Print Shortlink

"Villepin. La Verticale du fou", d'Anna Cabana : Dominique de Villepin intime

Drôle de livre qui agace autant qu’il accroche. Le plus simple est peut-être de le définir par ce qu’il n’est pas. Villepin. La Verticale du fou n’a aucune des qualités, et partant, aucun des défauts des portraits-enquêtes que les journalistes politiques consacrent régulièrement à leurs interlocuteurs.

Dans sa construction, son rythme et son ton, il ne se veut ni pamphlétaire, ni hagiographique, ni distancé. Qu’est-ce donc ?

Le fruit de conversations serties dans ce temps singulier que fut, pour le prévenu de l’affaire Clearstream, l’automne 2009 et ancrées dans une connaissance solide des moeurs et des acteurs du pouvoir par l’une de ses observatrices affûtées, journaliste au Point.

Le tout donne un portrait tendu, doublement narcissique. Comme une course-poursuite entre l’auteur et le modèle, autant flatté de cette curiosité que convaincu de sa capacité à lui échapper.

« Villepin a besoin de croire que personne ne peut le comprendre », relève Anna Cabana dès les premières pages. Pour le prouver, il écrit « trop, toujours plus abscons, comme on dresse des murailles entre soi et les autres ». Il parle aussi beaucoup, tout le temps.

« Quand enfin on le quitte (…), on se rend compte qu’il a surtout surchargé l’air de mots », dit-elle.

De cet amas de phrases dites et écrites, de la surcharge de références littéraires et historiques dans laquelle l’ancien premier ministre l’entraîne, Anna Cabana fait son miel.

Au fond, ajoute l’auteur, c’est en parlant des autres que Dominique de Villepin se dévoile le plus. De Rimbaud ou d’Apollinaire, dont il convoquait le souvenir, pour « venir au secours de sa rage, de sa honte » d’être assis sur le banc des prévenus. Des femmes « et de son refus de faire comme tous ces hommes que les femmes entêtent ». Quand il dresse le portrait bien évidemment cruel de Nicolas Sarkozy – « Il n’a pas l’étoffe d’un homme d’Etat parce qu’il n’a pas de labyrinthe intérieur », dit-il – mais aussi, et de manière plus inattendue, lorsque ses flèches tombent sur Alain Juppé qui « a passé trop de temps à regarder en arrière et à s’attarder sur soi », ou encore sur l’ancien président de la République Jacques Chirac, dont Dominique de Villepin feint – mal – de ne pas souffrir de son silence.

Anna Cabana analyse, « psychologise » parfois à outrance, mais on ne lâche pas cette cambrioleuse d’intimité qui essaie, une à une, les clés qu’on rechigne à lui confier.

VILLEPIN. LA VERTICALE DU FOU d’Anna Cabana. Flammarion, 192 p., 16 €.

Source: Pascale Robert-Diard (Le Monde)

Ecrire un Commentaire