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Médiateurs, commissions : mais où est passé le gouvernement?

Médiateurs, commissions, émissaires spéciaux, missionnaires… L’Elysée nomme à tour de bras, rendant de plus en plus inaudibles, inexistants voire inutiles, la plupart des ministres.

Décryptage de cette méthode par une presse régionale, de plus en plus volontiers acide face à un système qui dilue le principe même de responsabilité politique.

Dans la crise actuelle, il existe un métier d’avenir : médiateur. Jusqu’à présent, la France comptait un médiateur, celui de la République Jean-Paul Delevoye en l’occurrence. Depuis quatre mois, l’Élysée les multiplie.

Médiateur du crédit (René Ricol) chargé de fluidifier les relations entre banques et entreprises. Médiatrice pour le statut des chercheurs (Claire Bazy-Malaurie) mandatée pour apaiser la grogne dans les labos. Médiateur pour l’Éducation (Richard Descoings). Quant à la Guadeloupe, elle valait bien deux médiateurs. Ces nominés viennent de la haute fonction publique : ils sont préfets, conseillers à la Cour des Comptes, universitaires. Ils ont pour eux des contacts, des connaissances, des compétences dans les domaines où ils doivent débloquer des situations.

Mais alors à quoi servent les ministres des Finances, de l’Education, de la recherche des Dom-Tom ? Et leurs conseillers, leurs administrations ?

En fait, les médiateurs sont avant tout des gens de confiance du Président et de ses conseillers. Ils complètent le vrai gouvernement de la France qui se trouve à l’Elysée : autour du Président. Stéphane Richard, rapatrié du groupe Véolia est le vrai ministre de l’économie et de la crise; le conseiller Raymond Soubie travaille en direct avec les syndicats sur les questions sociales, Henri Guaino dirige l’audiovisuel, Jean-Daniel Levitte les affaires étrangères. Le secrétaire général Claude Guéant s’occupe de tout le reste.

Dans ce court-circuitage du gouvernement, les émissaires évoluent dans la catégorie au dessous.

Dernier en date, Jack Lang vient d’être débauché à gauche pour révolutionner les relations avec Cuba. L’été dernier, Jean-Pierre Raffarin avait été désigné émissaire au rabibochage avec la Chine. Du temps de Cécilia, l’ex-Première dame s’occupait des affaires libyennes. (…)

Comme aux César, les catégories se multiplient ce qui permet de ne vexer personne.

Dans celle des missionnaires, on croise Philippe Séguin (grands stades), Michel Rocard qui réflechit sur le métier d’enseignant ou encore Simone Veil (elle a lâché en cours sa mission sur la Shoah), des transfuges du centre (Jean-Marie Cavada), d’anciens ministres Philippe Douste-Blazy (placé aux Nations unies), d’anciens journalistes, des battus des municipales…

Recyclage, récompenses, mauvais coups à l’opposition : les missions ne manquent pas d’utilité vis-à-vis des amis et des ennemis.

Les commissions permettent de jeter de l’huile sur le feu médiatique, de tester des réformes auprès des élus de son camp, d’agiter des propositions iconoclastes qui donnent une impression de mouvement. Que deviennent-elles ?

De la commission Attali sur la modernisation du pays, (suppression des départements, libéralisation des taxis), il ne reste rien. De la commission Balladur sur la réforme des collectivités, une ou deux propositions seront sauvées. Probablement l’idée d’un Grand-Paris, et de huit métropoles se substituant aux départements. (…)

Médiateurs, émissaires, missionnaires, commissionnaires : tout ce monde gravite autour de l’Elysée, communique sous son égide, met un peu plus sous l’éteignoir un gouvernement déjà très éclipsé par le Président.

Et le Premier ministre au fait ? Avec ses costumes noirs, l’ombrageux François Fillon est plus que jamais l’homme des mauvaises nouvelles et des petites mesures. Il a géré la Guadeloupe, il annonce les détails des grandes décisions (chantier de l’opéra de Paris), les reculs sur les décrets (recherche). Métier ingrat. Quand il aura terminé son mandat à Matignon, il pourra toujours devenir…médiateur.

Source: Pascal Jalabert (Le Progrès de Lyon)

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