Chaque dimanche, retrouvez en exclusivité sur ce blog le feuilleton de l’été: Le nouveau Président, écrit par Denis Bonzy du blog Exprimeo.
Septième épisode, ce dimanche 23 août: Premier débat public contradictoire en Région : Bordeaux
Mercredi 4 janvier 2012, à 11 heures, comme convenu la veille au soir, débute la réunion sur « l’état de l’opinion ». En début de séance avec l’état major de campagne et ce en l’absence de Dominique de Villepin, le prestataire regrette que l’équipe de DdV ne fasse pas plus souvent appel à de tels services. A l’appui d’une argumentation commerciale d’ailleurs assez maladroite, il indique qu’un autre candidat a mis en place la technique dite du tracking poll. Chaque soir, un échantillon représentatif est interrogé sur les évènements de la journée et plus particulièrement sur les temps forts de la campagne.
Cette méthode permet de progresser dans la connaissance de l’opinion comme devrait le démontrer la séance de travail…
Pour la première fois, l’équipe de Dominique de Villepin avait en effet accepté la proposition de mise en place d’un groupe qualitatif. Le spécialiste fait une présentation synthétique de son appréciation recueillie sur la base de la retransmission télévisée du meeting du 3 janvier. Selon lui, le tableau actualisé de l’opinion peut être résumé en 5 repères.
Premier repère : poussée de «l’opposition décidée»
Depuis quelques semaines déjà, la «gauche doctrinaire» et la «gauche tendre» commencent à se retrouver. Ce sont les deux groupes les plus décidés à «tourner la page» pour des raisons différentes. Leur agressivité augmente. Par conséquent, leur mobilisation devrait être forte. La «gauche doctrinaire» veut reconquérir des acquis sociaux jugés menacés. Mais surtout, elle est allergique au tempérament même du Chef d’Etat sortant. La «gauche tendre» accepte des concessions à la mondialisation. Elle est mobilisée par la personnalité nouvelle du candidat PS, jeune, non sectaire, rassurant.
Par souci d’efficacité politique, la « gauche doctrinaire » devrait rejoindre la « gauche tendre » et le score du PS devrait donc être élevé au premier tour. L’expert annonce même que, si cette tendance devait se confirmer, il n’est plus possible d’exclure des retraits de candidatures satellites appelées à subir un tassement exceptionnel probable dans les toutes dernières semaines avant le vote.
Deuxième repère : les «débranchés» sont encore dans les gradins
L’électorat abstentionniste n’est pas encore entré dans le jeu. Cet électorat très hétérogène attend des propositions simples, concrètes. Pour le moment, une part importante est toujours décidée à bouder.
Il est vrai que la crise a considérablement renforcé le sentiment général que la politique tournait à vide. La tension internationale est très forte. Les Etats-Unis ne peuvent plus assumer leur fonction de « gendarme du monde » devant la profusion des foyers de guerres ou de tensions. Les primaires sont engagées pour le scrutin de novembre. L’économie « post-crise » traîne un cortège sans précédent de chômeurs si bien que l’économie nouvelle semble être celle de la crise permanente. Les finances publiques Françaises croulent sous l’endettement qui impose désormais des révisions déchirantes de pans entiers d’actions traditionnelles. Tout cet environnement a conduit à un « sauve qui peut » individuel qui a impacté tout particulièrement les abstentionnistes habituels.
Troisième repère : la droite rigoriste est mobilisée
Le Président sortant peut compter sur une fidélisation forte des seniors et des hauts CSP (catégories socio-professionnelles) qui constituent son socle décisif. Ses qualités majeures reconnues sont l’énergie et la détermination. Auprès de cette catégorie, Dominique de Villepin se voit reconnaître les qualités d’un présidentiable mais il n’est pas le premier choix.
Le Président sortant a deux points fragiles auprès de ce noyau dur électoral. D’une part, le comportement privé agace une part importante de cet électorat conservateur qui vit souvent certains actes comme des provocations. Même si la page du premier semestre après la victoire de 2007 a été tournée, la vie privée du Chef d’Etat est encore perçue comme trop exposée, trop people … même si des modifications importantes ont été apportées. D’autre part, le traitement de la crise suscite des appréciations très nuancées. Le bilan du Chef d’Etat est dominé par le jugement selon lequel les annonces ont dominé la réalité de la réforme au quotidien. Le pays n’a pas connu de réforme majeure. Les finances publiques ont enregistré une détérioration historique. Les volets positifs des actions conduites semblent donc fragiles.
Quatrième repère : la droite douce n’est pas fixée
En préalable, l’expert veille à distinguer la droite rigoriste de la droite douce. La première est âgée, aisée, repliée sur des valeurs traditionnelles qui sont ses refuges incontournables : sécurité, mérite, indépendance nationale … Quant à la droite douce, elle est plus jeune (35 à 50 ans). Elle concerne des cadres davantage que des chefs d’entreprises. Ces cadres sont engagés dans des métiers qui vivent des changements incontournables. Ils s’estiment des «survivants» dans leur vie professionnelle. Ils attendent du réalisme et un léger «filet de sécurité» dans la vie publique pour traverser les gros accidents éventuels mais ils sont éloignés de la logique de l’Etat providence. A un moment donné, ils ont constitué une partie des bataillons du Modem en 2007. Puis, ils sont partis dans des engagements très différents car le leader du Modem ne leur donnait pas le leadership digne d’un Chef d’Etat et semblait accorder trop de place à des considérations de simple ambition personnelle.
Cette « droite douce » est à droite par efficacité plus que par croyance, par pragmatisme et non pas par respect de principes inflexibles.
