Photo: Atiq-ur-Rehman (Gulf News)
Trois jours après le Grand Jury RTL – Le Figaro – LCI et deux jours avant son déplacement à Vesoul, Dominique de Villepin était, mercredi dernier, l’invité d’honneur de la Première Conférence Economique Internationale de l’Emirat d’Ajman dans le Golfe.
L’occasion pour lui de donner son point de vue sur les défis économiques auxquels sont confrontés les pays du Golfe, mais aussi d’évoquer plusieurs questions de politique internationale.
L’ancien Premier Ministre du Président Chirac est bien connu dans les pays du Golfe pour le discours historique qu’il a prononcé devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies en 2003, comme Ministre des Affaires Etrangères, pour s’opposer à l’invasion américaine de l’Irak.
Interviewé par le journal Khaleej Times en marge de son intervention lors de la Conférence Economique Internationale de l’émirat d’Ajman, Dominique de Villepin a commenté les sanctions infligées à l’Iran par la communauté internationale, a réaffirmé son opposition au retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN et a livré son point de vue sur la question de l’interdiction de la burqa en France.
Sur l’Iran
Les sanctions infligées à l’Iran sur le dossier nucléaire ne devraient pas affecter la vie quotidienne du peuple iranien, a affirmé Dominique de Villepin. Selon lui, seul un dialogue direct et ouvert avec Téhéran permettra de résoudre le contentieux qui oppose l’Iran et les Nations Unies.
Interrogé sur le fait de savoir si ces sanctions pouvaient apporter des résultats, Dominique de Villepin a répondu: « Les sanctions devraient être programmées et mises en place de telle manière qu’elles n’affectent pas la vie quotidienne du peuple iranien; cela ne rendrait la vie des Iraniens que plus compliquée. »
« Donc si quelque chose peut être fait pour mettre la pression sur le gouvernement iranien et lui faire comprendre qu’il a beaucoup plus à gagner en choisissant une autre voie que celle de la confrontation, alors des sanctions peuvent s’avérer productives. »
« Mais ce qui est encore plus important, c’est de trouver un ensemble d’incitations pour le gouvernement de Téhéran, comme nous l’avons fait en 2003 lorsque nous avons réussi à convaincre l’Iran d’accepter la suspension de l’enrichissement d’uranium. »
« Le gouvernement de Téhéran est ouvert à deux éléments qui doivent être pris en considération: le premier, c’est la reconnaissance de la communauté internationale, et le second, c’est la coopération: une coopération plus large, plus directe est nécessaire. »
Dominique de Villepin a par ailleurs souligné que l’Europe peut jouer un rôle très important dans ce processus, étant donné les relations particulières qui unissent les Etats Européens et l’Iran.
Sur l’OTAN
Dominique de Villepin s’oppose de façon très claire au retour de la France au commandement militaire de l’OTAN (la France, sous la présidence du Général de Gaulle, s’en était retirée en 1966). Sa crainte prolonge l’idée du Général de Gaulle selon laquelle ce retour réduirait l’indépendance et la souveraineté de la France, compte tenu de la domination américaine qui s’exerce au sein de l’OTAN.
« J’ai toujours exprimé mes plus vives réserves concernant l’intérêt et la nécessité de rejoindre le commandement militaire de l’OTAN. De plus en plus, les force de l’OTAN apparaissent comme des forces d’occupation. Il doit y avoir une légitimité dans chaque intervention. »
« L’OTAN avait été conçue comme une organisation défensive. Je pense qu’elle aurait dû le rester. Mieux vaut avoir une organisation sur une base régionale plutôt que sur une base idéologique. »
Et d’ajouter: « Aujourd’hui, l’OTAN est dominée par les forces américaines. Lorsque George Bush a voulu faire la guerre en Irak, j’ai dit qu’il tombait dans le piège de l’idéologie. Il n’est pas possible de mener une guerre contre un ennemi sans visage. (…) Une approche purement idéologique est dangereuse pour le monde. »
Sur la burqa en France
En réponse à une question sur l’interdiction de la burqa en France, Dominique de Villepin a déclaré: « Nous avons assez inventé de nouveaux problèmes. Je pense qu’il suffit d’appliquer strictement le principe de laïcité qui sépare l’Etat de l’Eglise et qui fait partie de notre système. Mais ce n’est pas la question du voile ou de l’Islam. »
« Au nom du principe de laïcité, nous nous sommes opposé au port du voile dans les écoles. C’est pourquoi nous avons une loi qui interdit le port du voile dans les écoles publiques. Je pense que nous devrions appliquer ce même principe au port de la burqa dans les services publics. »
« Nous sommes profondément inquiets lorsqu’il s’agit du respect de nos principes et de nos lois, mais je pense que nous ne devrions pas manifester cette inquiétude d’une façon qui soit perçue comme une critique de la foi et des pratiques d’une communauté. »
Sur les défis économiques des pays du Golfe
S’agissant du « Conseil de Coopération du Golfe » (composé de l’Arabie Saoudite, de Barhein, de Oman, du Qatar, des Emirats Arabes Unis et du Koweit), Dominique de Villepin a défendu, lors de son intervention à la Conférence Economique Internationale d’Ajman, l’idée d’une monnaie unique.
« Ce que l’Europe a fait devrait être fait dans d’autres pays. Une monnaie unique permettrait d’accroître la crédibilité de chaque Etat membre et apporterait davantage de stabilité dans sa position au niveau mondial. »
« Le Conseil de Coopération du Golfe aurait un avantage compétitif très important dans l’économie mondiale, avec une monnaie unique », a-t-il conclu.
Source: Khaleej Times (article original de Faryal Leghari)