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Dominique de Villepin, invité d'Arlette Chabot dans "A vous de juger" (3/3)

La fin du verbatim des interventions de Dominique de Villepin au cours de l’émission « A vous de juger », jeudi soir sur France 2…

Vous pouvez revoir l’émission en cliquant ici. La deuxième partie de l’émission, consacrée à la Tunisie, démarre après 1h33 minutes.

Sur la possibilité de l’émergence de partis islamistes en Tunisie

« Il y a plusieurs voies possibles. La voie marocaine, par exemple, qui accepte la participation d’un islamisme modéré. (…) La Jordanie aussi. Au sortir d’une révolution comme celle que vient d’opérer la Tunisie, enfin qui est en cours, plus le jeu politique sera ouvert, plus il cherchera à inclure des forces différentes et représentatives des aspirations et de la société tunisienne, plus ce processus a des chances d’aboutir.

Construire une démocratie, c’est effectivement, comme le rappelle Hubert Védrine, un processus long et difficile. Mettre en place les bases d’un Etat de droit, voilà un domaine où la France peut apporter son concours. C’est un domaine où l’Union Européenne a une expertise: c’est tout le travail d’apprentissage pour tous les pays entrants venus des pays de l’Est que nous avons fait avec eux. Alors il y a des spécificités au Maghreb et dans le monde arabe, mais néanmoins, il y a des coopérations que nous pouvons développer et je crois qu’il y a une offre à faire, un accompagnement. Il ne s’agit pas, du jour au lendemain, de dire: « nous allons prendre en main ceci et cela ». Ce n’est pas la démarche qui doit être la nôtre, mais cette force de proposition, cette ouverture et cette disponibilité, je crois, sont très importantes dans la phase tunisienne actuelle. (…)

Les islamistes sont très peu présents, ou même pas présents du tout, dans la définition de la révolution tunisienne. Les mosquées n’ont pas été le point de départ de l’agitation. »

Sur la transition démocratique en Tunisie

« Un élément majeur de la transition démocratique, c’est la capacité à régler les comptes du passé. L’Afrique du Sud a fait école, la Commission Vérité et Justice. Le Maroc est rentré dans ce processus, d’autres pays en Amérique Latine ont cherché à faire de même. C’est très important, en évitant les excès qui conduiraient à une chasse aux sorcières et à déstabiliser en profondeur la société tunisienne, mais c’est un processus d’une société, c’est un travail de la société sur elle-même qui, effectivement, sera essentiel à l’apaisement de la société tunisienne. »

Sur le risque de contagion à d’autres pays arabes

« Il y a des situations très différentes suivant les pays. Ceux qui disposent d’importantes richesses, qui ont une rente, la rente pétrolière algérienne: ils sont capables d’offrir à la société algérienne davantage et à très court terme. D’autres pays sont dans l’incapacité de redistribuer cette richesse de façon équitable. »

Sur l’émergence de la Chine

« Ils ont appris à faire des voitures, appris à faire des avions, appris à faire des trains à grande vitesse (…) et il nous les vendent aujourd’hui. (…) Et maintenant, ils inventent, ils font leurs propres produits. »

Sur la responsabilité des diplomaties française et européenne

« Notre diplomatie nationale a une immense responsabilité et elle doit être en initiative. Elle est un élément d’entraînement des positions européennes, mais elle doit être en pointe. Nous ne devons pas être à la remorque de la diplomatie européenne et d’ailleurs, nous voyons bien que cette diplomatie européenne, elle est entièrement à inventer. Elle n’existe pas. Nous avons, semble-t-il, une ministre des Affaires Européennes, Madame Ashton. (…) Ca reste très timide. Mais nous devons être en initiative et nous devons parler avec tout le monde. (…)

Donc une diplomatie française en mouvement, et n’ayant pas seulement, ne se cantonnant pas seulement à un dialogue et un tête-à-tête avec des Chefs d’Etat ou des Chefs de gouvernement. C’est en étant en relation surtout avec des pays qui ont des relations aussi anciennes comme la Tunisie, le Maroc, l’Algérie. Nous devons démultiplier nos relations avec l’ensemble de la société: les artistes, les intellectuels, l’ensemble des territoires. Nous voyons bien que les revendications en Tunisie sont parties des régions les plus pauvres. (…)

Et c’est notre responsabilité et ça, ça fait partie des interrogations et des questions qu’une diplomatie doit se poser. Elle doit être en permanence à s’interroger et elle doit être en mouvement. Ce que nous ne pouvons pas accepter, c’est une diplomatie à la traîne, somnolente et qui, dans le fond, vit dans le confort des chancelleries et dans les habitudes acquises. (…) Une diplomatie à l’écoute de toutes les forces et soucieuse en permanence de proposer, de faire avancer des idées qui permettent de dénouer les tensions internationales, régionales. »

Sur notre rôle vis-à-vis du Maghreb

« Regardez vis-à-vis du Maghreb: nous nous intéressons à chacun des Etats, nous avons des relations bilatérales. Le Maghreb en tant que tel n’est pensé par personne, alors même que le Maghreb, les pays du Maghreb font entre eux environ 1 et demi pour cent de leurs relations économiques. Il y a un manque à gagner inter-régional environ de 30 milliards d’euros par an, tout simplement parce que les relations économiques entre ces Etats n’existent pas. (…) La France pourrait être davantage en initiative. Il y a un conflit (le Sahara occidental) qui bloque les relations entre les différents Etats. Est-ce que la France n’a pas, là aussi, des responsabilités? Est-ce qu’il faut s’en remettre aux Américains pour être le conciliateur dans cette région du monde? »

Sur l’Afghanistan

« On gagnerait à se poser davantage de questions sur cette région plutôt que d’être enlisés et posés comme un éléphant sur un champ de tirs. »

Sur le livre de Patrick Rambaud: « Quatrième chronique du règne de Nicolas Ier »

« A lire absolument. Ca se lit gloutonnement ! »

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