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Députés et villepinistes, ou la tentation de "l’autre rive"

« On est déjà sur l’autre rive. » La formule est de Marie-Anne Montchamp, Députée (UMP) du Val-de-Marne et porte-parole de République Solidaire (RS), le parti récemment créé par Dominique de Villepin. Le petit noyau de députés villepinistes – ils ne sont guère plus de sept ou huit – se sent de plus en plus corseté au sein du groupe UMP.

« Former un groupe devient une quasi-obligation », ajoute la députée. Ce qui n’était encore qu’une hypothèse évoquée du bout des lèvres, que certains se refusaient même à imaginer, apparaît presque, aujourd’hui comme une nécessité.

L’examen du projet de loi sur les retraites a marqué une nouvelle étape sur la voie de l’émancipation. Les villepinistes ont présenté en commission des finances plusieurs amendements. Avec Mme Montchamp, François Goulard (Morbihan), Daniel Garrigue (Dordogne) et – selon les circonstances – Hervé Mariton (Drôme), plus quelques alliés occasionnels, les partisans de l’ancien premier ministre disposent au sein de cette commission d’une influence non négligeable. « Pour la première fois, nous nous étions organisés et nous nous sommes retrouvés en situation de quasi-groupe », reconnaît Mme Montchamp.

Parlant du projet de loi sur les retraites, la porte-parole estime que « c’est un texte d’un autre âge » ; « non seulement, il n’est pas financé, mais il n’est même pas phasé, assure-t-elle. Qui peut croire que l’exécutif se projette en 2018 quand son seul souci est de passer l’étape jusqu’en 2012, en évitant systématiquement d’aborder les véritables enjeux ? Or, à force d’évitement, la majorité se prépare une véritable catastrophe en 2012. »

Les députés villepinistes ont tenté – en vain – d’apporter des corrections visant à améliorer l’équité du système, à renforcer la taxation des produits du patrimoine, à prendre en compte la pénibilité et à supprimer le bouclier fiscal. Certains amendements, avec l’appui du Nouveau Centre, voire du PS, ont été rejetés d’extrême justesse. « On leur a filé un échantillon », prévient Mme Montchamp.

La séparation de corps semble inéluctable. Pour la porte-parole, la réforme des retraites est l’illustration d’une droite qui « manque cruellement d’imagination ». « C’est le dernier avatar d’une droite à l’étiage, étriquée et sectaire, repliée sur une base de plus en plus étroite. Après il n’y a plus que Marine Le Pen », se désespère-t-elle.

« Intérêt Objectif »

Peu ou prou, les députés villepinistes ont le sentiment que leur engagement au sein de l’UMP « se fissure », « La majorité, c’est la dépression, avec des réflexes de puissance et d’autorité, constate Mme Montchamp. On ne pas se laisser imposer le choix entre renoncer ou passer en mode suicide ».

« L’autre rive », donc. Même si certains hésitent encore : couper les ponts reste un acte compliqué, douloureux, inconfortable en tout cas. Mme Montchamp est persuadée que, non seulement, les villepinistes n’ont pas le choix mais que d’autres suivront. « Tandis que l’UMP est en train de creuser tout autour pour être sûre que personne ne sorte, nous devons aménager la rive, la rendre habitable et jeter des passerelles pour que des gens passent de l’autre côté », explique-t-elle. Seuls, en effet, les villepinistes ne sont pas en mesure de constituer un groupe à l’Assemblée Nationale, qui réclame au moins quinze membres. Ils vont devoir se trouver des partenaires.

Du côté de François Bayrou ? « Il y a un intérêt objectif », estime Mme Montchamp. Le président du MoDem, qui siège parmi les non-inscrits au Palais-Bourbon, se dit « ouvert » à cette perspective. « Tous ceux qui ont les yeux ouverts sur la réalité de ce pays et qui savent que nous aurons à reconstruire, non seulement sur la politique mais aussi sur les principes, ont à travailler ensemble », affirme le député des Pyrénées-Atlantiques. Il demeure cependant réservé quant à la détermination des uns et des autres à sauter le pas. Pour l’heure, on ne se bouscule pas pour passer sur l’ »autre rive ».

Source: Le Monde (Patrick Roger)

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