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Clearstream: les révélations du Journal du Dimanche, propriété du Groupe Lagardère, incitent le Procureur Marin à verser le "PV Lahoud" au dossier

Révélé samedi matin par le Journal du Dimanche (propriété, comme la radio Europe 1, du Groupe Lagardère), le « PV Lahoud » va officiellement faire son entrée dans le dossier Clearstream.

Selon Le Figaro, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, aurait décidé de transmettre dès la semaine prochaine à l’ensemble des parties du dossier Clearstream le procès verbal d’Imad Lahoud. Les déclarations de l’informaticien, prononcées le 9 décembre devant le juge d’Huy, seront cependant restées secrètes dix mois avant leur révélation.

Dans un procès-verbal jusque-là secret et révélé par le Journal du Dimanche dans son édition de samedi, Imad Lahoud reconnaîtrait avoir rajouté le nom de Nicolas Sarkozy, sous les noms de Nagy et Bocsa, « à la demande de Jean-Louis Gergorin ». « La cabale contre Nicolas Sarkozy était montée sous la connaissance de Dominique de Villepin », ajoute-t-il. « C’est ce que m’a dit Jean-Louis Gergorin… »

L’avocat de Dominique de Villepin, Me Olivier Metzner, répond dans un entretien paru dimanche toujours dans le JDD (et retranscrit dans ce billet) qu’il comptait « tirer toutes les conséquences de cette poursuite occulte de l’instruction, soit en procédure, soit sur le fond ». En effet, cette audition de Lahoud date du 9 décembre, soit 3 semaines après le renvoi de l’affaire Clearstream en correctionnelle, le 17 novembre. Elle a donc eu lieu « en dehors de la saisine » du juge d’Huy, dénonce Me Metzner, estimant par ailleurs « curieux de s’intéresser au témoignage d’un homme qui dit tout et son contraire ».

« Il est évident que l’on veut biaiser les débats qui vont s’ouvrir », indique Me Metzner, « on accuse M. de Villepin de manipulation, mais je me demande aujourd’hui qui manipule qui, dans la mesure où l’on cache des éléments à la défense avant l’ouverture du procès ».

La déposition d’Imad Lahoud le 9 décembre 2008

Ce 9 décembre 2008, soit plusieurs jours après la clôture officielle de l’enquête Cleastream fin novembre, l’informaticien Imad Lahoud était interrogé par le juge d’Huy, mais dans le cadre d’une autre affaire, la plainte d’EADS le visant pour escroquerie et abus de confiance: « Avez-vous effectué des choses illégales ou à la limite de la légalité… à la demande de Jean-Louis Gergorin? », questionne le juge d’Huy.

L’informaticien Imad Lahoud répond: « J’ai recopié sur une feuille Excel deux noms avec des comptes bancaires attachés qui se sont retrouvés dans les faux listings Clearstream. Je reconnais devant vous aujourd’hui l’avoir fait. »

Avant de s’expliquer: « J’ai fait ce travail à la demande de Jean-Louis Gergorin… J’ai en effet recopié en février ou mars 2004 des noms soit de Nagy Bocsa, soit de Bocsa Nagy, je ne souviens plus dans quel ordre. J’ai recopié ces deux noms sur une feuille Excel vierge avec 5 ou 6 colonnes, noms, pays, banque, numéro de compte, ouverture clôture… C’est Gergorin qui m’avait donné le modèle manuscrit et je n’ai fait que recopier sur une feuille Excel le modèle… », ajoute-t-il.

En clair, Lahoud s’accuse d’avoir confectionné la matrice informatique initiale de ce qui va devenir les faux comptes Clearstream, qui seront ensuite envoyés, de mai à octobre 2004 au juge Van Ruymbeke.

« Je savais que Jean-Louis Gergorin était en contact avec Dominique de Villepin et que la cabale contre Nicolas Sarkozy était montée sous la connaissance de Dominique de Villepin. C’est ce que m’a dit Jean-Louis Gergorin au moment où il m’a demandé de recopier le nom de Nagy et Bocsa sur cette feuille… », déclare Imad Lahoud selon les extraits de ce procès-verbal cités par le JDD, à deux semaines de l’ouverture du procès de l’affaire Clearstream devant le tribunal correctionnel de Paris.

