Départ de Jacques Chirac de l’Elysée, Prise de fonctions de Nicolas Sarkozy: aujourd’hui, la Vème République a tourné une page de son histoire…
Une page de la Ve République s’est tournée, mercredi 16 mai, avec le départ de l’Elysée de Jacques Chirac, après douze ans de mandat, et la prise de fonctions de Nicolas Sarkozy, élu le 6 mai à la tête de l’Etat. La cérémonie de passation des pouvoirs, un rituel républicain millimétré, a commencé à 10 h 58 avec l’arrivée de M. Sarkozy, venu en voiture avec celui qui fut son directeur de campagne, Claude Guéant, en provenance de ses bureaux provisoires de la rue Saint-Dominique (7e arrondissement). Il a été accueilli en bas des marches du perron de l’Elysée par M. Chirac.
Les deux hommes, dont les relations de plus de trente ans ont été scandées de disputes et réconciliations, ont eu un tête-à-tête d’une trentaine de minutes dans le bureau présidentiel, moment durant lesquel M. Chirac devait transmettre à son successeur le code d’engagement du feu nucléaire, une des principales prérogatives du chef de l’Etat. Nicolas Sarkozy a ensuite raccompagné Jacques Chirac jusqu’à sa voiture, dans la cour d’honneur. Ils se sont serré la main. Le président sortant a quitté l’Elysée sur un signe de la main, sous les applaudissements de ses collaborateurs et du personnel, imités par M. Sarkozy.
Revenu à l’intérieur du palais présidentiel, Nicolas Sarkozy a écouté le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, rappeler les résultats du scrutin et lui annoncer qu’ »à partir de ce jour, vous incarnez la France ». Le grand chancelier de la Légion d’honneur lui a remis les insignes de grand-croix, puis vingt et un coups de canon ont été tirés aux Invalides.
Nicolas Sarkozy a ensuite prononcé sa première allocution de président de la République. Il a insisté sur ses exigences, douze au total : « L’exigence de rassembler les Français, exigence de respecter la parole donnée – respecter la parole donnée – et de tenir les engagements, parce que jamais la confiance n’a été aussi ébranlée, aussi fragile. » Mais aussi « l’exigence morale », celle de »réhabiliter les valeurs du travail, de l’effort, du mérite, du respect », « l’exigence de tolérance et d’ouverture », « de changement », « de sécurité et de protection » et « d’ordre et d’autorité », « de résultat », « de justice », et enfin « de rompre avec les comportements du passé ».
Le nouveau chef de l’Etat a promis de « défendre l’identité de la France, car la France a une identité », « l’impartialité de l’Etat » – un des thèmes qu’avait portés Ségolène Royal durant la campagne –, de garantir des « droits réels » et « une démocratie irréprochable ». « Je vais me battre pour une Europe qui protège », a-t-il ensuite annoncé, mais aussi « pour le développement de l’Afrique ». Il a présenté la défense des droits de l’homme et la lutte contre le réchauffement climatique comme les « priorités » de sa politique étrangère. M. Sarkozy a terminé en insistant sur l’idée qu’ »au service de la France, il n’y a pas de camp » mais seulement « les compétences, les idées, les convictions » de ceux qui veulent l’intérêt général, et s’est dit « prêt à travailler avec eux », dans la lignée de sa stratégie de constituer un gouvernement allant jusqu’au centre et à la gauche. Pour lui, il y a eu « une seule victoire le 6 mai, celle de la France qui ne veut pas mourir », et « un seul vainqueur, le peuple français (…), qui refuse l’immobilisme et le conservatisme ».
« Je pense avec gravité au mandat que le peuple français m’a confié et à cette exigence si forte qu’il porte en lui et que je n’ai pas le droit de décevoir », a-t-il dit lors de son discours d’investiture, après avoir été proclamé président de la République par le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré.
« Exigence de rassembler les Français (…), exigence de respecter la parole donnée – respecter la parole donnée – et de tenir les engagements parce que jamais la confiance n’a été aussi ébranlée, aussi fragile », a-t-il ajouté, avec émotion et gravité, devant quelque 500 personnes dans la salle des Fêtes de l’Elysée.
