Elections régionales, réforme des retraites, équilibre des institutions, ambitions personnelles : Dominique de Villepin fait le point dans une interview au Parisien dimanche.
Il estime que la France a besoin d’un premier ministre et d’un gouvernement plus forts pour faire face à la crise économique et à ses conséquences, déclare que « nous avons devant nous une dizaine d’années difficiles » et espère que les élections régionales de mars seront suivies d’ »une nouvelle impulsion politique ».
Dans ce billet, le texte intégral de l’interview de Dominique de Villepin au Parisien Dimanche.
Le Parisien: Marie-Luce Penchard, la secrétaire d’Etat à l’Outre-mer et candidate aux régionales en Guadeloupe, a dit aux Antilles qu’elle représentait un territoire, la Guadeloupe. Est-ce une gaffe ou un dévoiement de la conception de la politique ?
Dominique de Villepin: On ne peut que regretter une telle déclaration. Je veux croire qu’il s’agit d’un simple dérapage. Mais en tout état de cause, il ne peut y avoir de concurrence entre le service de l’intérêt général outre-mer et l’attachement, aussi respectable soit-il, à un territoire.
Un ministre ne devrait pas être candidat aux élections régionales ?
Je me pose la question. Dans une telle période de crise, on doit concentrer son énergie et ne pas donner le sentiment de courir plusieurs lièvres à la fois.
Vous avez évoqué ce sujet avec votre ami Bruno Le Maire, qui est ministre de l’Agriculture et chef de file de la majorité en Haute-Normandie ?
Non. Il fait partie de ces esprits bien organisés, capables de relever d’importants défis. Mais nous avons devant nous une dizaine d’années difficiles et je souhaiterais que les responsables politiques puissent réfléchir sur leur mission et, plus que jamais, sur leur devoir d’exemplarité. Dans ce contexte, se concentrer entièrement sur la vie ministérielle aurait été un message bienvenu.
Sur la réforme des retraites, la méthode employée vous paraît-elle la bonne ?
Les signaux envoyés à l’ouverture des négociations ont été de bons signaux. Le refus du passage en force, le souci de se donner un calendrier qui permette à la concertation de s’établir et la volonté de mettre sur la table l’ensemble des sujets me paraissent nécessaires. Mais il y a un préalable à tout cela : l’exigence de justice sociale est partagée par tous les Français. Elle doit nous conduire à faire des gestes forts en direction des Français pour montrer que l’effort sera justement réparti.
Quel genre de gestes ?
J’ai proposé depuis de longs mois de suspendre le bouclier fiscal, voire de créer à titre temporaire une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu. Sur les retraites, il faut satisfaire à une exigence d’efficacité et une exigence d’équité. Faire porter la réforme sur les salaires serait une erreur car cela pèserait encore davantage sur la compétitivité française. Une réforme globale est très importante : nos compatriotes sont inquiets du fait de trop d’opacité et de complexité. C’est l’occasion de clarifier et de simplifier.
La droite est-elle condamnée à prendre une claque aux régionales ?
Les choses sont difficiles pour la majorité. Mais il est important de rappeler que ce sont des élections régionales, et pas nationales. Il faut donc accorder la priorité à cet enjeu. La majorité a des candidats de grande qualité, Bruno Le Maire en Haute-Normandie ou Valérie Pécresse en Ile-de-France pour ne citer que deux personnalités avec qui j’ai eu l’occasion de travailler personnellement.
Quelles leçons faudra-t-il tirer de ces régionales ?
Ce sera la dernière élection avant la fin du quinquennat. On peut espérer que s’ouvrira alors une période qui marquera une nouvelle impulsion politique. Il me paraît essentiel de saisir cette occasion pour se concentrer sur les grandes priorités de l’action. D’abord, revenir aux fondamentaux de notre pays : le sens de la République, de l’Etat, de la nation. Il y a eu la tentation, dans les premières années du quinquennat, d’imposer sa marque, d’effacer ce qui avait été fait précédemment , au risque de brouiller les repères . Revenir à l’essentiel, c’est d’abord rechercher un bon équilibre institutionnel. Sinon, l’efficacité même de l’action publique s’en trouve affectée. Un bon équilibre institutionnel, c’est un Premier ministre et un gouvernement plus forts, car nous avons besoin d’engagement et d’initiative. Dans la crise, il ne suffit pas d’avoir un président actif.
Ce peut-être ce Premier ministre ou faut-il en changer ?