D’après le JDD, ce procès-verbal a été « tenu secret jusque-là parce qu’il figure dans un autre dossier d’instruction » (sic!).

Ces déclarations, Imad Lahoud les répétera-t-il à l’identique à la barre du tribunal correctionnel ? Il n’en avait rien dit dans son livre Le Coupable idéal. Il n’en avait rien dit dans le cadre des 42 tomes de l’instruction Clearstream.

Cependant, le 26 novembre 2008, dans une interview au Point, Imad Lahoud avait déjà affirmé avoir lui-même ajouté le nom de Nicolas Sarkozy sur ces listings depuis le bureau d’Yves Bertrand, alors patron des RG, ce dernier annonçant aussitôt son intention de porter plainte.

« Lahoud est une énigme », résume un des avocats du dossier.

Le Procureur Marin aurait décidé de transmettre dès la semaine prochaine à l’ensemble des parties du dossier Clearstream le procès verbal d’Imad Lahoud

Selon Le Figaro, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, aurait décidé de transmettre dès la semaine prochaine à l’ensemble des parties du dossier Clearstream le procès verbal d’Imad Lahoud. Les déclarations de l’informaticien, prononcées le 9 décembre devant le juge d’Huy, seront restées secrètes dix mois avant leur révélation et dévoilées à une quinzaine de jours de l’ouverture du procès Clearstream.

Le parquet, qui était le seul à pouvoir prendre une telle initiative, veut éviter d’interminables incidents d’audience à l’ouverture même du procès tels que ceux qui avaient animé le procès de l’Angolagate en novembre dernier. Le débat avait alors porté sur les carnets noirs d’Yves Bertrand qui avaient été saisis lors d’une perquisition menée dans le dossier… Clearstream. Et ce n’est qu’après leur révélation dans la presse que le parquet avait décidé d’en transmettre une copie aux avocats présents dans le procès de l’Angolagate et qui n’avaient officiellement aucun moyen d’y avoir accès.

Si le parquet semble vouloir jouer la transparence en versant immédiatement au dossier Clearstream le procès verbal d’Imad Lahoud, la situation apparaît d’ores et déjà ubuesque et, selon plusieurs avocats, pourrait même menacer la tenue du procès.

Des questions sur la régularité de la procédure sont en effet posées : le 9 décembre 2008 quand le juge d’Huy entend Imad Lahoud, il l’interroge en effet sur une procédure distincte de Clearstream et il est officiellement déssaisi du dossier depuis qu’il a cosigné l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, quelques jours auparavant, le 17 novembre.

La question est donc de savoir ce que le magistrat instructeur aurait du faire au moment où Imad Lahoud proposait de parler de l’affaire Clearstream et d’y ajouter des « révélations au magistrat instructeur.

La réaction de Me Olivier Metzner, avocat de Dominique de Villepin (propos recueillis par Michel Deléan)

Le Journal du Dimanche: Comment réagissez-vous aux dépositions d’Imad Lahoud?

Me Olivier Metzner: Je constate d’abord que le juge d’instruction, qui s’était dessaisi du dossier Clearstream en novembre 2008, interroge Imad Lahoud le 9 décembre, en dehors de sa saisine. Il continue d’instruire à charge contre Dominique de Villepin. Cela survient après la parution, dans Le Point, d’accusations d’Imad Lahoud contre Yves Bertrand, mais le juge d’instruction n’est plus saisi de ces faits à ce moment-là. Et il n’informe pas, comme il a l’obligation de le faire, le président de la 11è chambre correctionnelle, qui est saisi du procès Clearstream.

Oui, mais sur le fond ?

Il est étrange de constater que le parquet de Paris, qui a nécessairement connaissance depuis plusieurs mois de ce nouveau document, évolue par la suite dans sa position concernant M. de Villepin. Il est, d’ailleurs, curieux de s’intéresser au témoignage d’un homme qui dit tout et son contraire. On accuse M. de Villepin de manipulation, mais je me demande aujourd’hui qui manipule qui, dans la mesure où l’on cache des éléments à la défense avant l’ouverture du procès.

Quelles conclusions en tirez-vous?

Nous tirerons toutes les conséquences de cette poursuite occulte de l’instruction, soit en procédure, soit sur le fond. Mais il est évident que l’on veut biaiser les débats qui vont s’ouvrir.

Sources: Le Figaro, Europe 1 et Le Journal du Dimanche

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