Dominique de Villepin au Space de Rennes, ce jeudi
Dans une interview de Dominique de Villepin au Télégramme à l’occasion de sa visite à Rennes, Dominique de Villepin évoque la surenchère sécuritaire du Président de la République, la crise économique, la réforme des retraites et la constitution d’un groupe de Républicains sociaux à l’Assemblée nationale.
Approuvez-vous les propos de la commissaire Viviane Reding à propos de la circulaire sur la fermeture des camps de Roms?
Cette circulaire était illégale et dangereuse. Dès lors qu’une communauté était ciblée sur une base ethnique, elle contrevenait à notre Droit. Il reste qu’après en avoir changé la lettre, il faut en modifier l’esprit.
Restez-vous hostile au discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy?
Ce discours, qui opère une distinction entre les citoyens français de souche et ceux d’origine étrangère est contraire à la Constitution, au principe d’égalité. Il participe d’une surenchère sécuritaire qui crée un écran de fumée. Certes, je fais partie de ceux qui sont inquiets de voir la sécurité se détériorer avec la multiplication des zones de non-droit. Mais la déchéance de la nationalité, ça concerne qui? Au maximum deux ou trois personnes par an. Ce n’est pas ça lutter contre l’insécurité. D’autant qu’au même moment on diminue les effectifs de la police.
Donc, vous rejoignez le discours de la gauche?
Je suis pragmatique. Il y a des moyens que l’on veut opposer mais qui sont complémentaires. Vidéosurveillance, police technique et scientifique, d’un côté. Et de l’autre, police de proximité que j’appelle police de tranquillité publique. Il ne faut pas les opposer, même s’il faut tirer les leçons de la gauche. Et en particulier que cette police soit là et aux heures où on en a vraiment besoin. Enfin, il faut mobiliser tous les moyens d’éducation, de prévention et de répression.
Vous semblez critiquer le manque de résultats de la politique économique du gouvernement?
Il est très important de regarder la réalité en face. Or, la politique menée ne permet pas d’obtenir des résultats. On ne peut pas attendre que la croissance revienne. Plusieurs pays comme l’Allemagne ont réorganisé leur production vers les pays émergents. Nous restons les bras croisés. Or, il faut une grande politique industrielle répartissant mieux les tâches avec l’Allemagne, notamment dans le domaine de l’énergie. Au plan nucléaire, on a ainsi laissé les Allemands s’éloigner vers les Russes.
Approuvez-vous la réforme des retraites?
La réforme était nécessaire, mais il faut trouver le bon compromis. Sur le premier seuil de l’âge légal (repoussé de 60 à 62 ans), j’aurais préféré que l’on prenne en compte les annuités. Mais qu’au moins sur le second seuil (de 65 à 67 ans), le gouvernement choisisse une autre direction. On sait bien que cette réforme, a minima, sera fragile puisqu’elle ne couvre pas tous les moyens de financement. Et qu’elle risque ainsi de faire le jeu de la retraite par capitalisation. Il faut donc avoir l’ambition d’une grande réforme de société et pas seulement pour des raisons comptables.
Allez-vous réussir à constituer un groupe parlementaire avec le MoDem? François Bayrou semble réticent.
Je ne suis le concurrent de personne, je ne suis que pour le rassemblement. Nous avons une concertation technique avec une quinzaine de députés. Mais je suis frappé de voir que, des gaullistes aux démocrates chrétiens, plusieurs familles politiques sont inquiètes. Une grande partie de l’énergie politique de ce pays est en effet capturée par les affaires. Elle serait mieux utilisée au service des Français. Mais on s’est trop éloigné des principes, ce qui fragilise notre pacte républicain. Il y a des atteintes au secret de l’instruction, à l’impartialité de l’État, au secret des sources. On voit se reconstituer une bulle politique sur fond de pagaille. En tant que gaullistes, on ne peut accepter que la chienlit s’installe au sommet de l’État.
Source: Le Télégramme (propos recueillis par Hubert Coudurier)