matignon. « Il m’a dit: ‘mon cher Dominique, est-ce que vous savez que dans ce cas-là vous ne serez pas candidat à la présidence de la République?’ Je lui ai dit oui, je le sais, mais je pense que la situation de notre pays le justifie », a confié le Premier ministre. « Cette mission s’achève, c’est la vie. »
Sources: Associated Press et Agence France Presse