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Europe: Après la Relance, le retour de la Rigueur

Baisse des salaires, augmentation des impôts et des taxes, recul de l’âge de la retraite… De nombreux pays européens ont dû, ou vont, se résoudre à une cure d’austérité budgétaire pour éviter de connaître le même sort que la Grèce.

Tour d’horizon…

Ceux qui goûtent déjà à la potion amère

La sévérité de l’austérité en Grèce est sans équivalent en Europe. Après un premier programme de 4,8 milliards d’euros pour 2010, Athènes a consenti, en échange des 110 milliards d’euros d’aide internationale, à faire 30 milliards d’économies supplémentaires d’ici 2012. L’objectif est ambitieux : ramener le déficit budgétaire de 14% en 2009 à 3% en 2014. Pour y parvenir, ce sont surtout les ménages qui sont mis à contribution : le gouvernement prévoit en effet une hausse de la TVA et des taxes sur les carburants, l’alcool et le tabac ainsi qu’un gel des salaires dans le secteur public. Les pensions de retraites baisseront quant à elles de 7% en moyenne. Des mesures drastiques qui devraient peser sur l’activité économique et la consommation : Athènes prévoit désormais une contraction du PIB de 4% en 2010 et de 2,6% en 2011.

Premier pays de la zone euro à être entré en récession, l’Irlande a pris dès 2008 des mesures de rigueur, encore renforcées l’an dernier. Là encore, ce sont les ménages qui supportent le gros de l’effort : réduction de 5 à 15% des salaires des fonctionnaires, réduction des allocations sociales, y compris pour les chômeurs…Et pour faire rentrer les recettes, une taxe carbone et une taxe sur l’eau (jusque ici gratuite) s’ajoutent à une hausse générale d’impôt sur le revenu. A noter que la rigueur ne s’impose pas aux entreprises, qui continuent de bénéficier d’un taux de 12,5% d’impôts sur les bénéfices…

Confronté à un déficit record de 9,4% du PIB en 2009, le Portugal a été présenté comme le second maillon faible après le krash grec. L’Etat a dû s’empresser de fournir des gages d’assainissement de ses finances publics. Même maux, mêmes remèdes : gel des salaires dans la fonction publique pendant quatre ans, suppression de certaines allocations…avec à la clé, un vaste plan de privatisations, dans les transports, l’énergie, les assurances ou la poste… Des efforts jugés insuffisants à en croire la décision de S&P de dégrader fin avril sa note souveraine. Lisbonne a donc promis, en début de semaine, d’aller encore plus loin, en reportant certains investissements publics majeurs comme la construction du nouvel aéroport de Lisbonne. Le parlement a par ailleurs approuvé la création d’une nouvelle tranche d’imposition à 45% pour les revenus supérieurs à plus de 150.000 euros ainsi que la taxation à 20% des plus-values boursières.

En Espagne, face à un déficit de 11,2% du PIB et un taux de chômage record de 20%, l’exécutif socialiste a engagé en début d’année un plan d’économie budgétaire de 50 milliards d’euros sur trois ans. Le refrain est le même : gel des embauches dans la fonction publique, baisse des indemnités de licenciement, report de l’âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans…Côté impôts : hausse de la TVA. Des efforts qui n’ont pas empêché, une fois de plus, S& P de dégrader la note du pays fin avril. Madrid a donc présenté dimanche des mesures additionnelles d’austérité pour un montant de 15 milliards d’euros. Enfin, José Luis Rodriguez Zapatero en a rajouté une couche mercredi en annonçant une baisse de 5% du salaires des fonctionnaires, alors que le chef du gouvernement jurait encore la veille qu’il ne franchirait jamais cette « ligne rouge ».

Ceux qui attendent encore de connaître l’étendue du programme

En France, l’austérité est entrée dans le débat politique en attendant de se concrétiser dans les actes. En mars, Fitch a maintenu son « AAA » mais a évoqué le risque d’une « dérive budgétaire », alors que le déficit a atteint 8,2% du PIB. François Fillon a annoncé le 6 mai le gel des dépenses d’Etat pour les trois prochaines années, une baisse de 10% des dépenses de fonctionnement et cinq milliards d’euros d’économies sur les niches fiscales. L’Etat veut également réduire de 10% sur 3 ans ses dépenses d’intervention. Pour autant, « on est loin d’un plan de rigueur », s’est il empressé de préciser. Car selon la définition du gouvernement, il n’y a rigueur que s’il y a hausse d’impôts…sauf que celle-ci semble, de l’avis de nombreux économistes, inéluctable, si le gouvernement compte sérieusement réduire le déficit de 5 points. D’autant que la croissance semble fragile, le PIB ayant quasiment stagné au premier trimestre…

Malgré une dette très lourde (118,4% du PIB), l’Italie a longtemps résisté à afficher des mesures de rigueur fortes. La politique budgétaire déjà mise en oeuvre a en effet permis de limiter la progression du déficit l’an dernier et l’Etat a même réussi à récupérer 5 milliards d’euros avec un bouclier fiscal permettant aux évadés fiscaux de rapatrier leurs capitaux… Mais l’Italie s’est à son tour retrouvée cette semaine dans la ligne de mire des marchés. Et le gouvernement de Silvio Berlusconi a reconnu qu’il devrait serrer le budget plus tôt que prévu, sans toutefois préciser la nature des mesures.

Au Royaume Uni, le nouveau gouvernement conservateur de David Cameron entend mettre fin à la hausse des cotisations sociales voulue par les travaillistes et indique « que des baisses de dépenses modestes, de l’ordre de 6 milliards de livres (7 milliards d’euros) sont possibles » sur l’année en cours. Les projets de réduction du déficit seront présentés lors d’un « budget d’urgence » qui se tiendra dans les 50 jours et une taxe spécifique sur les banques sera levée.

Ceux qui pourraient se contenter des efforts déjà annoncés

Ils sont jugés financièrement solides, mais eux aussi vont devoir se serrer la ceinture ou en tout cas revoir leurs ambitions à la baisse. Dès septembre dernier, les Pays-Bas avaient annoncé une réduction de 20% de leurs dépenses publiques à partir de 2011 pour économiser 40 milliards d’euros. Pays parmi les plus riches d’Europe, par tête d’habitant, le Luxembourg lui-même vient d’annoncer qu’il se mettait à la diète budgétaire, avec un gel des salaires des fonctionnaires pour les trois ans à venir et des hausses d’impôts. L’Allemagne, qui bénéficie toujours avec la France de la meilleure note pour emprunter sur les marchés, n’a pas de plan d’austérité mais devra sans doute renoncer à ses baisses d’impôts. Et la rigueur y frappe fort au niveau communal ou régional.

Source: L’Expansion

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