Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP et député UMP le plus proche de l’Elysée, a relancé lundi l’idée d’une détection des troubles du comportement chez l’enfant dès le plus jeune âge, en complément d’un abaissement de la responsabilité pénale à 12 ans, pour faire face à la délinquance des mineurs.
« Quand vous détectez chez un enfant très jeune à la garderie qu’il a un comportement violent, c’est le servir, c’est lui être utile à lui que de mettre en place une politique de prévention tout de suite », estime Frédéric Lefebvre: des propos absolument terrifiants !
« En 1945 un mineur sur 166 était mis en cause dans une affaire pénale, aujourd’hui c’est un sur trente, il faut réagir », a déclaré M. Lefebvre sur Europe 1.
« Je ne pense pas » que ce soit trop tôt, a-t-il dit à propos de la proposition d’abaisser la responsabilité pénale de 13 à 12 ans faite par la commission Varinard chargée par la garde des Sceaux Rachida Dati de réformer la justice pénale des mineurs. « Moi je souhaite qu’on aille même sans doute un peu plus loin », sur « la question de la détection précoce des comportements », a-t-il ajouté.
« Cela a été dans beaucoup de rapports. On dit qu’il faut le faire dès l’âge de trois ans pour être efficace », a-t-il relevé.
« Je ne suis pas un spécialiste, donc je ne déterminerai pas à quel âge il faut le faire », mais « quand vous détectez chez un enfant très jeune, à la garderie, qu’il a un comportement violent, c’est le servir, c’est lui être utile à lui que de mettre en place une politique de prévention tout de suite », a expliqué le député des Hauts-de-Seine.
« Si on veut éviter d’avoir à appliquer le pénal très tôt, il faut essayer de faire de la prévention, il faut accompagner ces enfants dont on voit qu’ils sont en train de partir sur un mauvais chemin », a-t-il dit.
Une idée portée un temps par Nicolas Sarkozy
Cette idée d’une détection de la délinquance chez les jeunes enfants avait été portée, un temps, par Nicolas Sarkozy. Alors ministre de l’Intérieur, ce dernier avait proposé dans son avant-projet de loi sur la prévention de la délinquance un « dépistage précoce des enfants présentant des troubles du comportement ». Une disposition abandonnée dans le texte définitif, voté en février 2007.
Pour mémoire Jean-Alain Benisti est le député UMP auteur du rapport sur la prévention de la délinquance sur lequel s’était appuyé Nicolas Sarkozy en 2006. Il explique pourquoi, dans son rapport, il préconisait le dépistage de troubles du comportement au plus jeune âge, c’est à dire dès 3 ans : « On ne se lève pas un jour à 14 ans, en se disant : « Tiens je sais pas quoi faire aujourd’hui, je vais devenir délinquant. » Si un enfant a des problèmes de comportement, c’est qu’il est en souffrance. Et cette souffrance va se transformer évidemment en un comportement extrêmement agressif à l’égard des autres. Ce n’est pas parce qu’un enfant a des troubles du comportement qu’il sera délinquant. Par contre, on sait pertinemment qu’un jeune délinquant est un jeune qui a eu des troubles du comportement avec des sources diverses. Mieux vaut les traiter avant plutôt qu’après. »
Des propos qui ont suscité un tollé immédiat
Comme ce fut déjà le cas en 2006, lorsque Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait proposé cette mesure, la sortie de Lefebvre a entraîné un tollé chez bon nombre de spécialistes de la petite enfance.
Un raisonnement qui ne tient toujours pas auprès des spécialistes de l’enfance. Dominique Versini est la défenseure des enfants depuis juin 2006. Son rôle : défendre et promouvoir les droits de l’enfant tels qu’ils ont été définis par la loi ou par un engagement international comme la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) ratifiée par la France en 1990. Elle est farouchement opposée à la proposition du député Benisti, reprise par Frédéric Lefebvre : « Si des petits garçons ou des petites filles se tapent dessus dans une cour de récréation… les adultes doivent leur expliquer ce qu’on fait et ce qu’on ne fait pas. Mais il ne faut pas y voir malice, ni avoir d’inquiétude, ce n’est pas très sérieux. »
D’un même élan, le professeur Claude Bursztejn, chef du service psychothérapique pour enfants et adolescents des hôpitaux universitaires de Strasbourg, souligne les dangers d’une telle systématisation, à ses yeux totalement aléatoire : « C’est confondre prévention et prédiction. On ne peut pas prédire ce que sera l’adulte en voyant un enfant de trois ans. Il ne s’agit pas de nier qu’il y a des enfants qui ont des troubles du comportement et que cela doit attirer l’attention… mais il ne faut pas être dans cette dérive de signalement, de fichage. »
Le professeur Martine Myquel, chef du service pédopsychiatrie au centre médico psychologique Lenval, à Nice, est membre de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Elle va même plus loin, pointant du doigt un risque profond de prédétermination et de conditionnement de l’entourage : « Penser, quand on voit un enfant qui tape les autres, qu’il va être délinquant, c’est quasiment le programmer. Si tout le monde a dans la tête, les parents, l’école, une prévision qu’il va devenir délinquant, on va l’amener éventuellement à l’être. Au lieu de développer ce qu’il y a de positif chez lui. »
« C’est une idée (…) choquante pour quiconque considère que l’enfance doit être respectée, s’est indigné mardi François Bayrou sur RTL. On ne peut pas prétendre qu’à trois ans la vie d’un enfant soit ainsi jouée. »
Sources: RMC, Agence France Presse et Le Point