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Dominique de Villepin, invité d'Arlette Chabot dans "A vous de juger" (2/3)

La suite du verbatim des interventions de Dominique de Villepin au cours de l’émission « A vous de juger », jeudi soir sur France 2…

Vous pouvez revoir l’émission en cliquant ici. La deuxième partie de l’émission, consacrée à la Tunisie, démarre après 1h33 minutes.

Sur les Droits de l’Homme

« Je pense qu’il y a une erreur qui est faite autour de la notion des Droits de l’Homme et qui conduit à une impasse. On fait des Droits de l’Homme une politique en soi. Les Droits de l’Homme, c’est un élément du message de la France, un élément d’une politique. Mais la meilleure façon de défendre les Droits de l’Homme, c’est de le faire à travers des propositions, une diplomatie en action et capable de marquer des points. Je prends un exemple: défendre et proposer une solution à des crises ouvertes, des crises humanitaires (crise rwandaise), une situation de guerre civile (la Côte d’Ivoire), c’est défendre une certaine idée du monde, une certaine idée humaniste de la société internationale et c’est donc illustrer la vocation qui est la nôtre. Défendre le principe de justice, défendre la recherche de la paix, défendre le dialogue entre les sociétés et les civilisations…

Donc l’idée que tout à coup, on oublie tout, on oublie nos intérêts, on oublie nos principes et on défend les Droits de l’Homme, effectivement, suscite un urticaire extrêmement profond chez les dirigeants à qui nous nous adressons, parce qu’à un moment donné, ils ont le sentiment qu’on les utilise à des fins médiatiques pour faire leur procès. Et donc souvent, c’est un élément d’exploitation politique. Et si l’on veut être efficace, il faut avoir une diversité, une gamme de moyens. Les Allemands le font relativement bien. Il faut être capable dans certains cas de le faire en tête-à-tête, si l’on sait que ça permet d’aboutir et de débloquer des situations individuelles, mais la meilleure façon, c’est non pas d’avoir un intermède Droits de l’Homme, c’est que toute notre diplomatie soit nourrie par cette obsession qui est celle de défendre nos principes de paix, de justice, d’un nouvel ordre international. Je crois que c’est davantage ça qui constitue l’essentiel du message de la France que de se faire donner bonne conscience, en ne choisissant pas le moment et les circonstances qui nous permettent d’être efficace sur cette politique. (…)

Sur la vocation de la diplomatie française

« Les Droits de l’Homme, c’est une partie d’un ensemble, mais qui doit être constamment une préoccupation et une question que se pose la diplomatie française. Ce qui n’est pas acceptable pour les Français d’une manière générale et pour moi non plus sur le plan diplomatique, ce qui n’est pas acceptable, c’est de s’installer dans le confort de certitudes et de justifier l’inacceptable. La France, c’est le pays qui doit se poser des questions, et ce que nous aimons dans le rôle de notre pays, c’est sa capacité à toujours être en pointe dans le renouvellement de ces questions, dans l’inquiétude, de le travail de conscience que nous faisons par rapport au monde. Donc nous n’avons pas à être contents, satisfaits, mais au contraire à accompagner un mouvement qui doit aller vers un ordre meilleur. »

Sur la situation en Côte d’Ivoire

« Je prends un exemple qui est celui de la Côte d’Ivoire aujourd’hui, qui nous interpelle: voilà un pays où il y a eu une élection présidentielle. Alassane Ouattara a été déclaré élu par la commission électorale. Et voilà un Président élu en Afrique qui n’est pas capable aujourd’hui de s’installer dans le fauteuil présidentiel. Qu’est-ce que peut faire la France pour encourager? Qu’est-ce que peut faire la communauté africaine, qu’est-ce que peut faire la communauté internationale? Parce que le scepticisme vis-à-vis de la démocratie, vis-à-vis des Droits de l’Homme se nourrit aussi de ce sentiment d’impuissance. Eh bien, nous avons toute une série de choses que nous pouvons faire. (…) C’est évidemment la France, en liaison avec les Etats d’Afrique de l’Ouest. (…) Il ne s’agit pas de faire preuve d’ingérence. (…)

J’aimerais montrer et illustrer ce que nous pouvons faire. On revient une seconde à la Côte d’Ivoire. Nous avons des leviers. Levier politique: quelle garantie donnons-nous au Président battu d’une sortie digne? Levier économique: nous savons qu’aujourd’hui, le régime en place de Laurent Gbagbo dispose des ressources, des recettes du cacao. Nous sommes dans la fin de la récolte et au cul des camions, cette récolte, elle est vendue dans l’aéroport qui est dans les mains du pouvoir en place ainsi qu’au port d’Abidjan. Troisièmement sur le plan financier, nous savons que les chèques signés par Laurent Gbagbo sont honorés par la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest, en contradiction avec ce qui a été décidé par la communauté régionale et internationale. Et enfin, nous savons qu’il y a un allié de choix en Afrique qui pèse Afrique pour maintenir Laurent Gbagbo en place, c’est l’Angola et nous savons que l’Angola a choisi en partie cette position du fait qu’elle est particulièrement heurtée d’avoir vu Pierre Falcone, diplomate en Angola, mis en accusation et en prison en France. C’est un élément du dispositif et on se rend compte à quel point c’est complexe de faire avancer un dossier, parce qu’il y a des ramifications, mais il y a des leviers. »

Sur l’absence d’initiatives de notre diplomatie

« La diplomatie, c’est d’arbitrer entre tous ces éléments et d’essayer, à partir de là, de faire avancer les choses. Ce que cela demande, c’est un engagement, et moi, ce qui m’inquiète, c’est de voir que la France aujourd’hui est parfois en retrait par rapport à ce qu’elle pourrait faire. Je pense qu’une diplomatie doit être en initiatives. Elle doit en permanence rechercher des solutions, proposer des pistes. Alors, évidemment dans certaines situations, il faut parfois le faire discrètement, mais oui, nous sommes en retrait par rapport à des territoires où historiquement nous étions présents. »

Sur le voyage de Roland Dumas et Jacques Vergès en Côte d’Ivoire

« Ce sont des démarches individuelles qui n’engagent pas la France et les Français. »

A suivre…

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