Voici la deuxième partie de l’interview donnée la semaine dernière par Dominique de Villepin au Parisien.
L’ancien Premier Ministre évoque la situation à Gaza et réclame « l’engagement de la France » pour un règlement du conflit, avec comme priorité « deux Etats capables de vivre côte à côte »: Israël et la Palestine.
Il réaffirme aussi sa conviction que la vocation de la France est d’avoir un « un rôle de médiation à remplir, entre l’Est et l’Ouest, entre le Nord et le Sud ».
Le Parisien : Que vous inspire la situation à Gaza?
Dominique de Villepin: Nous sommes devant une urgence humanitaire. Chacun doit faire preuve de responsabilité sans quoi Israël risque d’obtenir le résultat inverse de celui souhaité avec une intensification et une radicalisation de la résistance palestinienne, ainsi qu’une extension du conflit. Le plan égyptien soutenu par la France doit être encouragé, comme tout ce qui peut favoriser l’unité palestinienne et la responsabilité des pays arabes. De ce point de vue, l’engagement de la France est nécessaire pour dépasser le clivage entre radicaux et modérés dans la région et mobiliser des pays comme l’Egypte, la Syrie, voire l’Iran.
Pour arriver à quoi?
D’abord à un cessez-le-feu rapide qui doit s’accompagner d’une sécurisation des frontières pour Israël. La contrepartie est non seulement l’ouverture de points de passage vers Gaza mais aussi une levée du blocus qui permettra à ce territoire de retrouver une vie normale. L’action diplomatique internationale doit se donner pour priorité un règlement du conflit, avec deux Etats capable de vivre côte à côte. Mais un Etat palestinien viable.
La diplomatie française au Proche-Orient est-elle équilibrée?
Ce n’est malheureusement pas la perception qu’on en a dans la région. La France a une voix spécifique qui doit être entendue. Nous devons être exigeants tant vis-à-vis d’Israël que des Palestiniens. La stratégie de marginalisation du Hamas n’a pas obtenu le but espéré et le refus de tout dialogue ne peut que le contonner dans une logique de refus. Il faut parler avec tout le monde et inciter chacun à prendre ses responsabilités, du Hamas au Hezbollah.
Ce n’est la volonté ni d’Israël ni des Américains…
La France est forte quand elle est indépendante. A cet égard, le retour programmé au sein de l’Otan dans les mois prochains me paraît extrêmement dommageable. Dans un monde global, où le Sud s’affirme de plus en plus, ce serait une erreur de rétrécir le champ de nos ambitions à la seule famille occidentale, et donc de s’aligner de facto sur les Etats-Unis.
Nous avons un rôle de médiation à remplir, entre l’Est et l’Ouest, entre le Nord et le Sud. C’est la garantie d’une influence française sur la scène internationale.
Nous sommes à un tournant au Moyen-Orient. Saisissons l’opportunité qui se présente avec l’arrivée de la nouvelle administration Obama pour poser les bases d’un véritable réglement du conflit israélo-palestinien et consolider la stabilité régionale du Proche-Orient à l’Afghanistan, en s’appuyant sur les peuples. Sinon nous prenons le risque de nouveaux embrasements.
A l’inverse de l’administration Bush, j’ai la conviction que c’est par la paix que nous pouvons enclencher un nouveau cercle vertueux au Moyen-Orient et non pas par la force.
Source: Philippe Martinat et Henri Vernet (Le Parisien) – Interview publiée le vendredi 9 janvier