A cette étape de la campagne, cet électorat est très flottant. Il est tiraillé entre plusieurs offres. S’il rejoint le PS, l’élection deviendra très difficile pour la droite dans son ensemble car la mobilisation de la «gauche doctrinaire» étant assurée, elle autorise donc une campagne plus modérée susceptible de draguer efficacement cet électorat décisif.
Cinquième repère : réveiller la «ruche endormie»
Le spécialiste en vient alors à l’essentiel pour l’équipe de Dominique de Villepin. Les points positifs sont de deux ordres : la qualité de présidentiable lui est reconnue à un taux très élevé et la qualité de rassembleur est forte puisque DdV intervient souvent en bonne position de « second choix » dans des électorats divers. Mais, et c’est une précision qui compte, il doit «réveiller la ruche endormie».
Un écart élevé existe entre le potentiel théorique de DdV et son expression dans le premier tour de scrutin car une «fatalité» en faveur du «vote utile» pour le Président sortant est installée dans cet électorat qui compose «la majorité silencieuse».
DdV doit donc faire une priorité absolue et immédiate que de donner de l’existence à des facteurs de clivages pour mobiliser son potentiel théorique et le convaincre de sa valeur ajoutée spécifique. Or, le meeting d’hier soir montre, si besoin était, que cet électorat n’a pas encore trouvé les facteurs du clivage nécessaire. Au cours des deux dernières années, l’opinion a bougé concernant l’image de DdV. Ses propositions précises dans des circonstances de crises lui ont progressivement permis d’acquérir un statut de recours. En 2011, il a mené une campagne « l’avenir des uns est aussi l’avenir des autres » qui a laissé des traces très positives dans sa capacité à rassembler en vue d’une ambition collective commune.
Mais il faut franchir une ultime nouvelle étape. Par conséquent, l’enjeu des débats publics contradictoires est déterminant. Il faut établir des repères concrets pour «cliver» ce corps électoral. Il faut s’adresser à la majorité silencieuse qui est prête à voter et qui sacralise le choix présidentiel. Cette majorité silencieuse est toujours en attente de clarification ultime sur deux points : qui est le «vrai Dominique de Villepin» ? En quoi offre-t-il un profil mieux adapté aux circonstances que celui de Sarkozy ?
Cette présentation des strates sociologiques de l’électorat suscite des débats immédiats. Certes des nuances existent. Mais assez rapidement un accord se dégage sur ces bases. Il est donc convenu de préparer le premier débat public contradictoire en forçant le trait sur des propositions très concrètes su
r la vie de tous les jours dans des circonstances qui exigent une autre direction que celle engagée ou subie par le pouvoir sortant.
Enfin le 1er débat public contradictoire
Mardi 24 janvier 2012, il pleut sur Bordeaux. Depuis plusieurs jours déjà, cette très belle ville est parcourue par une émotion particulière. Elle accueille le premier débat public contradictoire pour le premier tour d’une présidentielle sous la Vème République. Cette idée est née lors du déplacement en Afghanistan. Dominique de Villepin a alors fait part de ce projet. Plusieurs autres candidats ont donné leur accord de principe. Pendant des semaines, les contacts ont permis de finaliser dans la discrétion. Chaque candidat doté d’un premier seuil de « parrains » (élus ou citoyens) sera convié à participer. Les clubs locaux de la presse seront invités à être les organisateurs du débat. Chaque participant recevra un nombre égal d’invitations à diffuser sur la base de cartons au caractère original supposé techniquement protégé.
Les candidats PS, Modem, Front de Gauche, Verts ont assuré de leur présence. Le « minimum vital » de crédibilité étant garanti par la présence de ces candidats « majeurs », un comité d’éthique a été composé pour diffuser les invitations et veiller à la bonne organisation pratique.
Tout serait simple si des candidats marginaux ne s’étaient pas emparés de cette initiative pour profiter de la tribune. Le morceau le plus dur est l’opposition d’une association de promotion du bilan du président sortant (« 5 ans de + ») qui proteste contre la campagne prématurée qui handicaperait la France de la sérénité imposée par les circonstances qui imposent de « tenir la barre » jusqu’à la dernière minute.
Impossible d’entrer dans l’amphithéâtre
A 18 heures 30, un fait nouveau intervient. Des membres du comité « 5 ans de + » sont venus très nombreux des départements voisins et sont encordés devant les entrées arborant des maillots « France protège ta démocratie ». Difficile de savoir qui agite ce comité aux moyens financiers solides. La veille, la Présidence de la République avait publié un communiqué très bref : « Il y a un temps pour l’action. Il y a un temps pour le débat. Le temps de l’action est encore ouvert. Celui du débat ne commencera qu’avec l’engagement officiel de la campagne. Vouloir accélérer cette ouverture, c’est prendre le risque de fragiliser la position des autorités Françaises. Chaque candidat potentiel est appelé à manifester sa préférence pour son pays face aux ambitions des partis ».
Le comité d’éthique demande à rencontrer les représentants des cinq principaux candidats. Faut-il solliciter les forces de l’ordre pour libérer les entrées ? Des premières bagarres limitées sont déjà intervenues. Une délégation se rend sur place pour tenter de négocier dans le calme un retrait honorable en offrant une prise de parole à un représentant de ce comité en début de soirée. Cette proposition est rejetée. Le premier débat contradictoire pourra-t-il se dérouler ?
Auteur: Denis Bonzy du blog Exprimeo
En exclusivité sur le blog 2villepin, dimanche 30 août, huitième épisode: Trois premières permanences électorales sont occupées