Je ne veux pas personnaliser le débat. Le deuxième élément, c’est de réaffirmer très fortement l’exigence de justice sociale : dans la période très dure qui s’ouvre, il faut que ce signal fort soit envoyé si nous voulons que le pacte social soit raffermi. Troisièmement, il faut tirer les conséquences en matière de réformes. La politique de réformes tous azimuts, l’éparpillement qui conduit souvent à des demi-réformes, n’est pas la solution. Mieux vaudrait dire clairement aux Français les quelques grands sujets qui vont mobiliser le pays jusqu’aux prochaines élections. Cela veut dire définir des priorités.
Lesquelles ?
A mon sens il y en a trois grandes : l’emploi, la compétitivité et la lutte contre le déficit et l’endettement. Il faut faire en sorte que ces deux années qui sont devant nous ne soient pas gâchées. On a vu au cours des derniers mois ce que nous risquons de connaître : une polémique a succédé à une autre polémique, un mauvais débat a succédé à un faux débat. Il faut rebattre les cartes pour repartir avec de meilleurs atouts.
Pour qu’il y ait moins de polémiques, il faut aussi rassembler la famille de droite…
L’exigence de rassemblement suppose des gestes forts, de laisser de côté les querelles personnelles et d’être capable de privilégier l’intérêt général sur l’ensemble des sujets.
Attendez-vous un geste fort du président de la République envers vous-même ?
Ne réduisons pas la vie politique à des questions de personnes. Je pense surtout à un autre état d’esprit entre les forces politiques du pays, et d’abord entre la droite et la gauche. Je veux croire que sur les retraites on peut y arriver.
Vous avez fait votre choix pour votre vote aux régionales ?
Je suis fidèle, comme je l’ai toujours été, à mon engagement politique, et je continuerai à l’être. Les initiatives que j’ai prises et que je prendrai se situent très clairement dans la défense d’une tradition gaulliste, républicaine, sociale, soucieuse de l’indépendance nationale. J’ai le souci de faire vivre cette exigence politique. Et quand je veux défendre l’idée d’une alternative à la politique menée, c’est parce que j’ai conscience des limites de cette politique, de l’insuffisance des résultats. C’est parce que je crois que les Français attendent davantage que je veux renouveler cette offre politique.
Vous bénéficiez d’une belle cote de popularité auprès des Français…
L’intérêt général de notre pays est la seule chose qui me guide et je pense que les Français le comprennent.
Auriez-vous les moyens partisans, logistiques, financiers de vous lancer dans une campagne ?
L’histoire prouve que lorsqu’on a quelque chose à dire, on se fait entendre. C’est sans doute rassurant pour certains d’imaginer qu’il faut beaucoup, beaucoup d’argent et un très grand parti pour faire de la politique en France. Je n’en suis moi-même pas du tout convaincu. Il faut être déterminé, pleinement engagé et avoir chevillé au corps le service de son pays.
Source: Propos recueillis par Nathalie Segaunes et Henri Vernet (Le Parisien)
La dépêche de l’Agence France Presse
Dominique de Villepin estime que tout « rassemblement » à droite suppose des « gestes forts » et de « laisser de côté les querelles personnelles », dans un entretien au Parisien dimanche.
« L’exigence de rassemblement suppose des gestes forts, de laisser de côté les querelles personnelles et d’être capable de privilégier l’intérêt général sur
l’ensemble des sujets », souligne l’ancien Premier ministre.
M. de Villepin, qui sera « fidèle à (son) engagement politique » en votant aux régionales, estime qu’après ce scrutin, il faudra « rebattre les cartes pour repartir avec de meilleurs atouts » et tourner la page de ces « derniers mois » où « une polémique a succédé à une autre polémique, un mauvais débat a succédé à un faux débat ».
Pour que les deux années d’ici la présidentielle de 2012 « ne soient pas gâchées », il faut, selon lui, arrêter « la politique de réformes tous azimuts » et « l’éparpillement qui conduit souvent à des demi-réformes » mais « réaffirmer très fortement l’exigence de justice sociale » et se concentrer sur « trois grandes » priorités: emploi, compétitivité et lutte contre l’endettement.
Dominique de Villepin invite aussi son grand rival Nicolas Sarkozy à revenir « aux fondamentaux » que sont « le sens de la République, de l’Etat, de la nation » en recherchant « un bon équilibre institutionnel ». « Dans la crise, il ne suffit pas d’avoir un président actif », martèle-t-il.
Interrogé sur le fait de savoir s’il aura, le cas échéant, les moyens logistiques et financiers suffisants pour mener une campagne présidentielle, il répond : « l’Histoire prouve que lorsqu’on a quelque chose à dire, on se fait entendre ».
« C’est sans doute rassurant pour certains d’imaginer qu’il faut beaucoup, beaucoup d’argent et un très grand parti pour faire de la politique en France. Je n’en suis moi-même pas du tout convaincu », ajoute M. de Villepin.
Source: Agence France Presse