Photo Ana Jiménez (La Vanguardia)
L’ancien Premier ministre français se trouve à Barcelone, où il collabore avec le cabinet Europeu d’Assessorament. A 56 ans, il agite un drapeau qui paraissait disparu: celui du gaullisme social.
Traduction de l’interview donnée par Dominique de Villepin au quotidien catalan La Vanguardia…
Innocenté par les tribunaux d’avoir conspiré contre Sarkozy dans l‘affaire Clearstream, le Ministre qui s’est opposé à l’invasion de l’Irak aux Nations Unies, l’ancien Premier Ministre Dominique de Villepin, est réapparu. Il revient de Bretagne, où (à la manière de son mentor, l’ancien Président Chirac) il est allé à la rencontre des Français. Cela rappelle le premier Chirac, celui qui a gagné un duel fratricide contre Balladur et s’est imposé ensuite face au socialiste Jospin en 1995. Il est à Barcelone (il collabore avec le cabinet Europeu d’Assessorament) et dans la langue castillane qu’il a apprise au Vénézuela où il a vécu jusqu’à l’âge de 14 ans – il en a maintenant 56), il agite un drapeau qui paraissait disparu: celui du gaullisme social. Il suggère à La Vanguardia qu’il sera candidat à l’Elysée en 2012.
La Vanguardia: Votre bain de foule en Bretagne laisse penser que vous serez candidat en 2012. C’est bien le cas?
Dominique de Villepin: Ce que je souhaite, c’est offrir un pôle d’alternative à la politique française. Nous n’avons pas réfléchi suffisamment sur la façon de sortir de la crise et c’est la raison pour laquelle il est très important d’arriver à un accord entre toutes les force politiques sur deux ou trois thèmes, pas beaucoup plus: l’emploi (il y a des banlieues où le chômage atteint les 40%), la compétitivité et la lutte contre la dette.
J’en déduis que cela n’est pas le cas
Le gouvernement a été obsédé par la réforme, de sorte que beaucoup de Français ont aujourd’hui le sentiment que nous réformons pour réformer. Par malheur, lors des deux dernières années et demi (Sarkozy est Président depuis 2007), la France a oublié que la justice sociale était un prérequis. Quand il y a des gens qui souffrent, on ne peut pas avancer sans davantage de justice sociale. On ne peut pas gouverner en période de crise de la même façon que lorsque la croissance est forte.
Personne ne porte le drapeau de la justice sociale qui est tellement associé à l’histoire de France. Le Parti socialiste français est dans une situation…
… difficile. Les socialistes sont très divisés sur des questions de personnes, bien que ceci se dissipera lorsqu’approcheront les élections présidentielles.
Dans le paysage politique, vous apparaissez clairement comme un rival électoral de Sarkozy pour 2012. Vous irez jusqu’au bout?
J’appartiens à cette tradition gaulliste, républicaine, sociale qui aujourd’hui, c’est vrai, n’est pas très satisfaite de la politique qui est menée et qui pense qu’il faut revenir aux fondamentaux. Il faut que nous soyons fidèles à ce que nous sommes et à ce qu’est la France, un retour à ce qui constitue l’esprit de la République. Nous avons déjà vu que le débat sur l’identité nationale a été une folie parce qu’il divisait en mélangeant identité nationale et immigration.
Clore ces polémiques inutiles nécessite la conjonction de deux éléments: la justice sociale et le retour à un équilibre des institutions.
Selon vous, Sarkozy a modifié cet équilibre?
La Constitution de 1958 institue un Président capable d’avoir la sagesse de se poser en arbitre et d’instaurer un dialogue direct avec le peuple, avec un gouvernement qui est à la pointe de l’action. Il est certain que la crise impose également que le Président soit en pointe, mais un Président en pointe ne signifie pas un Président mêlé à toutes les polémiques quotidiennes. Il paraît aujourd’hui nécessaire de revenir à une définition plus claire et traditionnelle de nos institutions. L’Etat a toujours tenu en France un rôle important (il a précédé la Nation). Sans un Premier Ministre fort, l’Etat ne répond pas et c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui.
L’Etat ne peut donner le meilleur de lui s’il a le sentiment d’être dévalorisé.
L’idée que c’est cela le problème, que l’Etat continue d’être le problème n’est pas juste. L’Etat est plus nécessaire que jamais. La décision, par exemple, de supprimer un fonctionnaire sur deux est une mauvaise idée.
Source: J. Luna / G. Saura (La Vanguardia)