Relaxé dans l’affaire Clearstream, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac apparaît de plus en plus comme un rival pour le chef de l’Etat. Mais ira-t-il jusqu’au bout ?
Jusqu’où ira Dominique de Villepin dans son duel acharné contre Nicolas Sarkozy? L’affrontera-t-il dans la course à l’Elysée en 2012, au risque de faire perdre son camp ? A droite, beaucoup en sont persuadés. Tel ce jeune ministre qui, croisant dans les couloirs de l’Assemblée un député villepiniste, lui lance : « Alors, tu prépares ton futur gouvernement? Je pourrai en être ? »
C’est le procès Clearstream qui a marqué le tournant, jusqu’à la relaxe intervenue le 28 janvier : « Dominique a très mal vécu sa position
d’accusé et ça l’a ancré dans sa résolution d’être candidat, analyse François Goulard, députéUMP et ancien ministre de Jacques Chirac. Il a été innocenté et victimisé : on ne pouvait pas rêver mieux ! » L’ancien patron du PS François Hollande, qui connaît Villepin (ils étaient ensemble à l’ENA), prophétise : « Désormais, il n’est plus arrêtable. Soit il est empêché par la cour d’appel (NDLR : qui doit rejuger l’affaire Cleartream d’ici à 2011), soit il est candidat. » Un ancien collaborateur de Villepin confie: « Entre 2005 et 2007 à Matignon,Dominique n’a jamais franchi le pas décisif entre l’idée de candidature à la présidentielle et la préparation à la candidature. Mais cette fois, je ne sais pas… »
Une certitude : lui qui n’a encore ni troupes, ni appareil, ni fortune ou mécène bénéficie d’une cote de popularité en or massif : 57 %, contre 38 % à Sarkozy selon un duel Ifop-Paris Match. Il a aussi son fait d’armes : son discours de 2003 à l’ONU contre la guerre en Irak, qui a probablement davantage marqué les esprits que ses deux ans à Matignon entachés par la déroute du CPE et l’embrasement des banlieues. Dans une stratégie gaullienne, l’ex-Premier ministre va, en modeste équipage, à la rencontre des Français une ou deux fois par mois – lundi dernier en Bretagne, le 3 mars au Salon de l’agriculture -, cultivant une image sociale et la nostalgie d’un Etat fort. Bref, Villepin se glisse dans le costume du candidat. Et le fait qu’il ne se soit jamais présenté à la moindre élection est un argument balayé par ses amis. « Dans sa conception de la politique, la légitimité découle de la mission, de l’action », dit son ex-directeur de cabinet, Bruno Le Maire, aujourd’hui ministre de l’Agriculture de Sarkozy. En clair, le Parlement, avec ses codes, sa culture du compromis, n’est pas le monde de Villepin.
Pour éviter une guerre fratricide, les élus de droite espèrent une grande réconciliation entre le président et la famille chiraco-villepiniste. « Sarkozy essaie d’envoyer Raffarin en Chine, fait sauter Juppé à la corde et colle un nouveau procès à Villepin, regrette un député ami de Jacques Chirac.Qu’il arrête: il ne pourra pas gagner en 2012 sans avoir toute la droite rassemblée derrière lui. »
Source: Nathalie Segaunes et Henri Vernet (Le Parisien)
A l’Elysée, on n’y croit pas
Le match annoncé Sarkozy-Villepin n’aura pas lieu : c’est le pari que fait l’Elysée. Dans l’entourage du président, on ne veut pas croire que l’ex-Premier ministre se présentera à la présidentielle. C’est un homme seul, sans troupes ni argent, dit-on. « C’est une construction médiatique, balaie un conseiller. Villepin ne dépassera pas les doigts d’une main chez les parlementaires, ils sont attachés à Sarkozy. Or, pas d’élus, pas de pognon ! » A l’UMP, on observe que Villepin est membre du parti, encarté et à jour de cotisations. « S’il veut y aller, il faudra qu’il se soumette au vote des militants face à Sarkozy. Je n’ai aucun doute sur le vainqueur », glisse un responsable du parti. « Villepin n’ira pas à la présidentielle pour se faire ratatiner à 5% », tranche unministre sarkozyste. Prudent, Sarkozy ménage ses arrières. Au cas où. « Villepin est fou à lier », dit-on dans les couloirs de l’Elysée. Le président s’est donc constitué un axe anti-Villepin : la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, qui l’agaçait tant, semble revenue en grâce. Gaulliste historique, elle n’entend pas laisser les clés de cette niche à Villepin, qui lui a ravi Matignon en 2005.
Le président s’est aussi réconcilié avec Jean-François Copé, qui veille sur les députés UMP, et il discute beaucoup avec Bruno Le Maire, qui a récemment déjeuné avec Villepin, dont il était directeur de cabinet à Matignon. « Le Maire n’était pas mandaté » pour jouer les intermédiaires, jure-t-on à l’Elysée. C’est plutôt le patron de l’UMP, Xavier Bertrand, ex-ministre de Villepin, qui pourrait un jour faire office de médiateur entre les ennemis Sarkozy et Villepin, qui ne se parlent plus depuis des mois, selon leur entourage. Tous les proches du président le reconnaissent : il faudra faire un « geste » de réconciliation, sans doute pas avant le deuxième procès Clearstream prévu fin 2010, début 2011. « Il faudra recoudre », concède un cadre UMP.
Tout à sa haine de Villepin, qu’il vouvoie (lui qui tutoie tout le monde), Sarkozy rêve en silence qu’il soit condamné en appel. « Relaxe ne veut pas dire innocence », lâche l’un de ses proches. En attendant, les amis de Sarkozy prient pour qu’il ne réponde pas aux piques. « Villepin va taper, taper jusqu’à ce que l’autre sorte de ses gonds », redoute un proche du pouvoir…
Source: Nathalie Schuck (Le Parisien)