« Je veux dire ma conviction qu’au service de la France, il n’y a pas de camp. Il n’y a que les bonnes volontés de ceux qui aiment leur pays. Il n’y a que les compétences, les idées et les convictions de ceux qui sont animés par la passion de l’intérêt général », a-t-il souligné, alors que la composition de son gouvernement est toujours en cours.
Après avoir embrassé son épouse Cécilia sur les lèvres et salué les personnalités présentes, dont le Premier ministre démissionnaire Dominique de Villepin et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Patrick Ollier et Christian Poncelet, Nicolas Sarkozy s’est rendu dans le parc de l’Elysée pour les honneurs militaires
Après un déjeuner privé en compagnie de sa famille et de proche – une vingtaine de personnes au total -, le nouveau chef de l’Etat a quitté l’Elysée par la grille du Coq, dans les jardins du palais, à 14h00 pour remonter les Champs-Elysées à bord d’une voiture décapotable.
Escorté par des motards et la Garde républicaine, il a remonté l’avenue des Champs-Elysées en saluant une foule clairsemée, lançant des « Merci! ».
Il a ensuite déposé une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de Triomphe, avant de s’offrir un nouveau et bref bain de foule auprès de badauds venus l’acclamer derrière des barrières de sécurité.
Nicolas Sarkozy a par la suite déposé une gerbe au pied de la statue de Georges Clémenceau au Rond-Point des Champs-Elysées, en présence de descendants de la famille du « Tigre ». Il s’est rendu à pied près de celle du général De Gaulle, toute proche, pour y déposer là aussi des fleurs, en présence notamment de l’amiral Philippe de Gaulle. Il a alors sacrifié à un deuxième bain de foule.
Seule nouveauté dans ce parcours d’investiture, la visite de M. Sarkozy à la cascade du bois de Boulogne, où il a rendu hommage à trente-cinq jeunes résistants fusillés en août 1994 par les Allemands. En présence de l’ancien premier ministre Pierre Messmer et de l’ex-ministre Simone Veil, la lettre adressée par le jeune résistant Guy Môquet à ses parents a été lue.
Dans la foulée, Nicolas Sarkozy a affirmé que sa première décision, en tant que président de la République, sera « de demander au futur ministre de l’éducation nationale que cette lettre soit lue en début d’année à tous les lycéens de France ». « Il est essentiel d’expliquer à nos enfants ce qu’est un jeune Français, à travers le sacrifice de quelques-uns, l’anonyme grandeur d’un homme qui se donne à cause plus grande que lui », a-t-il ajouté.
M. Sarkozy a salué l’esprit de résistance français, estimant qu’il explique en grande partie « pourquoi la réconciliation franco-allemande fut une sorte de miracle et pourquoi jamais rien ne doit conduire à sacrifier l’amitié qui lie désormais le peuple français au peuple allemand ». Il a ensuite pris le chemin de l’aéroport en direction de Berlin, pour une rencontre avec la chancelière allemande Angela Merkel.
Nicolas Sarkozy a lancé un appel pour sortir l’Europe « de sa paralysie actuelle » en s’appuyant sur « l’amitié franco-allemande ».
Devant la presse, M. Sarkozy a indiqué que « pour la France, l’amitié franco-allemande est sacrée et que rien ne saurait la remettre en cause ». »En venant à Berlin dès ma prise de fonction je n’ai pas voulu seulement accomplir un geste symbolique, a-t-il ajouté, j’ai voulu exprimer mon souhait que nous nous mettions tout de suite au travail. » « La première urgence, c’est de sortir l’Union européenne de sa paralysie actuelle », a poursuivi Nicolas Sarkozy. Pour cela, a-t-il estimé, « il est nécessaire que l’Allemagne et la France, qui a toujours été son partenaire privilégié en Europe, s’entendent ».
« Chère Angela, j’ai grande confiance en toi, beaucoup d’amitié pour toi », a conclu le nouveau président. La chancelière a abondé dans ce sens, déclarant que l’amitié franco-allemande était « un miracle
« . Elle s’est déclarée convaincue que cette amitié serait « poursuivie et intensifiée » sous la présidence de Nicolas Sarkozy, notamment pour « faire aller l’Europe de l’avant ». « Cher Nicolas, c’est une joie particulière pour moi de t’accueillir. J’y vois un signe de la remarquable amitié franco-allemande », a-t-elle ajouté.
Sources: AFP et Reuters