Feu ! « Victime » de Sarkozy, l’ancien Premier ministre est en campagne.
« J’ai toujours servi l’Etat, j’aime la France et les Français. Je revendique de ne pas être un professionnel de la politique. Si j’étais un jour candidat à l’élection présidentielle, je serais un candidat citoyen », déclare-t-il au Point.
Son indignation, Villepin l’a jetée à la face de Sarkozy, sur RMC puis Canal +, le jour où Jean-Claude Marin a annoncé que le parquet interjetait appel de sa relaxe. Et maintenant, chut ! « Je ne veux plus parler de ce dossier. Le silence est d’or », assure au Point ce grand bavard qui invite chacun à se reporter au jugement.
C’est peu dire qu’il ne s’attendait pas à l’appel. Il veut y voir une nouvelle preuve de la peur, presque irrationnelle, qu’il inspire au chef de l’Etat. Et qui le grandit du même coup, lui, Villepin. « Dites-moi ce que cet homme a fait, à part être l’accusé d’un procès retentissant et avoir prononcé un beau discours à l’Onu ! brocardait Jean-Luc Mélenchon, en marge du débat organisé à Sciences po. Il peut dire merci à Sarkozy ! » Ce dernier offre à son meilleur ennemi le loisir d’être une victime de plus en plus convaincante. A la fin de sa première prise de parole fusent des « bravos ». C’est le moment choisi par un commando chapeauté d’Action discrète, les humoristes de Canal +, pour se précipiter sur l’estrade et baiser les pieds de Villepin. « Jusqu’à la mort, nous suivrons ton panache poivre et sel ! Tous ensemble, boutons le nain hors de France ! » Villepin goûte-t-il la plaisanterie ? A moins qu’il ne l’ait prise au pied de la lettre… C’est le risque, avec lui. Il est tellement sérieux.
Destin
Il vit cette nouvelle épreuve judiciaire, ce « croche-patte », selon son mot, comme une haie supplémentaire dressée sur le chemin de son destin… dont il commence à croire qu’il sera politique. L’ « acharnement » de Sarkozy à son encontre l’aide à faire le deuil de sa tentation de jouer les poètes maudits. Plus Sarkozy cherchera à l’entraver, plus grande sera sa détermination à le combattre sur son terrain, la politique.
Lundi 1er février, 10 h 30, de méchants flocons commencent de tourbillonner sur Paris. Dominique de Villepin soupire. Il regrette que les crachats glacés des dieux aient épargné, plus tôt dans la matinée, son jogging quotidien. « J’adore courir sous la neige, sans bonnet, ça picote les yeux, c’est comme le sable dans le désert… » Défier les éléments, il n’y a que ça de vrai, de viril. L’ancien Premier ministre a décidé de ne plus parler de son cher rival, Nicolas Sarkozy, de ne plus commenter les rebondissements insensés de cette affaire Clearstream.
Il faut le voir, quelques heures après les flocons, traverser le hall de Sciences po – où il vient participer à une conférence sur l’Afghanistan -, sans le moindre mot à destination de la forêt de caméras désappointées d’avoir fait le déplacement pour rien. Rien d’autre que recueillir les sourires altiers que l’opposant du président distribue par-dessus son écharpe vert sapin.
Son objectif, désormais : s’efforcer de démontrer aux Français que la haine n’est pas réciproque. « Je n’ai pas de haine, il ne la mérite même pas ! harangue-t-il ses amis. Je ne veux pas me laisser salir par cette façon-là de faire de la politique. » Il regarde les récentes enquêtes d’opinion avec délice, et notamment le sondage BVA pour M6, selon lequel 49 % des Français souhaitent qu’il se présente en 2012. « J’ai toujours servi l’Etat, j’aime la France et les Français. Je revendique de ne pas être un professionnel de la politique, nous déclarait-il sitôt après avoir eu connaissance de l’appel, avant de s’astreindre au silence. Si j’étais un jour candidat à l’élection présidentielle, je serais un candidat citoyen. » Une presque annonce…
Villepin est en campagne. Quand, au terme de la conférence, des étudiants l’invitent à prendre une « petite bière » au Basile, le café d’en face, il hésite à peine. Au comptoir, il trinque, disserte. Mais ne prononce pas le nom de Sarkozy. Les jeunes gens non plus. « Il faut en faire beaucoup, des soirées comme ça ! » l’encourage le député Jean-Pierre Grand en le raccompagnant à sa voiture. Villepin est galvanisé : « Et en plus, c’est facile ! »
Source: Anna Cabana (Le Point)